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Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764)

LA NAISSANCE D’OSIRIS

Ballet allégorique en un acte (1754)
sur un livret de Louis de Cahusac

Pamilie, Stéphanie Révidat
Une bergère, Céline Ricci
Un berger, François-Nicolas Geslot
Le grand prêtre, Bertrand Chuberre
Jupiter, Florian Westphal

Le Chœur du Marais
La Simphonie du Marais
Hugo Reyne

1 cd Musiques à la Chabotterie, MC002




« Volez plaisirs, régnez aimables jeux »

Fontainebleau, 1754. La cour réunie pour la saison des chasses fête, dans le théâtre du château, la naissance du duc de Berry (le futur Louis XVI ; l’Histoire a de ces ironies étranges : l’enfant que l’on fête fut coupé comme l’Osiris de la fable qu’on lui offre !). Avec sa Naissance d’Osiris, Rameau assure une partie des divertissements. Les choses sont faites en grand, malgré une scène « resserrée ». Un trio d’exception préside aux festivités : Rameau ; Cahusac, le poète ; mademoiselle Fel, la cantatrice et la « Céleste » de Quentin de la Tour. Rameau fournit une de ses musiques les plus fines, entre charme pastoral et ouragans anticipant les Boréades à venir. Cahusac, versificateur facile, même s’il est plus connu pour sa liaison avec mademoiselle Fel, donne un texte de belle facture. Fel, justement, nous dit-on, éblouit par la souplesse de sa voix.

La Chabotterie, 2005. Hugo Reyne, que l’on a connu impeccable lullyste, donne le coup d’envoi d’une nouvelle collection Rameau avec cette Naissance qui vaut donc doublement. Le coffret augure bien de la suite ne serait-ce que par la qualité formelle de l’objet : un beau boîtage, solidement documenté, joliment glacé et illustré. En bon maître d’œuvre, Reyne retrace le chemin de piste qui de manuscrit en « collette » (les fameux ajouts ramistes sur les partitions mêmes) a mené à l’enregistrement. Tout l’arsenal de l’orthodoxie baroque en somme…

Tout l’arsenal et plus encore. Car l’orchestre vaut de l’or. Dès l’ouverture, avec ses rugosités de cordes graves, sa scansion balancée, on sait que l’on n’aura pas là un opus parmi d’autres. Reyne n’a pas été élevé au « lait » christien pour rien. La pâte est ciselée ici comme rarement, avec une attention portée aux bois (ce n’est que justice ; c’est Rameau tout de même), au scintillement d’une harmonie fruitée mais aussi toute pleine d’un esprit gentiment alangui (les rondeaux et autres gavottes) et d’une rusticité pleine de fraîcheur (les musettes, bien-sûr ; et dire que l’on jouait de ça sous les lambris de Versailles !). Et comme l’orchestre est à la fête avec un long ballet à la scène 4, le plaisir est complet.

La partition est pourtant d’une difficulté insigne, avec son « Tonnerre » virtuose qui en impose autant aux chanteurs qu’aux instrumentistes et au chœur (brillant ici). Comme quoi la partie n’était pas gagnée d’avance !

L’équipe des chanteurs est aussi bien belle, même si la prise de son, si tendre, maternelle, pour l’orchestre détaille d’un peu trop près les mécaniques des gosiers. Superbe pourtant la Pamilie de Révidat, très exacte vocaliste et plus encore ; timbre charnu, élégance, souplesse féline de la vocalisation qui relève le défi se rentrer dans les habits de mademoiselle Fel. Parfait aussi, le Berger de Geslot avec son élocution claire, sa science des registres et l’espèce de velours feutré qui tapisse sa gorge. Pleine de flamme, elle, la Bergère de Céline Ricci qui a un peu les défauts de ses qualités ; parfois brouillonne, intonation un peu basse à certains moments et éloquence poussée dans ces derniers retranchements par l’ariette de la plage 14. Quelques pailles par-ci par-là chez le Grand Prêtre de Chuberre (c’est lui qui souffre de l’inquisition d’un micro indiscret) malgré la rigueur et la virtuosité de son « ariette très vive » de la plage 9. Pâle sans doute, en regard de tout cela, le Jupiter de Westphal qui n’impose rien dans sa brève apparition malgré des moyens indéniables.

Une belle, une très belle Naissance qui finit en feu d’artifices par un rappel inattendu (pas tant que ça en fait, puisque les Indes galantes partageaient l’affiche des représentations de 1754) de la Danse du Grand Calumet de la Paix, percussive et qui réunit toutes les qualités évoqués plus haut.

Une œuvre de qualité et une équipe de choix. La rencontre militante de deux univers. On vous parlait des fastes du théâtre de cour sous Louis XV. Le voilà comme si vous y étiez. Que demande le peuple ?


   Benoît BERGER

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