C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Mélodies wagnériennes

Emile MATHIEU
Le Roi des Aulnes
Le Fidèle Eckart
Le Barde
Le Pêcheur

Sylvain DUPUIS
Mon coeur sera joyeux !
Bonsoir, Mignonne
Elégie
Aubade
Matin

Richard WAGNER
Tout n'est qu'images fugitives
Mignonne
Extase
Dors, mon enfant
Attente
La tombe dit à la rose...

Adolphe BIARENT
Lied
Désir de mort
Chanson
La lune blanche
Des Ballades au hameau

Patrick Delcour, baryton
Diane Andersen, piano

1 CD Etcetera KTC 1276
2004 - 61'59'' - chanté en français - textes inclus


Michèle Isaac a raison de souligner, dans son intéressante plaquette introductive, l'impact qu'eut l'oeuvre wagnérien sur la musique belge. Et ce CD fort original nous présente précisément trois de ces compositeurs sous influence.

Emile Mathieu (1844-1932), le moins connu des trois, a pourtant déjà eu l'honneur du disque, avec sa cantate Freyhir (Musique en Wallonie). Elève de Fétis, il devint directeur du Conservatoire de Gand jusqu'en 1924. Les quatre mélodies interprétées ici sont fort agréables, quoique peu personnelles. Ressortissant au genre ballade, elles ont la particularité d'avoir été écrites simultanément en allemand et en français. Si le talent de Diane Andersen souligne l'importance de l'accompagnement pianistique, la voix trop monochrome de Patrick Delcour ne distingue pas assez les différentes pages.

Cette tendance s'avère plus fâcheuse encore pour le compositeur suivant, plus intéressant, Sylvain Dupuis (1856-1931). Chef d'orchestre à La Monnaie, il fut également directeur de Conservatoire, mais à Liège. Sa musique est bien jolie, d'une belle sensibilité harmonique (Matin) et très inspirée mélodiquement (Bonsoir, Mignonne).

Mais le musicien incontestablement le plus attachant se révèle être Adolphe Biarent (1871-1916) dont nous connaissons deux passionnants CD de musique orchestrale parus chez Cyprès. Elève d'Emile Mathieu, il rejoint la filiation postfranckiste, si présente dans la Belgique de l'époque, avec une pointe de debussysme. Les poèmes sont symbolistes (Lahor, Maeterlinck, Verlaine). Biarent compose avec grand raffinement : écoutez l'exquise coda de La lune blanche, par exemple. Il se aussi se montrer réellement émouvant, comme dans la dernière mélodie, Des Ballades au hameau (Paul Fort), contant, sur fond de Dies Irae, la mort d'une jeune paysanne. Admirable.

Mais si cette parution attirera l'attention d'un plus large public, ce sera évidemment pour les six mélodies de Wagner dont deux sont données en première mondiale, du moins dans leur achèvement. Certes, en 1840, Wagner n'était pas encore le Maître de Bayreuth. Il séjournait à Paris, et envisageait la composition du Vaisseau fantôme. C'est donc un très jeune Wagner que nous entendons ici, encore marqué par la romance de salon à la mode. Il est intéressant de découvrir, dans Tout n'est qu'images fugitives, l'ébauche de la future "Romance à l'étoile" de Tannhäuser sur les mots "Il n'est rien de vrai que le ciel". Mignonne, célébrissime poésie de Ronsard, curieusement, évoque le traitement de la mélodie qu'approchera un Gounod, par une fort jolie fraîcheur d'inspiration. Quant à Attente, c'est ici la partition de piano, frémissante, qui pourrait peut-être annoncer ce qu'allait devenir le compositeur. Les autres mélodies, elles, sont plus banales. Deux d'entre elles, Extase et La tombe dit à la rose..., inachevées, ont donc été terminées par la compositrice liégeoise Berthe di Vito-Delvaux.

En conclusion, voici donc une parution plutôt fascinante par son programme hors des sentiers battus et qui nous apporte des découvertes tout à fait passionnantes. Dommage que l'interprétation de Patrick Delcour ternisse un peu notre plaisir, de par son uniformité. Et pourtant, le texte introductif précisait : "A chaque mélodie, un tempérament distinct s'impose"...
  


Bruno PEETERS


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