Gustav MAHLER(1860-1911)
Der Knaben Wunderhorn
Barbara Bonney,
soprano
Sara Fulgoni,
mezzo-soprano
Gösta Winberg,
ténor
Matthias Goerne,
baryton
Royal Concertgebouw
orchestra
Riccardo Chailly
CD Decca 467 348-2
(avril 2003)
1. Der Schildwache
Nachtlied
2. Wer hat dies
Liedlein erdacht
3 Der Tamboursg'sell
4. Das irdische
Leben
5Verlor'ne Müh'
6. Des Antonius
von Padua Fischpredigt
7. Urlicht
8. Revelge
9. Rheinlegendchen
10. Lob des hohen
Verstands
11.Trost im Unglück
12. Wo die schönen
Trompeten blasen
13.Lied des Verfolgten
im Turm
14. Das himmlische
Leben
(Enregistrement
réalisé les 19, 20 et 23 juin 2000)
Depuis quelques années, Riccardo Chailly est entré de
plain-pied dans le cercle restreint des grands chefs mahleriens actuels.
Ses enregistrements récents des symphonies, à la tête
du Concertgebouw d'Amsterdam, s'inscrivent avec bonheur dans la longue
tradition qui unit depuis près d'un siècle le prestigieux
orchestre néerlandais et la musique du compositeur autrichien.
Avec cette nouvelle gravure, le chef italien aborde une page clé
dans l'oeuvre de Gustav Mahler. Plusieurs générations de
musiciens germaniques, de Weber à Zemlinsky, ont succombé
au charme du Knaben Wunderhorn, ces textes de vieilles chansons
populaires allemandes publiées par Achim von Armin et Clemens von
Bentano entre 1805 et 1808. Plus que tout autre, Mahler sera profondément
et durablement marqué par ce recueil, où l'univers de l'enfance
côtoie celui de la guerre et de la mort, et qui lui inspirera, outre
ses premières symphonies, près de vingt-cinq lieder, notamment
les treize avec orchestre qui nous sont proposés ici.
Les lieder du Wunderhorn ne constituent pas un cycle à
proprement parler, aussi Riccardo Chailly a-t-il choisi de les présenter
selon un ordre différent de celui auquel nous sommes habitués
et de leur adjoindre Das Himmlische Leben, le finale de la quatrième
symphonie qu'il a déjà publiée chez le même
éditeur avec également Barbara Bonney en soliste.
De plus, il s'est livré à un rigoureux travail de recherche
afin de déterminer l'effectif orchestral et les voix qui se rapprochent
le plus de ce que souhaitait le compositeur. De fait, si la soprano et
le baryton se partagent la plupart des airs, deux d'entre eux, judicieusement
placés à mi-parcours, sont dévolus respectivement
à un ténor et à un mezzo. Pour l'orchestre, il s'est
référé à une lettre adressée à
Richard Strauss dans laquelle Mahler exprime clairement son désir
que ces lieder soient exécutés comme de la musique de chambre,
ainsi qu'en témoigne la formation qu'il dirigea lui-même en
janvier 1905 dans la petite salle du Musikverein à Vienne, pour
un concert dont le programme comportait une partie des lieder du
Wunderhorn.
Cette conception nous vaut un orchestre moins pléthorique que
celui que l'on entend généralement dans ces oeuvres, l'effectif
des cordes notamment est sensiblement réduit. Le chef peut ainsi
se permettre de souligner le moindre détail et d'offrir une infinité
de nuances dans son accompagnement qui évite tout pathos excessif.
Le résultat est tout à fait convaincant même si le
drame est moins présent dans certaines pages comme Das irdische
Leben, privé en partie de son caractère éminemment
tragique.
A l'allègement de l'orchestre répond judicieusement celui
des voix. Cependant Barbara Bonney est-elle bien à sa place dans
cet univers si particulier ? Souveraine dans Schubert, Schumann ou Mendelssohn,
la cantatrice américaine peine à trouver ici ses marques
et son interprétation "proprette" laisse l'auditeur sur sa faim.
Pour un Wo die schönen Trompeten blasen ou un Das himmlische
Leben particulièrement émouvants, la voix ne peut masquer
une certaine tension (Wer hat dies Liedlein erdacht aux vocalises
laborieuses) ni se départir de son aspect élégiaque
hors de propos dans Lob des hohen Verstands qui réclame davantage
d'humour, voire de personnalité. Elle ne saurait soutenir dans ce
lied la comparaison avec ce que peut en faire, à la scène,
une Dawn Upshaw ou au disque une von Otter, pour ne s'en tenir qu'aux interprètes
actuelles. Au final, une prestation en demi-teintes qui souffre d'une trop
grande uniformité et reste simplement jolie.
Matthias Goerne semble plus à son affaire. Son talent de diseur
fait mouche dans Der Schildwache Nachtlied ou Lied des Verfolgten
im Turm. Regrettons cependant une palette de couleurs limitée
(Des Antonius von Padua Fischpredigt), un timbre artificiellement
assombri et des graves franchement laids dans Der Tamboursg'sell
notamment, où il ne saurait faire oublier un Fischer-Dieskau ni
rivaliser avec un Hampson, magistral dans ce lied.
Sara Fulgoni interprète Urlicht avec conviction et probité,
servie par un timbre particulièrement envoûtant. Gösta
Winbergh dont c'est sans doute le dernier enregistrement, offre une vision
tout à fait dramatique et poignante de Revelge, sachant tirer
parti des quelques tensions de sa voix dans le haut médium à
des fins interprétatives. Finalement, c'est à eux que l'on
doit les meilleurs moments du disque.
Une version atypique en somme, réductrice diront certains, qui
capte l'attention sans toutefois convaincre pleinement comme les prestations
de Dietrich Fischer Dieskau et Elisabeth Schwarzkopf (avec Szell chez EMI
) ou de Christa Ludwig et Walter Berry (avec Bernstein chez Sony). Parmi
les enregistrements plus récents, le tandem von Otter. Quasthoff
livre de ces oeuvres une vision plus aboutie et excitante sous l'excellente
baguette d'Abbado chez DGG.
Christian Peter
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