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OPERA ET MISE EN SCENE
Sous la direction de Christian Merlin
L’avant-scène Opéra– N° 241
L’art ou la manière ?
Tout passionné d’art lyrique vénère la revue Avant-scène Opéra
pour le concentré d’analyses et de repères que
chaque numéro lui offre. Celui-ci ne fait pas exception. Comme
c’est la règle, les auteurs jouissent d’une totale
liberté de ton et d’opinion. En l’occurrence, ils
étaient incités à « faire passer
l’argumentation construite avant la formule facile et la
réflexion théorique avant l’attaque
personnelle ». Cette consigne est observée. Du jeune
loup au vieux ronchon ou vice-versa, en passant par l’amateur et
le curieux, chaque lecteur appréciera le sérieux et la
pertinence des propos.
En ouverture, Christian Merlin brosse le tableau des grandes tendances dans leur perspective historique, esthétique et circonstancielle. Puis, André Tubeuf rappelle que si le metteur en scène a des droits, il a également des devoirs.
Après un amusant dialogue fictif entre un mélomane et un drammophile, où chaque camp se reconnaîtra, Pierre Michot
conclut sur une évidence consensuelle : « Tout est
affaire de talent et si possible, de génie ! »
Citant le théorème de Peter Brook « Il
n’y a pas de limites aux formes virtuelles qui sont dans un grand
texte », Ivan Alexandre traite la question cruciale de la transposition.
De son côté, Alain Perroux étudie
la relation entre le concret et l’abstrait pour décider
qu’ils sont « intimement
mêlés » puisque, comme le dit Sellars,
« Le réel, au fond, est
métaphorique ». Quant à savoir si le metteur
en scène qu’on peut considérer comme un
« bel infidèle » est un interprète
ou un créateur, la réponse reste mitigée.
Pierre Flinois
explique comment l’évolution des possibilités
d’éclairage et les progrès de la technologie ont
fait passer la représentation visuelle des opéras de la
grosse machinerie aux toiles peintes pour aboutir aux décors en
trois dimensions intégrant, aujourd’hui avec l’aide
de la vidéo, des effets époustouflants. Cependant il
rappelle que l’opéra, c’est d’abord
« la magie d’un chant, véhiculée par un
orchestre transcendant ».
Pour faire bonne mesure, deux voix se rebiffent à l’unisson : celles de Jean Cabourg et de Piotr Kaminski.
Le premier dénonce « les pots de chambre de la
modernité, habits neufs de l’académisme faits
de détritus enveloppés dans le luxe de
considérations pseudo intellectuelles ». Et, le
second écrit un article savoureux intitulé Comment servir Mozart ?.
Prenant le verbe servir dans son contexte culinaire, Kaminski
s’indigne vertement des recettes que certains metteurs en
scènes mijotent sans vergogne pour assaisonner les
chefs-d’œuvre qu’ils assassinent.
En contrepoint, Isabelle Moindrot s’interroge
sur « l’alchimie » qui peut, dans le
meilleur des cas, transformer une version de concert « en
une œuvre à part entière […] où les
personnages sortent de la nuit de notre imaginaire pour
apparaître tels des ombres vivantes en quête de leur
vérité dramatique » !
Suivent un exposé analytique des grandes familles de metteurs en
scène, puis une présentation détaillée de
vingt spectacles lyriques qui ont marqué le dernier
demi-siècle. On y retrouve évidemment les principaux
chefs de file : Visconti, Wieland
Wagner, Strehler, Chéreau, Ponnelle, Peter Brook, Pierre
Strosser, Villégier, Carsen, Wilson, Wernicke, Sellars,
Marthaler, Laurent Pelly, Peter Mussbach, Olivier Py, Haneke…
Au fil des pages, des encadrés reproduisent des extraits
d’interviews de nombreuses personnalités du monde de
l’opéra exprimant leur point de vue sur un sujet
décidément intarissable. On peut seulement regretter
l’absence d’un index des noms propres et des œuvres
citées. En plus d’un panorama, nous aurions disposé
aussi d’un outil de référence.
Brigitte CORMIER
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