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Or sai chi l’onore
Birgit Nilsson singt Opernarien

1. Wolfgang Amadeus Mozart - Don Giovanni : Or sai chi l'onore
Karl Böhm - Prague National Theatre Orchestra (Studio - 1971)

2. Wolfgang Amadeus Mozart - Don Giovanni : Crudele?...Non mi dir, bell' idol mio
Karl Böhm - Prague National Theatre Orchestra (Studio - 1971)

3. Carl Maria von Weber - Oberon : Ozean! du Ungeheuer
Rafael Kubelik - Bavarian Radio Symphony Orchestra (Studio - 1971)

4. Carl Maria von Weber - Oberon : Trauere, mein Herz
Rafael Kubelik - Bavarian Radio Symphony Orchestra (1971)

5. Ludwig van Beethoven : Ah, Perfido!, Op. 65
Ferdinand Leitner - Vienna Symphony Orchestra (1970)

6. Richard Wagner – Tannhäuser : Dich, teure Halle
Otto Gerdes - Berlin Deutsche Oper Orchestra (1969)

7. Richard Wagner – Tannhäuser : Allmächt'ge Jungfrau
Otto Gerdes - Berlin Deutsche Oper Orchestra (1969)

8. Richard Wagner - Tristan und Isolde : Mild und leise (Liebestod)
Karl Böhm - Bayreuth Festival Orchestra (1966)

9. Richard Strauss – Salome (scène finale)
Karl Böhm - Metropolitan Opera Orchestra (1972)


Deutsche Gramophon – Stereo 431 107-2
Durée 67’28




La voix qui venait du froid


Les premières heures de l’année 2006 se teintaient d’une lueur funèbre : Birgit Nilsson avait regagné le Walhalla. Deutsche Gramophon lui rend aussitôt hommage à travers ce disque qui présente quelques uns de ses plus grands rôles sans prétendre à l’exhaustivité. Turandot, Elektra et Brünnhilde, pour le moins, manquent à l’appel.

Le livret à l’intérieur, ou plutôt le simple feuillet, ne s’embarrasse pas de commentaires : une photo au recto, la reprise des titres et des numéros des plages avec indication des dates d’enregistrement au verso, un point c’est tout. Mais est-il nécessaire de rappeler le parcours exceptionnel de celle qui, née en 1918, débuta modestement 24 ans plus tard dans Der Freischütz avant de se métamorphoser en icône wagnérienne et de triompher sur toutes les scènes du monde au cours d’une carrière d’une rare longévité. Faut-il tresser une hagiographie de celle dont la voix puissante et tranchante, vint à bout des rôles les plus longs et les plus difficiles du répertoire. Ne suffit-il pas tout simplement d’écouter ?

Force est alors de constater que toute médaille possède son revers et que ce chant acéré, si il éclaire d’une lumière argentée certaines grandes figures lyriques, peine en revanche à épouser des formes moins verticales.

Donna Anna, pour commencer, est-elle vraiment cet être glacial et insensible ? Peut-être en ne considérant que la haine et la fureur dont « Or sai chi l'onore » (plage 1) se compose et en acceptant d’occulter sa dimension douloureuse. Mais la démonstration échoue quand il s’agit d’aborder les rivages plus sentimentaux de « Non mi dir » (plage 2), de quitter le récitatif accompagné, fulgurant, pour soudain perdre pied dans les périlleuses vocalises, lorsque se libère enfin la joie d’aimer. Le chant, drapé dans sa rectitude, peine alors à se plier à l’exercice.

Il se heurte au même obstacle dans « Ah, Perfido! » (plage 5). Passée la colère, la souffrance semble moins crédible et surtout, le manque de souplesse altère les cadences finales, malgré des « pieta » dardés comme des lances. L’ombre de Brünnhilde passe.

Les vraies satisfactions se situent plutôt du côté des airs de Rezia d’Oberon (plage 3 et 4), démesurés, dans l’entrée frémissante d’une Elisabeth (plage 6), déjà immaculée, divine avant même sa transfiguration, plus d’ailleurs que dans sa prière (plage 7) qui pêche par manque d’abandon. Mysticisme et sensualité ne sont pas antinomiques.

Le bonheur survient surtout avec la scène finale de Salomé (plage 9), cauchemardesque comme il se doit, sublimée par la direction incandescente de Karl Bohm. Elle réunit en quatorze minutes extatiques le feu et la glace dans un bouillonnement sonore hallucinant. Ce n’est certes pas l’enfant perverse qui s’exprime ici mais plutôt la vierge monstrueuse, enivrée de sexe et de sang. L’air est enregistré en public ; la clameur de la foule qui accueille les dernières mesures traduit exactement le sentiment éprouvé à l’issue de cette expérience unique. L’extraordinaire tension se détend, la tête explose et les nerfs lâchent tandis que survient, impression jubilatoire, un intense soulagement.

De telles sensations sont suffisamment rares pour justifier à elles seules l’achat de ce disque. Elles aident à comprendre, si cela était nécessaire, ce qui fait la différence entre les plus grandes et les autres. Birgit Nilsson appartient, sans aucun doute, à la première catégorie.


   Christophe RIZOUD

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