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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
Intégrale des Mélodies
Ruth Ziesak, soprano
Lothar Odinius, ténor
Ulrich Eisenlohr, piano
Ariane Lorch, mandoline
Naxos – 8.557900-01
Wolfie, comblé
Heureux homme que ce Wolfie : alors que ses coquettes
mélodies ont été copieusement
négligées pendant de très longues années,
voilà qu’en six mois, trois éditeurs
décident de les publier intégralement. Et les artistes
pressentis pour œuvrer à la résurrection ne sont
pas des gourgandines sorties d’un sous-bois moussu. : Olga
Pasishnyk, Sophie Karthäuser et Ruth Ziesak, rien que ça !
Intégrale or not intégrale ?
Á y regarder de plus près, notre œil avisé
se rend compte que tout n’est pas si simple. Comme sur les boites
de conserve, il faut bien lire les ingrédients afin de ne pas
ingérer n’importe quoi. Car la ravissante « intégrale » proposée par Cypres,
avec Sophie Karthäuser, Stephan Loges et Eugene Asti n’est
en fait qu’une intégrale pour voix et piano, alors que les
deux autres comprennent des mélodies accompagnées
à l’orgue et à la mandoline. Le paquet de poudre
à lessiver Cypres est dont moins lourd que ses deux concurrents
(et un peu plus cher). Est-ce tout ? Non, ma bonne dame ! Car
l’intégrale Pasichnyk, elle, propose un instrument
supplémentaire : l’orgue positif alors que ce dernier
est remplacé par un piano dans la version qui nous occupe. Mais
Pasichnyk chante toute seule, alors qu’aussi bien Karthäuser
que Ziesak sont flanquées d’un partenaire. On peut donc
noter que la version Pasichnyk est plus rigoureusement construite,
qu’on n’a pas pris l’auditeur pour un jean-foutre et
que chez les Polonais, on sait ce que c’est la rigueur. Cela
étant dit, il y a une très belle idée sur la
version Ziesak, qu’il n’y a pas sur ses deux
concurrentes : l’adjonction d’un lieder de
Schübert (« Luisens Antwort ») qui est une
réponse directe à l’importantissime
« Als Luise » de Mozart. Mais, hélas, pas
de textes chantés dans la version Ziesak alors que chez Cypres,
oui. Quel choix cornélien.
Et les chanteurs dans tout ça ?
Doit-on voir dans l’illustration choisie par Naxos une forme
d’allusion aux qualités respectives des deux chanteurs de
l’album ? Nature morte : autour d’un vase
reposent des fleurs coupées, en tas, quelques pétales
éparpillés ici et là. Ruth Ziesak serait-elle éparpillée ? Et le ténor Lothar Odinius
serait-il à côté de ses pompes comme les fleurs le
sont à côté du vase ? Pas du tout ! Ruth
Ziesak qui a annulé beaucoup de concerts ces dernières
saisons (à vrai dire, elle a annulé tous les concerts
dans lesquels je trépignais de l’entendre) prouve que son
art est à son sommet. Le timbre, d’abord, est
impérial, comme l’est la justesse, comme le sont les
intentions. Tout chez cette femme respire la musique et
l’inspiration. Son collègue, Lothar Odinius ne joue pas au
même sport qu’elle : à ses instincts musicaux
délicats et féminins, il répond par un engagement
de chaque croche, à la grâce éthérée,
il répond en bombant le muscle, à l’accent
délicat il répond par une véhémence
quasi-guerrière. Ce sont donc deux interprètes
parfaitement complémentaires qui s’attaquent à
cette intégrale et on en regrette d’autant plus le jeu
prosaïque du pianiste qui, dès la première plage,
nous offre un bon gros pain, tout frais sorti du four. C’est
là qu’on pense avec nostalgie au talent du pianiste Eugene
Asti qui officie dans l’intégrale Cypres.
Ce qui est sûr, en fin de compte, c’est que tout amateur de
musique doit posséder dans sa discothèque une version de
ces mélodies et que Naxos nous offre ici un beau double disque
à un prix modique. Il faudra bien sûr passer outre le
graphisme tartignole de Naxos et l’absence de textes
chantés.
Hélène MANTE
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