C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
Giovanni Pierluigi da PALESTRINA
(c. 1525 - 1594)

Messes et motets

Musique pour la Vierge Marie
Office de Nuit
Messe Salve Regina
Deuxièmes Vêpres

Musique pour Saint Laurent
Premières vêpres du jour
Messe Beatus Laurentius
Deuxième Vêpres

Musique pour Saint Michel
Office de Nuit
Missa Secunda
Deuxième Vêpres

Musique pour Saint Jean
Livre de Motets à 5 voix
Livre d'Hymnes pour tous les temps
Livre des motets à 4 voix
Ricercare IV et VI
Messe Ecce Ego Johannes
Livre de Magnificat
 

Ensemble vocal Sagittarius
Ensemble La Fenice
Emmanuel Mandrin, Arnaud Pumir : orgue
 

Direction : Michel Laplénie

4 CDs, Accord 476 8504, enregistrements 1992-1993, 3h 49min.


"Puissant Palestrina, vieux maître, vieux génie,
Je vous salue ici, père de l'Harmonie."

Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres, 1837


Et nous ne contredirons certes pas le poète à l'écoute de cet humble coffret, re-éditions de quatre disques désormais épuisés ! A première vue, la masse cartonnée verdâtre ne paie pourtant pas de mine : c'est un carré où apparaît discrètement le portrait du compositeur, fondu dans un mélange de kaki-militaire ou kiwi d'hiver qui ferait peur à n'importe quel couturier digne de ce nom. Disons-le tout net, ce produit n'est ni fashion, ni trendy, ni sexy, bien loin des agréables jaquettes vivaldiennes où de jolies jeunes filles s'affichent complaisamment une rose entre les dents sur des fonds fluo (les baroqueux auront reconnu un certain oratorio erotico...). Etrangement, Accord n'a pas non plus opté pour les sempiternels tableaux de Poussin et Cie - reproduits avec des couleurs peu fidèles d'ailleurs - qui donnent immédiatement à l'enregistrement un air de respectabilité BCBG. Ainsi, l'auditeur influençable demeure méfiant devant ce pavé aplati, si léger qu'il ne permet même pas d'embêter un brave fonctionnaire des forces de l'ordre dans une tentative nostalgique de recréer Mai 1968. Rassurez-vous, hommes de peu de foi ! La musique est à l'aune de la boîte : austère. Elle est le contraire de cette dernière, c'est-à-dire belle.

Est-il encore besoin de présenter Palestrina ? Giovanni Pierluigi (Palestrina est en réalité le nom de sa ville natale dont il fut l'organiste au début de sa carrière) passe pour l'incarnation même de la musique sacrée polyphonique romaine. Héritier d'une longue tradition, ce compositeur mythique - et barbu - va pousser le stile antico et son contrepoint rigoureux jusqu'à la perfection, résolvant le problème de l'intelligibilité du texte et de la musique dans sa magistrale Missa Papae Marcelli.

A entendre l'ensemble Sagittarius (du nom latinisé de Schütz), on perçoit immédiatement l'admirable clarté des lignes, le naturel et la profonde spiritualité de Palestrina. Les pupitres sont espacés, le chant ample, grandiose, transparent tourné vers ce que l'on imagine être le plafond surchargé de la Chapelle Sixtine. Il n'y a bien entendu presque que des voix d'hommes ("Mulier tacet in ecclesia"), sans que jamais un pupitre soit mis en avant ou cherche à dominer les autres. Les effectifs réduits confèrent à l'enregistrement une dimension très intime. Sérénité et suavité suffisent pour résumer toutes ces oeuvres qui semblent couler de source, et qui flottent lentement comme un gros nuage sympathique et débonnaire, se promenant au milieu d'un ciel peuplé de petits angelots joufflus qui apprennent à jouer de la trompette pour remonter décorer un buffet d'orgue de cathédrale praguoise. A l'occasion, les trombones et cornets de La Fenice se joignent aux voix, avec la même retenue, la même ferveur. Et le gros nuage continue d'évoluer... comme hors du temps.

En lisant ces considérations météorologiques - et si vous avez eu le courage d'arriver jusqu'ici - vous aurez bien compris que Michel Laplénie et son équipe ont réussi à rendre à merveille l'harmonieux équilibre de ces messes et motets. Que ceux qui recherchent des audaces chromatiques et un accompagnement instrumental fourni passent leur chemin, chez Lassus par exemple. Les autres se précipiteront sur ce coffret, en évitant cependant d'infliger son écoute intégrale à leurs convives les soirs de fêtes à venir - en dépit de la notice qui prétend que les messes sont particulièrement "festives" (je proposerais plutôt les airs de ce coquin de Charpentier par William Christie tels "Ils faut rire et chanter" H. 484 et surtout "Auprès du feu l'on fait l'amour" H 446 [Erato]). Un seul regret cependant : les textes chantés ne sont pas inclus et l'on perd en compréhension ce que l'on gagne en mystère.
 
 
  


Viet-Linh NGUYEN


Commander ce CD sur  Amazon.fr
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]