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Vincenzo Bellini (1801-1835)
I Puritani
« Melodramma serio » en trois Parties (et cinq tableaux)
du comte Carlo Pepoli
d’après le drame historique Têtes Rondes et cavaliers (1833)
de Jacques Arsène François Polycarpe Ancelot
et Joseph Xavier Boniface, dit Saintine
Création le 24 janvier 1835 au Théâtre-Italien de Paris
Mise en scène, Sandro Sequi, Sharon Thomas
Décors, Ming Cho Lee
Costumes, Peter J. Hall
Chorégraphies, Elisabeth Hill
Elvira Valton : Anna Netrebko
Lord Arturo Talbo : Eric Cutler
Sir Riccardo Forth : Franco Vassallo
Sir Giorgio Valton : John Relyea
La Regina Enrichetta di Francia : Maria Zifchak
Lord Gualtiero Valton : Valerian Ruminski
Sir Bruno Roberton : Eduardo Valdes
Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet
Chef de Choeur, Raymond Hugues
Direction musicale, Patrick Summers
New York, Metropolitan Opera House, 6 janvier 2007
Sous-titres en italien (texte du livret), allemand, anglais, français et espagnol
Notes et synopsis par plage en anglais, allemand et français
DVD 1 : Première Partie, Deuxième Partie
DVD 2 : Troisième Partie, bonus
Durée totale : 149mn. + 22mn. de bonus
DGG Deutsche Grammophon 2 DVD 073 4421
I Puritani ritrovati
Cette présentation des Puritani
mérite que l’on emprunte l’adjectif de
« ritrovati » (retrouvés), expression
utilisée comme titre du congrès organisé en 1986
par le Teatro Petruzzelli de Bari afin de mettre en lumière la
version dite Malibran des Puritani, dont la partition, non parvenue
à temps au Teatro San Carlo de Naples, n’avait pu
être exécutée. Ce que l’on retrouve, ici, est
une fidélité au livret qui aurait de quoi faire sourire
des critiques européens blasés des émotions
romantiques mêlant délicatesse et panache gentiment
naïf et ostentatoire. En effet, on n’est pas près
d’oublier notre émotion à l’audition
d’un commentateur de la RAI retransmettant une Lucia depuis le
Met, et remarquant : « Une Lucia
comme on espérait ne plus en voir ». Consternante
affirmation à propos de ce qui est justice :
« la » Lucia de Cammarano-Donizetti et de
l’esprit romantique mis à la mode par Walter Scott !
Est-il possible que ces chefs-d’œuvre ne puissent plus nous
parler si on les présente comme leurs créateurs les ont
conçu ?…
Pour ces Puritani, carton
pâte, toiles peintes, éléments figuratifs en
« dur » et costumes de l’époque de
Cromwell constituent un écrin rêvé à cette
musique emportant idéalement l’auditeur-spectateur dans
d’autres sphères… La mise en scène de
l’estimé Sandro Sequi, et sa reprise par Sharon Thomas
ont compris l’esprit de l’époque de Bellini et de
son opéra. On notera même un détail donnant la
chair de poule : la fermeture du rideau (en plus à
l’italienne !) coordonnée à la charge
orchestrale, au lieu de l’habituelle extinction totale de la
scène, tic moderne et plus à sa place au music-hall
où au moins on peut jouer sur l’effet des paillettes.
Franco Vassallo, en
Sir Riccardo, est un baryton à la voix solide, avec une
sûreté d’attaque et une unité de timbre
à la Piero Cappuccilli.
Le Sir Giorgio Valton de John Relyea
a un aspect vraiment juvénile que des cheveux gris limitent
à peine. Sa belle voix, grave pour quelqu’un qui chante
Escamillo (!), remet les choses en place, son élégance du
chant et de personne faisant le reste.
Eric Cutler en Lord
Arturo Talbo fait montre d’une belle ductilité de timbre,
et d’une maîtrise du chant aux tendres inflexions de
Bellini, aussi bien que des passages dramatiques, avec une belle
solidité dans l’aigu, et sachant donner une juste
accentuation aux paroles (même si sa prononciation de
l’Italien pourrait s’améliorer). Le timbre
n’est pas trop léger mais un peu
« blanc », à l’anglaise, et
s’il offre une certaine chaleur grâce à
méritant effort d’interprétation, il manque
d’un soleil qui n’est pas donné à tout le
monde…
Anna Netrebko est
déconcertante de splendeur évidente,
immédiate… à tous les points de vue !
L’époustouflante artiste se joue continuellement des
embellissements de la ligne vocale, sans qu’on la voie jamais
faire d’effort, ni même respirer ! Son aigu est
toujours assuré et rond, ses piani timbrés et superbes,
sa conduite du chant spianato
(dépourvu d’embellissement) remarquable. Il faut souligner
le fait que cette aisance n’empêche pas un jeu
énergique et soutenu, notamment dans la scène de folie,
durant laquelle la grande interprète va jusqu’à
chanter une partie du da capo de sa cabalette couchée sur le dos, la tête renversée dans la fosse d’orchestre !
