Jean-Baptiste LULLY
Le triomphe
de l'Amour
Françoise Masset, soprano
(Vénus, Diane, 2ème Indienne)
Julie Hassler, soprano (Amphitrite,
La Nuit, 1ère Indienne, La Jeunesse)
Sophie Landy, soprano ( nymphe
de Flore)
Clara Georgel-Delunsch, soprano
enfant (L'Amour)
Renaud Tripathi, haute-contre
(1er Plaisir, Le Mystère, 1er Carien, Arcas)
Jean-Louis Georgel, baryton (Le
Silence, 2ème Carien, Mercure)
Philippe Roche, basse (2ème
Plaisir, Neptune, Chef des Cariens, un Indien, Jupiter)
Le Choeur et la Symphonie du Marais
Hugo Reyne, direction
Enregistré en concert le
15 novembre 2002 à Saint Germain-en-Laye
2 CD ACCORD (476 1217-8)
Collection "Lully ou le Musicien
du Soleil" volume V
Douze ans après avoir renoncé
à paraître sur scène, Louis XIV décide de renouer
avec le ballet de cour. Si le roi ne danse plus, sa progéniture
prend la relève : le jeune comte de Vermandois (14 ans) et sa soeur
Mademoiselle de Blois, depuis peu princesse de Conti (15 ans) et même
Mademoiselle de Nantes (5 ans !), à qui échoit, comme il
se doit, le rôle de la Jeunesse, entourent le Dauphin qui vient d'épouser
la délicieuse Marie-Anne de Bavière. Nous sommes en 1681,
Lully en est à son huitième opéra (
Proserpine).
Pas question de faire abstraction de cette expérience nouvelle et
o combien fructueuse : ce serait comme régresser ! Bien qu'il soit
constitué d'une vingtaine d'entrées et accorde une place
de choix à la danse,
Le Triomphe de l'Amour préfigure
en réalité l'opéra-ballet : l'introduction s'apparente
à une manière de prologue, onze entrées sont confiées
à des chanteurs solistes, quatre font également appel au
choeur et plus d'un récitatif épouse le modèle tragique.
L'ouvrage est d'ailleurs créé à Saint-Germain-en-Laye,
sur la scène même où furent montés les opéras
du Surintendant.
Le tableau est simple, édifiant : l'Univers se partage entre
les divinités acquises à l'Amour (Apollon, Pan, Zéphyre
et Flore) et celles qui lui succombent (Mars, Amphitrite, Borée,
Diane et jusqu'à Bacchus, conquérant des Indes, mais qu'Arianne
charme "d'un seul regard"). Si le génie mélodique de
Lully fait mouche dès le premier air de Vénus, "Tranquilles
coeurs, préparez-vous à mille secrètes alarmes", un
air repris en chansons et parodié par ses contemporains, c'est la
résistance, plus farouche, de Diane, seul ressort dramatique (à
peine esquissé) de l'ouvrage, qui lui inspire les pages les plus
captivantes. De la ritournelle mélancolique des flûtes traversières
jusqu'au mystérieux appel du Silence, "Que tout soit tranquille,
Taisons-nous", en passant par la langoureuse et envoûtante symphonie
en ré mineur, avec ses violons en sourdine ("prélude à
la Nuit"), les allégories de la Nuit, du Mystère et du Silence
constituent à la fois le coeur et le sommet de l'ouvrage. A la faveur
de l'obscurité du soir, la déesse se laisse troubler par
la beauté d'Endymion, chavire et implore :
"Sombre Nuit, cache-moi s'il se peut à moi-même"...
Il faudrait aussi évoquer la caresse du quatuor de flûtes
à bec qui prélude à l'apparition du plus candide des
Amours ("Plus un coeur est grand, plus il faut qu'il aime") ou la puissante
apothéose, digne des tragédies en musique du tandem Lully-Quinault,
qui couronne ce divertissement luxuriant, mais plutôt statique.
Le 21 janvier 1681, Lully disposait de moyens considérables :
quarante-sept cordes (les deux bandes de violons), vingt et un "flûtes
et hautbois", une dizaine d'autres instrumentistes pour la basse continue
(parmi lesquels D'Anglebert et Marais) et pas moins de quarante-huit chanteurs
! Difficile de retrouver l'éclat et la majesté du spectacle
original avec quinze cordes, sept vents (quatre musiciens alternant les
flûtes à bec avec les traversières et les hautbois),
quatre continuistes et à peine une vingtaine de chanteurs, solistes
compris... Néanmoins, l'équipe réunie pour ce concert
en costumes donné sur les lieux même de la création,
ne démérite pas et compense par un bel engagement la maigreur
de ses effectifs. Parmi les solistes, Françoise Masset et Julie
Hassler (en particulier dans le rôle de la Nuit) rivalisent d'éloquence
et d'élégance, dominant haut la main le plateau. Parfaite
en Mystère susuré, la haute-contre Renaud Tripathi paraît
bien malingre ailleurs (la chanson d'Arcas) ; doté d'un organe agréable
et sonore, Philippe Roche demeure, quant à lui, par trop rigide.
Rien à redire, en revanche, des Georgel (Jean-Louis et Clara), bien
plus concernés par ce qu'ils chantent. Si elle manque encore parfois
de nerf, la direction d'Hugo Reyne a bonifié depuis ses premiers
pas dans l'exploration du répertoire scénique de Lully. Un
soupçon de fantaisie, un zeste d'audace serait toutefois le bienvenu.
Pourquoi, par exemple, ne pas glisser une paire de castagnettes dans les
mains de Julie Hassler (La Jeunesse) ? Mademoiselle de Nantes ravissait
l'auditoire de Saint-Germain en jouant de ces percussions exotiques...
Bernard SCHREUDERS
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