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Claudio MONTEVERDI (1567-1643)

L'ORFEO

« Favola in musica » en cinq actes et un Prologue
Livret de Alessandro Striggio
Créé le 24 février 1607 au Palais Ducal de Mantoue

Orfeo : Philippe Huttenlocher
Euridice : Dietlinde Turban
La Musica / Speranza : Trudeliese Schmidt
Apollo : Roland Hermann
Messagera / Proserpina : Glenys Linos
Plutone : Werner Gröschel
Caronte : Hans Franzen
Ninfa : Suzanne Calabro
Pastori : Peter Keller, Francisco Araiza, Rudolf A. Hartmann, Christian Boesch, József Dene
Spiriti : Francisco Araiza, , Rudolf A. Hartmann, József Dene

Ballet et Choeur de l’Opernhaus de Zürich
Monteverdi Ensemble

Direction : Nikolaus Harnoncourt
Mise en scène, réalisation et décors : Jean-Pierre Ponnelle
Costumes : Pet Halmen

Filmé à Vienne entre le 28 mars et le 20 avril 1978
Enregistré à Zürich entre le 1er et le 22 décembre 1977

Deutsche Grammophon 00440 073 4163
101 minutes
STEREO

1/2



La fascination reste

Comment analyser sereinement la réapparition d’un mythe qui vient fêter dignement le quatre centième anniversaire de l’œuvre ? Comment faire abstraction de la charge affective qui lie indéfectiblement le mélomane à cet Orfeo, comme plus tard à un certain Atys ? On se précipite vers l’objet sous cellophane, et en même temps on craint de retrouver son ancien amour défraîchi par quelques décennies d’infidélités successives et non moins enthousiastes. Quelques Orfeo prodigues eux aussi, au disque ou à la scène, avec lesquels désormais la comparaison devient inévitable, de Savall à Garrido, de Pierre Audi à Trisha Brown…

Document historique donc, première représentation moderne de l’Orfeo sur instruments d’époque… de l’époque, et avec le vocabulaire musical adéquat. Qu’en penser trente ans plus tard ? Commençons par ce qui n’a pas vieilli : la pertinence dramatique et l’acuité de Ponnelle, à la condition bien sûr d’en accepter le postulat initial foisonnant de références. L’Orfeo est replacé dans l’hypothétique contexte de la représentation initiale à la cour de Mantoue, dans une Renaissance cédant le pas au Baroque, devant princes en avant-scène et courtisans aux balcons. Un théâtre clos en forme de grotte comme décor allégorique unique fédère le monde réel et les Enfers. Profusion de détails dans les décors et les costumes, gestes virtuoses et précis, composent un délire décadent et opulent. On adore ou on fuit… Mais pourquoi ne pas en accepter la jouissance fellinienne, qui a posteriori nous change de bien des Orfeo contemporains en costume cravate ou tenues paramilitaires ?

Côté chant, l’Orfeo de Philippe Huttenlocher, la Musica / Speranza de Trudeliese Schmidt, la Messagère de Glenys Linos (oublions l’Euridice craquante mais ectoplasmique de Dietlinde Turban…), le berger de Francisco Araiza, ont une conviction et une pertinence impressionnante en regard de leur rôle de pionniers, et on ne pourrait leur reprocher la moindre erreur stylistique en regard des données interprétatives actuelles, preuve s’il en était besoin de l’évidente pertinence de Harnoncourt dès ce coup d’essai. Le chef (et ses musiciens en costume d’époque) choisit la sobriété, qui confine parfois à la raideur, dans un continuo et une ornementation discrets que l’on a depuis plus souvent enrichis, mais avec déjà la direction acérée, et la maîtrise du temps et du discours.

Restent les scories agaçantes qui aujourd’hui perturbent : avant tout, une réalisation filmique datée, d’une lourdeur totale, qui à force de vouloir tout capter et tout signifier plombe le dynamisme de la scène. Ensuite un play back insupportable, transformant les chanteurs en mimes tantôt inexpressifs, tantôt hyperboliques. Enfin, un premier acte dont l’enjouement forcé touche au grotesque et mine la poésie.

En vérité, bien peu de réserves. La fascination reste… Quand se clôt l’opéra sur le visage d’un Orfeo terrifié de solitude que bien peu de metteurs en scène ont osé depuis, on se dit que la limpidité de cette lecture littérale et passionnée résiste au moins aussi bien à l’épreuve du temps que l’épure et la distanciation.


   Sophie ROUGHOL

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