Gaetano
Donizetti (1797-1848)
IL PARIA
Opéra en
deux actes de Domenico Gilardoni
d'après
la tragédie Le Paria de Casimir Delavigne.
Musique de Gaetano
Donizetti.
Création
le 12 janvier 1829, au Teatro di San Carlo de Naples.
Bongiovanni GB 2300/1-2
Enregistré
les 6, 7 et 8 avril 2001 au Teatro Masini de Faenza
Orchestra : Pro
Arte Marche
Coro : Mezio Agostini
A. Verducci, P.
Cigna, M. Bronikowski, F. Castiglioni
direction Berdondini
Textes de présentation
et livret en italien et anglais.
(Durées
: Acte I, 62mn.40 et Acte II, 53mn. 23.)
"Je ne donnerais pas un morceau du
Paria pour tout le
Castello
di Kenilworth", écrivait Gaetano Donizetti lui-même, à
propos de ses opéras créés tous deux en 1829. Cette
déclaration demeurait jusqu'ici mystérieuse pour nous, car
seul
Elisabetta al castello di Kenilworth nous était connu,
repris par l'active et passionnée Opera Rara
*
de Londres en 1977 et vite publié sous le fabuleux label "pirate"
MRF. Voici que nous arrive enfin
Il Paria, depuis la charmante ville
de Faenza, en Emilie-Romagne, portant la somme des opéras de Donizetti
aujourd'hui repris et connus à l'impressionnant chiffre de 59 !
C'est le valeureux éditeur bolognais, le Signor Bongiovanni lui-même,
qui suggéra à l'Association "Faenza Lirica", de reprendre
l'oeuvre, dans le cadre de son "Festival di Opere rare" (ayant par ailleurs
fait revivre, en 1999, le Paolo e Francesca de Luigi Mancinelli,
paru également sous label Bongiovanni). La ville de Faenza (d'où
vient le nom de "faïence") connut donc le déferlement des "Donizettiens"
d'Europe, affluant pour l'événement ... et pressant le Signor
Bongiovanni de sortir les Cd au plus tôt ! ...
Mais revenons à l'énigmatique déclaration de Donizetti
... L'écoute de Il Paria surprend fort car on ne retrouve
pas d'emblée ce style si chaleureusement séduisant ! Tandis
que Il Castello di Kenilworth (titre alternatif) présente
une structure traditionnelle avec son alternance d'airs, de duos, un finale
concertant d'acte II et un grand air final, Il Paria se démarque
assez de cette structure. Peu d'airs pour solistes, mais beaucoup d'ariosi
(récitatifs élaborés) ; pas d'ensemble concertant
et PAS d'air final, mais un quatuor rassemblant les protagonistes ! Déjà
un an plus tôt, Donizetti avait refusé le traditionnel grand
ensemble concertant pour le Finale I de L'Esule di Roma, au profit
d'un simple Trio (innovation que reprendra Bellini pour le Finale I de
Norma
... et qui participera à sa chute !). "Je veux secouer le joug des
Finales", écrivait Donizetti à son vénéré
professeur Mayr, et dans Il Paria, il impose un quatuor à
la place du grand air final !
L'orchestration étonne également, fourmillant de passages
finement suggestifs et d'ailleurs William Ashbrook, le plus important spécialiste
vivant de Donizetti, n'hésite pas à écrire que Il
Paria est le premier de ses opéras annonçant de manière
consistante le style de sa maturité, car "[a]ucune de ses partitions
précédentes n'avait à ce point présenté
une telle abondance de détails expressifs."
Concis, limpide, concentré, Il Paria s'écarte donc
des schémas devenus traditionnels de l'opéra romantique post
rossinien, et grâce à cette plus libre structure musicale,
Donizetti va pouvoir "coller" au drame et aux sentiments dévorant
chaque personnage, c'est en cela que l'on peut comprendre, je pense, sa
préférence pour Il Paria.
Les chanteurs se tirent plutôt bien de leur tâche et parviennent
à donner une idée de cette oeuvre singulière ... On
pardonne au ténor Filippo Pina Castiglione quelques légères
approximations et des aigreurs de timbre, lorqu'on sait qu'il a dû
apprendre en toute hâte le rôle, après le forfait du
chanteur initialement prévu ... Préciser que ce rôle
fut composé "sur mesure" pour le fameux Rubini, est reconnaître
le mérite du remplaçant !
Patrizia Cigna (sop.) illumine l'enregistrement grâce à
un timbre qui frappe immédiatement par sa fraîcheur et son
caractère "plein", "corposo", ou charnu, rappelant non sans émotion
celui d'Antonietta Stella. Pour une fois, chacun des amoureux possède
son père-empêcheur-d'être-heureux : Alessandro Verducci
(bs.) confère l'autorité indispensable au Grand-Prêtre
des Brahmanes qui voue sa fille au culte du Soleil. Marcin Bronikowski
(bar.) campe efficacement un paria blessé de voir son fils s'éprendre
de la fille des oppresseurs. (Le sujet reflète l'engouement du Romantisme
pour l'exotisme ... un seul exemple, romantique à souhait : le ténor
s'avance parmi les sépultures entourant le temple de Brahma, là
"où le saule pleure sur la tombe" -espérons d'ailleurs pour
le bon Gilardoni que le saule pousse effectivement aux Indes !). Deux rôles
plus en retrait sont honnêtement tenus par Andrea Bragiotto (t.)
et Nara Montefusco (ms.). L' "Orchestra Pro Arte Marche" et le "Coro
Mezio
Agostini", venus tous deux de la voisine région des Marches,
sont efficacement maintenus par le chef Marco Berdondini, qui réussit
à comprendre ce que représente l'orchestre romantique italien
(et de Donizetti en particulier). Plus qu'un soutien à la voix,
il est son prolongement, suggère les sentiments, les rappelle en
réminiscences, et s'emporte de cette flamme, de cette passion romantique
sympathiquement clinquante, gracieusement chaleureuse, délicat équilibre
qu'un chef trop brillant-bruyant peut détruire ...
Un pierre de plus au monument donizettien, que l'on continue à
redécouvrir, depuis la fabuleuse "Donizetti-Renaissance" des années
soixante. Le mérite en revient à un éditeur intelligent,
qu'il faut saluer ... une fois de plus !
Yonel Buldrini
_____________
(*) Valeureuse société
qui nous avait fait connaître le grand air du baryton de Il Paria
dans le volume III de sa publication Cent Ans díopéras italiens
: 1820-1830. L'autre morceau de l'opéra, existant en enregistrement,
appartient à une vieille anthologie italienne de musiques de fanfares
... quelle ne fut pas ma surprise d'y découvrir une Marche "tirée
de l'opéra Il Paria de Gaetano Donizetti" !
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