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Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nüremberg
Hans Sachs Bernd Weikl
Veit Pogner Manfred Schenk
Kunz Vogelgesang Andras Molnar
Konrad Nachtigall Martin Egel
Sixtus Beckmesser Hermann Prey
Fritz Kothner Jef Vermeersch
Walther von Stolzing Siegfried Jerusalem
David Graham Clark
Eva Mari Anne Häggander
Magdelene Marga Schiml
Chor und Orchestrer der Bayreuther Festspiele
Horst Stein
Mise en scène Wolfgang Wagner
Costume Reinhard Heinrich
Enregistré à Bayreuth du 18 au 29 juin 1984
Durée : 267 min
2 DVD DG 00440 073 4160
Un petit goût d'avant guerre
« [La mise en scène des Maîtres chanteurs de
Wolfgang Wagner] me parut conventionnelle jusqu'à
l'insupportable. La plus grande partie des mécènes, en
majorité des bourgeois incultes, étaient
enthousiasmés de revoir les Maîtres chanteurs de Nuremberg
représentés enfin comme au bon vieux temps. »*
On pourrait accuser Gottfried Wagner, fils de Wolfgang et auteur de ces
lignes, d'être indigne et ingrat vis à vis du travail de
son père... si son jugement n'était d'une lucidité
et d'une justesse totales. Bien qu'il parle ici de la production que
son père signa en été 1968, ces propos
s'appliquent hélas parfaitement à celle de 1984,
publiée aujourd'hui par DG.
On est loin de la « magie de l'espace scénique, avec
ses effets de lumière changeant sans cesse devant le cercle d'un
horizon simple et clair » dont parle le même Gottfried
au sujet des Maîtres chanteurs que son oncle Wieland mis en
scène en 1956. On imagine alors aisément le grand
écart esthétique et intellectuel auquel devait se
résigner le public du Festspielhaus lorsque les deux
frères présentaient chacun leurs nouvelles productions.
C'est peu de dire que la vision de Wolfgang Wagner est traditionnelle,
tellement les décors sont simplement illustratifs et les gestes
et attitudes des personnages redondants par rapport au texte. Rien n'y
manque : ni le banc de pierre dont parle Eva à l'acte II, ni le
panier rempli de fleurs et de saucisses qu'apporte David à Sachs
au début de l'acte suivant !
La notice introductive a beau essayer de justifier la démarche
de Wolfgang Wagner qui se serait efforcé, dans cette production,
de « rendre vie à l'action de manière
naturelle et humaine où il n'y aurait plus trace du
pathétique nationalistes », le petit-fils de Wagner
ne fait que nous servir des Maîtres chanteurs dans la plus pure
tradition entretenue par Cosima à la mort du compositeur, et
à des années lumières du Nouveau Bayreuth voulu
par Wieland.
A ce jeu de reconstitution de la moindre didascalie, le premier tableau
du troisième acte est le plus pénible : l'atelier de
Sachs, aux allures de cellule monacale, manque de la poésie et
du lyrisme qui imprègnent musicalement la matinée de la
Saint-Jean. En outre, certains plans de foules, filmés depuis la
coulisse, soulignent même l'inconsistance de la direction
d'acteur de Wolfgang Wagner.
Cela accepté (et c'est déjà beaucoup), reste un
spectacle efficace qui tient la route pendant plus de quatre heures,
grâce notamment à des interprètes assez familiers
à la scène et aux rôles pour évoluer avec
une aisance qui confère un minimum de fluidité à
l'action. Si on aurait aimé une Magdalene moins bonne copine et
plus nourrice que le personnage insignifiant que dresse Marga Schiml,
le David de Graham Clark est pour sa part d'une solidité vocale
et d'une efficacité scénique à toute
épreuve. L'Eva de Mari Anne Häggander est bien chantante,
charmante et fraîche mais manque de grâce et d'aura,
notamment dans le quintette qu'elle se contente de chanter alors
qu'elle devrait le conduire. Est-ce l'image qui donne cette impression,
en tout cas, Siegfried Jerusalem trouve une certaine
juvénilité en Walther qu'il n'a pas dans ses autres
rôles wagnériens et arrive au Morgenlich final radieux
d'aigus.
Reste la confrontation des deux clés de fa qui prend des allures
de ying et de yang. Le Beckmesser tout en éclats, en
emportements et en démesure de Hermann Prey est néanmoins
d'une telle élégance que le personnage en devient plus
inquiétant que ridicule, alors que Bernd Weikl a cette
sérénité du chant qui traduit la philosophie de
vie un rien terrienne mais particulièrement touchante qui fait
la grandeur de Sachs.
Une mise en scène digne des années 30 mais sans les
distributions légendaires qui en font le prix, c'est en quelque
sorte n'avoir ni le beurre ni l'argent du beurre...
Sévag TACHDJIAN
* Gottfried Wagner, L'Héritage Wagner, une autobiographie, Nil Editions, 1995.
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