Henry PURCELL (1659-1695)
"O Solitude &
songs"
Gérard LESNE
Il Seminario Musicale
1. O solitude, my
sweetest choice !
2. If music be
the food of love
3. The fatal hour
comes on apace
4. What a sad fate
is mine
5. While Thirsis,
wrapp'd in downy sleep
6. Air instrumental
7. Air lent
8. I attempt from
love's sickness instrumental
9. Ask me to love
no more
10. Beneath a dark
and melancholy grove
11. If pray'rs
and tears
12. Incassum Lesbia
13. In Cloris all
soft charms agree
14. A thousand
sev'ral ways I tried to hide
15. Intermède
instrumental
16. Bacchus is
a pow'r divine
17-18. Intermèdes
instrumentaux
19. Young Thirsis'fate
ye hills and groves deplore
20. An Evening
Hymn (Now, that the sun hath veil'd his light)
Gérard Lesne, alto
IL SEMINARIO MUSICALE
Bruno Cocset, basse de violon
Blandine Rannou, clavecin et
orgue positif
Pascal Monteilhet, théorbe
Enregistré en octobre 2002
à la Chapelle de l'école
Sainte Geneviève (Versailles)
1 CD Naïve E 882 - 59 '09
Voilà un disque bien déroutant, du moins pour ceux qui
connaissent ce répertoire, en particulier l'enregistrement
mythique du titre inaugural par Alfred Deller (Harmonia Mundi). Cette nouvelle
version n'offre pas plus de points communs avec les interprétations
d'un James Bowman ou d'un Paul Esswood. C'est la voix qui fait d'abord
toute la différence : le contralto charnel et profond de Gérard
Lesne n'évoque en rien les falsettistes d'Outre-Manche, même
si certains allègements dans l'aigu ne sont pas sans rappeler le
Deller de la fin, que d'aucuns jugeaient trop précieux. Aminci et
fragilisé, le timbre a néanmoins conservé sa beauté
singulière et chaleureuse ; elle confère une intimité,
une humanité presque apaisante aux vers de Katherine Philips - et,
dans une moindre mesure, à l'"Evening Hymn" sur lequel se referme
un peu précipitamment le récital. Gérard Lesne nous
invite à redécouvrir un chef-díoeuvre que nous croyions connaître,
luxe inespéré et d'autant plus appréciable. Le contre-ténor
n'a peut-être jamais aussi bien négocié les changements
de registre et réussit un équilibrage subtil des ombres et
lumières, distillant ces accents pénétrants et ces
inflexions caressantes qui ont forgé sa légende. J'aurais
envie d'écrire que cette seule plage justifie l'acquisition de l'album...
malheureusement la performance est inégale.
C'est dans l'élégie et la lamentation que Gérard
Lesne convainc le plus (splendide "What a sad fate is mine"). Par contre,
une plus grande franchise dans l'émission, surtout dans le haut
médium, un chant plus intense, plus ardent, s'imposent quand la
musique suggère l'excitation et l'ivresse amoureuses ("Music be
the food of love") comme la "douleur indicible" de la séparation
("The fatal hour"). En outre, la prononciation exotique et le piètre
accent du chanteur dérangent davantage que dans les consort songs
de Byrd ou l'Ode on the death of Mr Henry Purcell de Blow qu'il
a enregistrées précédemment (Virgin). Aurais-je de
lui une image figée, celle d'un musicien élégant dont
le raffinement confine parfois au maniérisme ? Sa feinte simplicité
dans des chansons plus légères ("While thirsis, wrapp'd in
downy sleep") prête à sourire, elle paraît empruntée.
Cette fois, les incessants changements de registres semblent entraver la
liberté et la spontanéité de l'artiste : conserver
le naturel de l'expression lorsque l'artifice technique est à ce
point exigeant relève d'une gageure. En revanche, la composition
est nettement plus réussie dans " Bacchus is a pow'r divine" (les
Sorcières de Dido and Aeneas ne sont pas loin). Mais pourquoi
presser le pas dans le chant funéraire de la reine Marie II ("Incassum
Lesbia") ? C'est le priver de sa majesté, de sa solennité
altière, mais émouvante (réécoutez Michael
Chance chez Hypérion). Gérard Lesne n'a pas cherché
la facilité et tente de défendre un programme original où
les tubes se font rares. Il faut saluer son courage et lui savoir gré
de nous révéler quelques pages méconnues, au charme
moins immédiat, mais qui méritent le détour, notamment
"Beneath a dark and melancholy grove", une oeuvre de jeunesse où
Sappho pleure une maîtresse dévouée à son culte,
et l'austère, mais poignant "If pray'rs and tears", sombre présage
du chaos qui menace l'Angleterre anglicane après la mort de Charles
II et l'intronisation du catholique Jacques II. Il Seminario Musicale se
révèle un partenaire d'élection et ses intermèdes
remplissent parfaitement leur rôle.
Bernard Schreuders
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