Giuseppe VERDI (1813-1901)
MACBETH
Mélodrame en quatre actes
Livret de Francesco Maria Piave
(Florence, 1847)
Version révisée
pour le Théâtre lyrique de Paris (1865)
Macbeth : Carlos Alvarez
Banquo : Roberto Scandiuzzi
Lady Macbeth : Maria Guleghina
Suivante de Lady Macbeth : Bergona
Alberdi
Macduff : Marco Berti
Malcolm : Javier Palacios
Un Médecin : Stefan Kocan
Orchestre et Choeur Gran Teatre
del Liceu
Direction : Bruno Campanella
Mise en scène : Phillida
Lloyd
Décor et costumes : Anthony
Ward
Chorégraphie : Michael
Keegan-Dolan
Enregistrement live Gran Teatre
del Liceu, 30 mars et 2 avril 2004
DVD OPUS ARTE ( 2 DVD 9 - 0A 0922
D)
164 minutes - Pal. 4/3. Toutes
zones.
DTS Surround /LPCM STEREO
Un opéra gore !
Sans nul doute l'un des plus sanglants du répertoire, cet opéra
inspiré de la tragédie de Shakespeare occupe une double place
dans la chronologie de Verdi.
1847 : Macbeth est créé à Florence
1865 : Macbeth, traduit en français, est remanié pour
Paris. C'est cette version rétablie en italien, que l'on présente
aujourd'hui.
En 1865, Verdi a composé ses grands chefs-d'oeuvre, notamment
Rigoletto, Il Trovatore, La Traviata. Et Don Carlo (1867) n'est
pas loin ! Il n'est guère étonnant que le compositeur, fervent
admirateur des dilemmes psychologiques shakespeariens, ait voulu réviser,
et surtout enrichir musicalement cet opéra qu'il aimait spécialement.
De nombreuses retouches résultant de sa plus grande maturité
sont donc apportées. Mais il faut dire qu'en dehors du ballet et
du sublime "La luce langue", les moments forts de la partition - scènes
de sorcellerie, crise de somnambulisme, apparitions, air de Macduff - étaient
présents dès l'origine.
Manipulé par l'esprit malin des sorcières, téléguidé
mentalement par une épouse avide de gloire, Macbeth commet en catimini
un crime atroce. Le sang du régicide auquel il doit son trône
usurpé lui colle à la peau. Le spectre de sa victime le hante.
Il tente en vain de déjouer les sinistres prédictions des
sorcières pour rester au pouvoir. Quoi qu'il fasse, il est le jouet
d'un destin implacable. Le sang appelle le sang. Symboliquement indélébile,
ce sang conduisant Lady Macbeth à la folie et à la mort,
ne cessera de couler jusqu'à la fin du drame.
L'impact du rouge, contrastant violemment avec le noir et le blanc,
a fait ses preuves ! Nulle raison de s'en priver dans ce contexte, pas
plus que des riches ors, insignes de la puissance des rois. Comme il se
doit, la mise en scène de Phillyda Llyold, présentée
pour la première fois à Covent Garden, exploite à
fond - mais sans appuyer - l'effet des scènes sanglantes. Le cadavre
du roi Duncan baigne dans un sang encore chaud, la scène de magie
noire exhibe furtivement un foetus sanguinolent... Les épisodes
de sorcellerie, le ballet, les apparitions et la marche funèbre
des exilés s'intègrent à l'action en fondus enchaînés.
Remarquons, en passant, que les jeunes et jolies sorcières nous
semblent plus espiègles que terrifiantes - un parti qui, après
tout, se défend.
L'espace scénique proposé par Anthony Ward veut renforcer
la tension psychologique que subissent Macbeth et sa Lady, prisonniers
de leur crime dans leur cage dorée. Dans l'ensemble, le jeu dramatique,
sans être extériorisé à l'excès, est
bien conduit. La lumière répond avec justesse à l'expression
des conflits intérieurs des personnages. Les gros plans de la vidéo
permettent d'apprécier sur les visages l'engagement dramatique des
chanteurs. Mais - revers de la médaille - quand les changements
de plans sont trop fréquents et trop rapides, les sauts visuels
ainsi imposés empêchent de se concentrer sur la ligne de chant
et le plaisir musical en pâtit.
Sous la baguette énergique mais sensible de Bruno Campanella,
attentif à mettre en valeur toutes ses riches nuances, à
la saveur parfois berliozienne, l'orchestre et le choeur du Liceu nous
donnent une lecture pleine et colorée de cette oeuvre d'un jeune
Verdi, revisitée par lui-même alors qu'il est en pleine possession
de son art.
Dans le rôle-titre, Carlos Alvarez exprime, à travers ses
attitudes et surtout son regard constamment éperdu d'angoisse, toute
l'ambiguïté de ce personnage présomptueux et lâche.
Bien que le timbre soit parfois un peu rêche, la voix est solide,
bien projetée avec de très beaux moments, en particulier
dans "Oh donna mia !" et la scène d'apparition des huit rois.
Maria Guleghina, à priori bien loin de la conception de Verdi
qui - selon sa correspondance - imaginait Lady Macbeth "difforme et laide"
avec une voix "rauque, étouffée, caverneuse", met un certain
temps à faire oublier son physique généreux et son
timbre moelleux pour devenir le personnage inhumain qui tire les ficelles
d'un drame sanguinaire. Toutefois, dès la grande scène et
le duo avec Macbeth, la cantatrice ukrainienne se transforme peu à
peu sous nos yeux pour devenir une Lady dotée de tout le mordant
voulu. En grand soprano dramatique, elle déploie l'étendue
de ses magnifiques moyens vocaux qui culminent dans la folie somnambule
de ses derniers instants.
De l'ensemble de la solide distribution entourant le couple infernal,
ressort le ténor Marco Berti qui nous chante, avec une émotion
contenue et un regard ô combien habité, un air de Macduff
d'une grande beauté.
Brigitte CORMIER
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