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Wolgang Amadeus MOZART (1756-1791)
GRANDE MESSE EN UT MINEUR KV427
Haydn - Berenice, Che Fai ? Hob.24
Beethoven - Ah ! Perfido op. 65
Camilla Tilling, soprano I
Sarah Connolly, soprano II
Timothy Robinson, ténor
Neal Davies, basse
Gabrieli Consort & Players
Paul McCreesh
1 CD Archiv, 00289 477 5744
Messe en "zut" !
Au cas où l'information aurait échappé à
certains, nous sommes, ce 1er janvier, entrés dans une nouvelle
année Mozart. On nous la promet riche en
événements ; on voit se profiler une masse incroyable de
nouveaux enregistrements. Le principe de la célébration
est simple : le compositeur, une fois tombé dans le domaine
public du fait de son "anniversaire" (qui n'en est qu'un demi dans ce
cas précis), tout un chacun se voit fondé à
enregistrer sa musique.
Mais Paul McCreesh n'est pas à proprement parler "tout un
chacun". Sa messe en ut devrait même, dans un monde musical
parfait, tenir le haut du panier et figurer en tête des bacs, sur
la foi seule d'un CV édifiant. Hériter de la longue
tradition des consorts
britanniques, héraut du monde de l'oratorio haendelien, le chef
a ici beaucoup à proposer… et au moins autant à
prouver dans une discographie émaillée,
déjà, de belles références. Parlant de
références, une au moins s'impose : celle de Bernstein
qui est à cette messe ce que le K2 est à l'Himalaya!
Eh bien ! Je le dis d'emblée, à vouloir atteindre ce
sommet-ci, McCreesh dévisse en chemin ! Et pourtant, que la
mariée est belle ici ! Comme le chef galvanise ses troupes !
Comme il avive le discours, l'habille, le chamarre ! Que cet orchestre
sonne bien, et svelte, et vigoureux, et savoureux ! Quelles couleurs !
Quelle sève ! Et quel allant aussi (c'est même,
étymologiquement, très exactement le sens de l'andante pour un Et incarnatus
est qu'on n'a peut-être jamais entendu ainsi porté) !
Allez seulement entendre la petite entrée concertante des bois
du Credo ! C'est une
expérience particulière et sans doute une
démonstration d'excellence en terme de musicalité.
Le chœur n'est pas en reste qui s'impose dès un Kyrie
fonctionnant comme une marche souple vers la lumière, comme une
avancée implacable, décidée. Il ne déchoira
jamais tout au long de l'œuvre. C'est le mérite du
Gabrieli Consort d'innerver ici le propos comme il a déjà
illuminé les Saul, Theodora ou Messiah
du chef. Les solistes participent de la même excellence.
Retournez à vos anciennes versions et cherchez dans laquelle les
pupitres masculins auront autant été aussi lisibles,
rétablissant l'équilibre du quatuor inventé par
Mozart. Dépouillez vos vieilles références et
cherchez à faire un classement des soprani ; à ce jeu
Camilla Tilling et Sarah Connolly seront sans doute mieux que bien
placées (la première, au moins, pour une plage 1 et une
plage 10 d'une suavité, d'une délicatesse de
touché, d'une justesse d'intonation et d'intention rares).
Alors ? Alors, la première écoute, fascine, revigore ! La
deuxième met face à un constat simple : passé
l'émerveillement de la découverte, tout cela tourne quand
même un peu à vide, distancié, sans guère
d'émotion, sans fièvre ni foi, clinique ! A la
troisième on se lève et l'on vaque dans sa cuisine,
soutenu dans ses œuvres ménagères par ce joli fond
sonore ! Bref de ce point de vue c'est un échec !
C'est un échec et d'autant plus rageant que la réussite
des compléments est totale, elle. La voilà la flamme tant
attendue, celle des amours contrariées (il est vrai que la messe
est, elle, le témoin tendre des noces de Mozart). L'orchestre
est toujours aussi excellent, mais il rugit cette fois, et McCreesh
abandonne son joli travail de dentelle pour pétrir une
pâte pulvérulente, généreuse, âpre. La
Berenice de Haydn
en sort comme un flot de vitriol, emportée par une Sarah
Connolly un peu courte et approximative d'aigus parfois, mais furieuse
de ligne, tragédienne virtuose. Un must. C'est aussi le cas du Ah ! Perfido
beethovenien souvent entendu mais rarement ainsi. Où Camilla
Tilling a-t-elle trouvé ces couleurs sombres et violentes pour
le récitatif d'entrée ? Où est-elle allée
chercher l'envol déchiré de la section finale de
l'air ? Il faudra le demander aux mânes du grand Ludwig !
Là encore la réussite est totale et l'on en vient
à espérer au plus vite un Fidelio pour la dame, des Weber et qui sait, quelques wagnériennes blondes ! Génial !
Jolie messe et compléments incendiaires. Un programme en tout
cas généreux qui vaut évidemment le détour,
ne serait-ce que d'un strict point de vue musical. Enregistrement
Mozart dont Mozart ne sort pas forcément vainqueur (l'homme en
tout cas… sa musique étant, elle, fort bien servie) mais
très bon enregistrement tout de même qu'il faudra aller
écouter.
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