Antonio
Vivaldi
Concerti e cantate
da camera
Codice Giordano
31, Codice Foà 28
(Biblioteca Nazionale
Universitario di Torino)
Laura Polverelli,
mezzo
soprano
1-4. Concerto RV
97 en fa majeur
pour viole d'amour,
deux hautbois, basson, deux cors et basse continue.
5-7. Cantata RV
671, Care selve, amici prati.
8-14. Concerto RV
104, La Notte en sol mineur
pour flûte,
basson, deux violons et basse continue.
15-18. Cantata RV
654, Elvira, anima mia.
19-21. Concerto
RV 105 en sol mineur
pour flûte
à bec, hautbois, basson et basse continue.
22-24. Cantata RV
670, Alla Caccia dell'alme e de'cori.
Laura Polverelli, mezzo soprano
L'Astrée
direction Giorgio Tabacco
Enregistré en juillet 2000
à l'Istituto di Musica Antica Montis Regalis, Mondovi, Italie.
CD Naïve - Opus 111
Concerti da camera vol.2
Tesori del piemonte vol. 13
Difficile pour une intégrale de ne flirter qu'avec les sommets et
de conserver un même niveau d'excellence, a fortiori quand le chantier
est vaste et les artisans nombreux. OPUS 111 explore l'immense catalogue
vivaldien conservé à la bibliothèque nationale de
Turin avec des fortunes diverses. Après nous avoir offert la plus
passionnée et la plus colorée des J
uditha triumphans,
La Senna festeggiante gravée par le Concerto italiano décevait
nos attentes, privée de l'indispensable vision d'un chef et des
grands voix qu'exige la partition. De même, si la collection nous
permettait de retrouver la flûte volubile et inventive de Barthold
Kuijken, c'était pour la flanquer d'un accompagnement erratique
et prosaïque (l'Academia Montis Regalis qui avait pourtant tissé
un écrin somptueux et bigarré pour la Juditha). Ce nouvel
arrivage ne déroge pas à la règle, à la fois
apéritif et frugal.
A la décharge de Laura Polverelli, il faut reconnaître
que Care selve, amici prati ou Alla caccia ne
sont pas les plus réussies des cantates pour contralto écrites
par Vivaldi. D'ailleurs, peu de chanteurs les mettent à leur programme.
A cet égard, la voix saine et la projection généreuse
du jeune mezzo italien réjouiront les mélomanes irrités
par les afféteries de Derek Lee Ragin (ETCERERA) ou la très
singulière "maniera di cantare" de la Signora Anfuso (STILNOVO).
Mais ces miniatures exigent bien plus qu'un bel organe ou un chant vaillant
et sonore : pour faire oublier les clichés poétiques
de l'Arcadie, voire la pauvreté de l'inspiration musicale, il faut
avoir du goût, de l'imagination et s'investir, ni plus ni moins que
pour les arias d'un opera seria. A défaut d'émouvoir - ce
que n'autorise guère la stylisation et la tiédeur des affetti
- il faut réussir à transcender un matériau parfois
fruste, personnaliser les reprises afin de surprendre et charmer l'auditoire.
Nous avons connu Laura Polverelli nettement plus inspirée, par exemple
dans La Juditha triumphans (Abra) déjà citée
ou dans L'Armida de Jommelli exhumée par Christophe Rousset
en 1994. Au demeurant, il suffit d'écouter sa vocalisation prudente
et appliquée (Care selve, amici prati) pour s'en convaincre
: son art et son tempérament semblent totalement étrangers
à ce répertoire fragile et mineur où la finesse des
inflexions, la délicatesse des nuances, la grâce du cantabile
sont tout. En revanche, elle montre plus d'affinités avec l'écriture
animée d' Elvira anima mia. Malheureusement, la tessiture
de l'oeuvre lui arrache des aigus insoutenables, quand bien même
ils exprimeraient la douleur de l'amant éconduit. Pourquoi lui confier
cette cantate destinée, de toute évidence, à un soprano
? Cecilia Gasdia et Rossana Bertini s'y sont frottées avec plus
ou moins de bonheur, mais en ménageant leur voix et le confort de
l'auditeur.
Par contre, le programme instrumental nous réserve de superbes
moments, à commencer par le concerto pour viole d'amour, printanier
et enchanteur (mariage des timbres) qui ouvre le disque ou le concerto
en sol mineur, plus belcantiste que la diva du jour. Aux aspérités
et aux contrastes expressionnistes d'Il Giardino Armonico, aux excentricités
de L'Europa galante, L'Astrée préfère la légèreté
et le trait à peine suggestif d'un Turner. Il n'exploite guère
le potentiel dramatique de La Notte, à cet égard méconnaissable,
également privée de son inquiétante étrangeté
et de ses atmosphères mystérieuses, mais pas totalement de
sa puissance évocatrice (Sonno). Un disque inégal,
à l'image du chemin parcouru par la collection, mais qui n'enlève
rien au mérite d'une entreprise courageuse et exaltante.
Bernard Schreuders
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