G.F. HAENDEL (1685-1759)
LOTARIO
Opéra en en 3 actes
sur un livret de Giacomo Rossi
Extraits
Lawrence Zazzo (alto) - Lotario
Nurial Rial (soprano) - Adelaide
Annette Markert (alto) - Matilde
Andras Karasiak (tenor) - Berengario
Huub Claessens (basse) - Clodomiro
Kammerochesterbasel barock
Paul Goodwin, direction
Enregistrement live du 5 juin
2004
1 CD OEHMS CLASSICS OC 902 (70'01)
Cet enregistrement fut réalisé quelques jours à
peine avant l'intégrale d'Alan Curtis
pour les micros de Virgin. Si, en réalité, le chef américain
pratique des coupes sombres dans la partition, cet album est encore plus
fragmentaire et ne constitue donc pas une alternative. La sélection
proposée ne rend pas non plus totalement justice aux beautés
d'une oeuvre, certes fort inégale (en cela, cet album est assez
objectif et représentatif), mais qui méritait d'être
exhumée. Les impondérables artistiques et techniques du concert
ont sans doute limité la marge de manoeuvre des producteurs.
Avec quatre airs et le seul duo de l'opéra, le héros se
taille la part du lion, éclipsant même la prima donna
! Le public le plus récalcitrant à l'idée que des
contre-ténors puissent succéder aux castrats (Antonio Bernacchi
en l'occurrence) pourrait bien rendre les armes : Lawrence Zazzo apporte
au magnanime roi d'Allemagne une vigueur, un relief, une intensité
qui font, hélas, défaut au contralto splendide, mais trop
moelleux et extérieur de Sara Mingardo. Ce n'est pas qu'une question
de tempérament : la voix du chanteur américain est pleine
et chaude, puissante, son timbre pénétrant et nullement androgyne,
des qualités sans doute peu courantes chez les falsettistes, mais
que la mauvaise foi et les partis pris leur dénient aussi volontiers.
Que les sceptiques écoutent seulement et se rendent à l'évidence...
D'aucuns ergoteront qu'il en fait même trop ("Già mi sembra"),
mais, après tout, les contre-ténors ont aussi le droit de
croire à leurs personnages et de se donner sans compter ! Avec des
artistes de la trempe de Lawrence Zazzo, David Daniels ou Bejun Mehta,
il faudra vous y habituer.
Nuria Rial séduit d'emblée par un grain ensoleillé,
racé et une agilité renversante. Son duo avec Lotario est
un pur ravissement. En revanche, un volume confidentiel ainsi qu'un soutien
fragile devraient, pour l'instant, poser problème à la scène.
L'interprète se révèle encore bien timide, mais la
nudité de ses reprises demeure préférable aux cocottes
narcissiques de Kermes qui défigurent la musique. Bien encadrée,
la jeune Catalane a tout le temps de s'épanouir et d'affirmer sa
personnalité. Dans un autre registre, il faut guetter la sortie
du Stabat Mater de Pergolesi qu'elle vient de graver avec Carlos Mena et
le Ricercar Consort. Une artiste à suivre, assurément !
Si le personnage d'Idelberto, lui, manque à l'appel, ce n'est
pas une grande perte. Berengario (Andras Karasiak) se voit également
réduit à la portion congrue, mais l'exécution laborieuse
de "Non pensi quell'altera" n'inspire aucun regret. Enième baryton
égaré dans un rôle de basse, qui plus est desservi
par un organe sourd et à la dynamique extrêmement réduite,
Huub Claessens (Clodomiro) s'essouffle vite et perd son latin dans les
cadences de "Non t'inganni la speranza". En Matilde, figure jouissive et
noire à souhait, Sonia Prina signe chez Curtis une composition particulièrement
fouillée et convaincante ; dotée d'un métal plus dense
et sombre, Annette Market parvient en deux airs à susciter l'intérêt
- notre imagination devra toutefois suppléer l'absence de son air
de bravoure "Arma lo sguardo", alors qu'il nous faut supporter le routinier
et longuet "Vanne a colei che adori".
Enfin et sans véritable surprise, Paul Goodwin l'emporte haut
la main sur Alan Curtis au jeu des comparaisons : sans être particulièrement
inventive ni raffinée, sa direction s'avère nettement plus
ferme, énergique et il ne fait aucun doute que Lotario retrouve
avec lui la colonne vertébrale qui lui manque cruellement chez son
confrère. Avec un ténor plus assuré et une vraie basse,
l'intégrale aurait probablement infligé une rude concurrence
à la version de Curtis...
Bernard SCHREUDERS
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