Les rôles secondaires sont fort bien tenus, de l’efficace Sir Bruno d’Eduardo Valdes au sombre Valton de Valerian Ruminski, sans oublier la reine Enrichetta di Francia, inquiète et émouvante, de Maria Zifchak.
Les chœurs
irréprochables, instruits par Raymond Hugues, constituent
l’écrin nécessaire à ces personnages bien
tenus.
Le chef Patrick Summers laisse respirer
Bellini, ne presse jamais sa mélodie « longue,
longue,longue » comme disait Verdi. Dans sa manière
de mener son monde, il imprime à cette musique un rythme qui lui
convient, non pas une langueur pesante mais seulement l’alanguissement
indispensable, cette docilité de mouvement délicatement
fluide à l’égard d’une mélodie qui est
plutôt une courbe mélodique, suaves inflexions et fluidité de superbes motifs, génialement abondants dans un seul opéra.
Les coupures sont peu nombreuses et concernent seulement quelques
reprises (mais pas de la fameuse strette du duo Arturo-Elvira
« Vieni fra queste braccia », seulement
raccourcie dans son « Tempo di mezzo » (1)), et les charges orchestrales terminant les morceaux.
Les Bonus....
Interrogée par la présentatrice de la retransmission
télévisée en direct, Margaret Juntwait, on
retrouve avec émotion une Beverly Sills
au maintien un peu rigide mais s’efforçant de sourire et
réussissant même à rire d’elle-même
dans l’évocation de ses interprétations de
« cette folle aux airs de folie si abondants ».
Elle explique comme le soprano a « la tête constamment
sous la guillotine », tant les difficultés
accompagnent l’artiste guettée par les écueils
terribiles de sa partie. On découvre comme la grande cantatrice
pouvait être amoureuse du rôle sans être dupe des
conventions du genre, avec une Elvira pas du tout affublée
d’une rèche robe comme en portaient les véritables
puritains ! Elle a une pensée pour les ténors
épouvantés par l’air « A te, o
cara… », et Beverly Sills prend à
témoin les nombreux bleus qu’elle en récoltait,
involontairement brutalisée par ses partenaires,
terrorisés par cet air d’entrée redoutable ! A
ce propos, Beverly Sills ajoute que Mister Bellini aurait dû
prendre des cours de chant avant d’infliger une telle
épreuve au ténor, oublieuse que le rôle fut
écrit sur mesure pour le fameux Giambattista Rubini, ce qui ne
diminue pas les difficultés mais nous rappelle qu’elles
étaient à la portée de l’artiste. Le Bel canto, dans le sens élargi d’opéra romantique italien n’abîme pas la voix, et même cette Anna Bolena qu’elle adorait chanter… A une exception près, ce terrible Roberto Devereux
comportant le rôle préféré de Beverly Sills.
On sait en effet qu’elle était fort bien consciente du
fait que le chanter raccourcissait sa carrière, mais elle
l’aimait trop pour se passer du plus dramatique rôle de
soprano composé par Donizetti.
Joe Clark,
Directeur technique du Met’, expliquait combien quatre
représentations par semaine, et de quatre opéras
différents, amenait les machinistes a lutter parfois dans
les mauvais jours - avec des
« éléphants »… Mais dans les
bons jours ? interroge, espiègle, Renée Fleming.
« Avec des alligators ! », réplique
Joe Clark, avec la typique désinvolture américaine. Pour
cette production des Puritani,
ancienne de près de trente ans, il s’agit
d’alligators et le personnel est lui-même réduit
à soixante, soixante-dix machinistes sur scène, une
petite équipe confrontée à celle de productions
requérant plus de cent personnes sur la scène.
Renée Fleming se glisse d’autre part dans la loge
d’Anna Netrebko et lui demande comment fait-elle pour donner
ainsi l’impression de chanter sans effort et la jeune femme
répond qu’elle pense bien à la présence des
caméras de télévision et prend garde de ne pas
faire de grimaces… comme celles, exagérées bien
sûr, qu’elle exécute pour nous dans sa loge, comme
humoristique illustration. Elle explique ensuite combien un beau
travail d’équipe l’a aidée, parlant en
particulier du chef d’orchestre… qui compend cette musique,
poursuit Renée Fleming, approuvée par Anna Netrebko,
expliquant comme il attend, observe les chanteurs, les poussant et les
stimulant au besoin.
Une vidéo idéale pour découvrir Bellini et I Puritani, aussi bien que pour les amoureux de la partition la connaissant par cœur !
Yonel Buldrini
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(1)
Ce « temps de milieu » est un moment musical
reliant la première exposition du motif d’une cabalette ou
d’une Stretta, à sa reprise ou Da Capo.
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