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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
MANON
Manon, Edita Gruberova
Le Chevalier Des Grieux, Francisco Araiza
Le Comte Des Grieux, Pierre Thau
Lescaut, Hans Helm
Guillot-Morfontaine, Wilfried Gahmlich
Brétigny, Georg Tichy
Poussette, Donna Robin
Javotte, Margareta Hintermeier
Rosette, Axella Gall
Hôtelier, Alfred Sramek
Chor der Wiener Staatsoper
Orchester der Wiener Staatsoper
Adam Fischer
Mise en scène, décors & costumes, Jean-Pierre Ponnelle
Réalisation, Brian Large
1 DVD Deutsche Grammophon, 00440 073 4207
Manon au Prater
Gros, gros succès que celui de Manon ;
gros succès jamais démenti depuis 1884. Gros, gros
succès que celui de cette production viennoise du
« presque-centenaire » ; gros succès
que le présent dvd ne viendra pas démentir.
Elle date, en fait, de 1971, cette production. Ponnelle y abandonnait
la décoration stricto sensu pour aborder les planches,
véritablement. Mais Ponnelle, toujours un peu (beaucoup)
décorateur dans l’âme fait du décoratif. On
ne lui en voudra pas ; ce décoratif-là
(l’hôtel de Transylvanie… et la Cours la Reine,
magistralement bigarré) fait merveille. Sens inné du
superflu, de l’accessoire ; superbe ascèse, aussi, du
tableau de Saint-Sulpice, réchauffée seulement par la
robe rouge-feu de l’héroïne. Du bon Ponnelle
susceptible de plaire au plus grand nombre (et c’est rare !).
Du très bon Ponnelle, même. Excessivement bien
dirigé pour ce qui regarde les chanteurs. Surtout si l’on
voit ce que le metteur en scène fait de Gruberova, qui
n’est tout de même pas une torche-vive. Brian Large
étant aux manettes de la captation, on ne manquera rien de ce
tendre marivaudage qui frôle l’abîme.
Vienne met dans la bataille toutes ses forces ; son velours et son
charme inné. Son petit voile de nostalgie aussi
(l’entrée de Manon). Sa poésie
légèrement amollie aussi qui va si bien ici aux tableaux
de demi-caractère et surtout au Cours la Reine, bouillonnant et
déboutonné juste ce qu’il faut.
Une grande soirée viennoise, nous dit la notice (point trop
hagiographique) du coffret. Une soirée viennoise en fait ;
avec ses comprimarii anonymes et interchangeables qui vont aussi bien
à Mozart qu’à Strauss, à Massenet
qu’à Puccini (aïe, on y perd une étoile). Une
soirée viennoise avec un Pierre Thau un peu induré. Une
soirée viennoise avec sa pointe de sourire facile et
d’exotisme (mais enfin, on connaît des Espagnoles et des
Roumaines qui ont bien réussi dans Manon).
Une soirée viennoise, surtout, édifiée comme
souvent autour de son couple vedette. Là, le succès
n’est pas usurpé. Parce que lui a, avec son timbre de
ténor réchauffé de couleurs sombres, tout Des
Grieux dans la voix : nuances et ligne ; abattage et
sex-appeal. Ca, un séminariste ? Succès aussi, du
côté de l’héroïne. Gruberova, en 1983,
commençait à explorer assez systématiquement les
marges du répertoire qu’on lui réservait
ordinairement (Mozart et Strauss, forcément ; l’avers
et le revers d’une vocalité quasi-surnaturelle de
suspension et de colorations). C’était le début des
excursions vers le bel-canto. C’était aussi
l’occasion de cette jolie, fort jolie Manon.
Jolie et pas seulement. Bien-sûr Gruberova minaude un peu. Rose
comme une pensionnaire pré-pubère, elle amuse au
début ; avec sa sensibilité surannée de
demi-mondaine, ensuite, dans son appartement, elle commence à
intéresser ; investie comme elle l’est à
Saint-Sulpice, elle accroche l’attention ; à sa mort,
elle tirerait des larmes à un crocodile cacochyme !
Gruberova restera toujours Gruberova ; avec ses petites
indélicatesses de style (et encore pas tellement ici) ;
avec ses aigus attaqués par-dessous et son charisme de cousette.
Ici, tout cela ne choque pas. Non ! C’est même autant
de qualités pour cette interprétation (et je choisis bien
le mot pour ce qu’il veut dire). A Saint-Sulpice je retrouve la
Gruberova des Contes
d’Ozawa (Giulietta hors-vocalité mais justement
portée à des subtilités de phrasé rarement
entendues). Prude et jeunette ; coquette et nonchalante ;
amoureuse et déchirée ; brillamment
décomplexée…
Deux citations des compte-rendus d’époque pour finir et
qui qualifient bien cette Manon : « mise en
scène de livre illustré » et
« fête pour Gruberova ». A voir !
Benoît BERGER
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