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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
La Betulia liberata, K. 74c
Jeremy Ovenden (Ozia),
Marijana Mijanovic (Giuditta),
Julia Kleiter (Amital),
Franz-Josef Selig (Achior),
Irena Bespalovaite (Cabri),
Jennifer Johnson (Carmi),
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Münchner Kammerorchester
Christoph Poppen (direction)
Enregistré live à Salzbourg le 18 août 2006
2 DVD, 130’, Deutsche Grammophon 073 4248 (zone 0)
Une belle crise d’adolescence
Que faisiez-vous à 15 ans ? Certains batifolaient
déjà dans les bottes de foin, d’autres en
étaient encore à jouer aux billes dans un coin
ombragé de cour de récréation… Le jeune
Wolfgang Amédée, inspiré par Naples la
Méditerranéenne, composait un oratorio. Cette Bétulie libérée
conte une fois encore l’histoire de la belle Judith
découpant nuitamment le col de l’Assyrien païen
Holoferne qui assiégeait sa cité (la brute !). Mais
Mozart n’a pas bénéficié de
l’excellent livret vivaldien de la Juditha triumphans
plein de désespoir, de veulerie, de stupre et de sang :
l’intrigue conçue par Métastase est plus
psychologique, et escamote allégrement le méchant
Holoferne et la scène de décapitation, pour se concentrer
sur la conversion du général barbare Achior. Point de
séduction non plus, la vierge bétulienne s’en va
plaider la paix au camp ennemi, et Dieu musclant ses jolis bras,
raconte qu’elle a tranché la tête hideuse de
l’ennemi à son corps défendant (le sien,
naturellement, pas celui dudit ennemi).
Christoph Poppen est particulièrement à l’aise pour
diriger cette œuvre qui doit encore beaucoup à Haydn. A la
tête de l’Orchestre de chambre de Munich qui a admis pour
l’occasion des cuivres naturels (sans pistons), le chef joue sur
les nuances et les timbres, soucieux d’établir un climat
dans chaque air. Heureusement d’ailleurs, car il faut bien avouer
que le génial Mozart en culottes courtes - qui faisait
l’admiration de Hasse vieillissant (« Prenez garde ! Ce
garçon nous fera tous oublier. ») – ne sait pas
vraiment encore varier la facture de ses airs. Les mozartiens
percevront quand même en filigrane le futur air de Pamina de La Flûte enchantée.
Devant le décor à moitié démonté du Tito Manlio, les solistes défendent l’œuvre avec passion.
C’est à Jeremy Ovenden qu’échoit la tessiture
difficile de ténor aigu d’Ozia. Comme il l’avoue
honnêtement dans le bonus, la Betulia liberata est la composition
de Mozart où la voix de ténor tient le plus de place mais
le compositeur, sciemment ou non, a placé la barre trop haut.
L’air d’entrée « D’ogni
colpa » met la technique du chanteur à rude
épreuve dans les coloratures. Jeremy Ovenden poursuivra
vaillamment l’entreprise, bien qu’on le sente parfois
débordé, et dramatiquement peu impliqué. A ses
côtés se distinguent surtout deux artistes aux doux noms
de Marijana et Julia.
La Judith de Marijana Mijanovic (peu gâtée par les gros
plans inesthétiques du cameraman, le rustre) frise le
sublime. Sa voix profonde et grave, toujours aussi corsée
traduit à merveille la résolution implacable de la
Bétulienne, même si on regrettera quelques notes crues
à la limite de la laideur, et des ports de voix un peu
instables. Qu’importe, nous avons affaire à une grande
artiste, qui a récidivé avec le même succès
lors du concert de la salle Pleyel avec Nikolaus Harnoncourt. De
même, Julia Kleiter campe une Amital solaire, aux aigus
dynamiques et d’une virevoltante transparence. Le reste du
plateau ne se démarque guère, et l’on se demande
pourquoi le pivot de l’intrigue a été confié
à une basse qui accuse un cruel manque de prestance et de
profondeur. Le général Achior est de ceux qui ont
déjà perdu la bataille et, la vareuse ouverte, se
délectent d’un verre de whisky en soupirant devant leurs
aides de camp (proposition de future mise en scène ?).
Enfin, les quelques interventions du choeur sont d’un très
bon niveau. La Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor fait preuve
d’une belle cohésion, et d’un remarquable
équilibre des parties. On assiste d’ailleurs à
quelques unes de ses répétitions dans les
suppléments du DVD.
Pour conclure, en dépit de l’absence de mise en
scène, d’un livret un peu déroutant, et d’une
relative uniformité des airs, cette Betulia liberata vaut largement le détour, ne serait-ce que pour l’incroyable prestation de Marijana Mijanovic.
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