C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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HEURE EXQUISE

Georges Enesco (1881-1955)
Sept chansons de Clément Marot, op. 15

Reynaldo Hahn (1875-1947)
Poèmes de Paul Verlaine, Théophile de Viau, Robert Louis Stevenson,
Victor Hugo, Alphonse Daudet

Ernest Chausson (1855 –1899)
Poèmes de Charles Baudelaire et Paul Verlaine

Claude Debussy (1862-1918)
Extraits des Fêtes galantes de Paul Verlaine

Marie-Nicole LEMIEUX, contralto
Daniel BLUMENTHAL, piano

Enregistrement Studio Tibor Varga (Sion, Suisse), mai 2005

CD NAÏVE   (V 5022)
Durée : 66’05




SUCCULENT…


Avec Marie-Nicole Lemieux, chaque mélodie enregistrée sur ce disque se déguste comme une friandise. La charismatique cantatrice québécoise les distille avec gourmandise et nous fait savourer délicatement les différents ingrédients savamment dosés de ces poèmes mis en musique : sentiments mélancoliques, élans de joie, traits d’humour, désir et trouble amoureux…

Le timbre rond, musical, chaleureux, la ligne de chant fermement tenue, la manière dont la voix s’envole avec grâce vers les hauteurs et parfois s’assombrit… Tout cela conjugué permet à l’oreille de goûter la finesse de chaque morceau. Avec Marie- Nicole Lemieux, même quand certains mots ne sont pas perceptibles, la langue et la musique françaises révèlent leur élégance raffinée. Les voyelles bien ouvertes sonnent claires. Les consonnes vibrent là où elles sont attendues — et entendues. Les « R » roucoulent, les « S » sifflotent, les « F » frissonnent… Dans une interview retransmise il y a peu sur les ondes, la jeune chanteuse déclarait d’ailleurs que pour cette langue réputée difficile à chanter, « avoir l’accent québécois proche de celui du vieux français, légèrement accentué et bien articulé, était plutôt une aide ». Elle expliquait qu’elle se représentait les consonnes « comme des gaines qui tiennent le son et donnent une direction à la ligne ». Une image suggestive dont bien des chanteurs français pourraient sans doute s’inspirer…

La démonstration est convaincante, mais pas restrictive. En effet, les Five little songs sur des poèmes composés par Robert Louis Stevenson, en 1915, et mis en musique par Reynaldo Hahn, ne sont pas moins fignolés quant à la prononciation de la langue de Shakespeare.

Apparemment plus mezzo que contralto, Marie-Nicole Lemieux interprète avec une délectation communicative le gracieux répertoire pour piano et chant de ces années proches de 1900. Sensible, touchante, spontanée, jamais mièvre, elle sait appliquer les couleurs et exprimer les nuances qui confèrent à chaque pièce son humeur, ses sous-entendus, son caractère. Ici, la question pressante : « Dis ! qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? » trouve toute sa pertinence. Les fêtes galantes « tourbillonnent » tandis que sa voix et le piano de Blumenthal amalgament joyeusement leur chant. Les « hommes d’équipage » et les « albatros » surgissent devant nos yeux sur « les gouffres amers ». Et, qu’il soit célébré par Marot, Verlaine, Viau, Baudelaire ou Hugo sur des mélodies aussi divergentes dans leurs sources d’inspiration musicale que celles d’Enesco, Hahn, Chausson ou Debussy, l’amour donne toujours des ailes. On passe une heure vraiment exquise !

   Brigitte CORMIER



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