..... |
Giuseppe VERDI
MACBETH
Mélodrame en quatre actes
Livret de Francesco Maria Piave, d’après Shakespeare
Macbeth : Leo Nucci
Lady Macbeth : Shirley Verrett
Macduff : Philippe Volter, sur la voix de Veriano Luchetti
Banco : Johan Leysen, sur la voix de Samuel Ramey
Malcolm : Antonio Barasorda
Dama : Anna Caterina Antonacci
Fleanzio : Nicolas Sansier
Médecin : Sergio Fontana
Un serviteur : Grégoire Baldari, sur la voix de Gianfranco Casarini
Un sicaire : Alain Pascal Housiaux, sur la voix de Gastone Sarti
Un héraut : Giuseppe Moresi
Première apparition : Natale de Carolis
Deuxième apparition : Barbara Briscik
Troisième apparition : Marco Fanti
Un film de Claude d’Anna
Orchestre du Théâtre communal de Bologne
Direction : Riccardo Chailly
Filmé en 1987 en Belgique – Enregistré en 1987 à Bologne
2 DVD DGG 00440 073 4380 (octobre 2007)
132 minutes + 45 minutes de bonus (Making-off)
Lady Nucci
Qui se souvient de ce Macbeth, film de Claude d’Anna
sorti sur les écrans en 1987 et présenté, hors
compétition au Festival de Cannes cette année-là ?
Lorsqu’on parle de films d’opéra, on évoque
le Don Giovanni de Losey (1978), les ratages, coupures à l’appui, de Zeffirelli (Traviata en 1982 et Otello en 1986), ou le Carmen
très médiatisé de Rosi (1983) mais très peu
ce film qui pouvait s’appuyer sur un exceptionnel duo
formé de Shirley Verrett et Leo Nucci.
Il sort, pour la première fois, en DVD et c’est un
événement !– mais pourquoi diable avoir
remplacé l’affiche du film, qui était
réussie, par une photo façon spectacle
filmé plus anodine ?
Le duo, sur lequel nous reviendrons, n’est pas le seul argument
de ce film. Claude d’Anna, réalisateur français
à la filmographie plutôt réduite au sein de
laquelle on note quand même une adaptation de Salomé,
est resté fidèle au livret et à l’esprit de
la pièce de Shakespeare. On est au XIème siècle et
au Moyen Age en Ecosse, on ne rigole pas. Il pleut, il fait froid. Le
château de Godefroy de Bouillon dans les Ardennes belges sert de
décor au drame et en donne le ton : tout est ruisselant,
sombre, sale, et les rats, comme les sorcières,
l’envahissent peu à peu. Certaines scènes sont
saisissantes, comme le prélude d’ouverture où les
corps en décomposition de soldats trucidés jonchent la
route de Macbeth ; la scène des apparitions au
troisième acte, tourné sur un lac souterrain, est
également très réussie ; les
sorcières, façon guerre du feu, sont omniprésentes
et jouent le troisième rôle principal, aux
côtés du couple royal. Les scènes de foule,
notamment en plein air au IV. ou les scènes plus
mouvementées comme l’assassinat de Banco, sont
également bien tournées. La direction d’acteurs
exploite à fond les talents d’acteurs de Shirley Verrett
de Leo Nucci. Claude d’Anna le dit dans le très
intéressant making-off de 45 minutes: pour lui, Nucci est
un impuissant que sa femme contrôle par le sexe (ce qui ne doit
pas être simple dans ces conditions, on en conviendra) et pousse
au crime. Leur relation est donc extrêmement physique et
d’Anna pousse les acteurs à se dépasser (il faut
voir la tête du bon Leo lorsque le réalisateur explique
à Shirley Verrett qu’elle doit prendre de manière
suggestive l’épée pour donner du courage à
son époux…).
Naturellement, ce film n’échappe pas à certaines
faiblesses propres à ce genre bâtard et notamment souffre
de certains temps morts, pendant les airs, et notamment le
« Pietà, rispetto, amore ». La
synchronisation des voix et des acteurs ne pose pas plus de
difficultés que pour d’autres films (Verrett et Nucci ont
joué sur la bande son enregistrée peu avant et
réussissent bien cet exercice ingrat)… sauf pour Banco et
Macduff. La bande son profite de la présence de Samuel Ramey et
de Veriano Luchetti, mais à l’écran, on voit deux
acteurs qui tentent de mimer comme ils peuvent… le ridicule
n’est pas loin surtout lorsqu’on connaît le charisme
de Ramey et de Luchetti qui auraient été parfait. La
production a sans doute fait ce qu’elle pouvait compte tenu des
agendas des uns et des autres, mais c’est là un point
faible indéniable.
Côté son, justement, la tigresse américaine et le lion d’Emilie Romagne
forment un couple idéal (la bande son du film est sortie en CD,
chez Decca en 1987 mais ce CD ne paraît plus disponible
actuellement et une réédition serait bienvenue). La
Verrett, à 56 ans, est au sommet de son art, avec ce timbre si
particulier et si riche qui convient bien à la Lady
qu’elle a maintes fois incarnée sur scène... Leo
Nucci, à l’inverse, n’avait pas encore fait ses
débuts dans le rôle qu’il incarnera peu
après, notamment à Marseille en 1989 (notamment avec
Ghena Dimitrova en Lady) et qu’il conserve toujours à son
répertoire (en avril 2008, il l’incarnera à la
Scala). Son Macbeth est encore juvénile, mais angoissé,
en proie au doute, puis à la culpabilité. Vocalement, le
rôle lui va à merveille et Leo y déploie une ligne
verdienne que peu lui disputent et même de magnifiques passages
en demi-teintes, par exemple dans le duo avec Banco au I.
La distribution est complétée par Ramey, somptueux, et Luchetti donc, mais aussi par Barasorda, le tout sous la direction de Chailly,
à la tête de son orchestre de Bologne. L’ensemble
est clair et limpide. Sans doute, Chailly livrerait-il
aujourd’hui une lecture plus nerveuse de l’œuvre.
Mais la bande son de ce film tient toute sa place dans la discographie
très abondante.
Alors, les quatre étoiles pour ce film ? Parfaitement
justifiées, vous en conviendrez, pour le motif suivant :
à la sortie en salle, il y a vingt ans donc, on avait beaucoup
aimé ce film. En le revisionnant pour la première fois,
la déception aurait dû être là car les ans
magnifient les souvenirs et le retour sur terre est souvent
douloureux… Mais non, grâce à Lady Nucci et
à Leo Macbeth, ce film reste un must. A quelques semaines de Noël, merci à la Deutsche Grammophon !
Jean-Philippe THIELLAY
Acheter ce DVD sur Amazon
|
|
|