Regards sur l'opéra
comique
Raphaëlle
Legrand & Nicole Wild
coll. " Sciences
de la musique ",
CNRS Editions,
2002, 288 p.
L'Opéra-Comique revient, l'opéra-comique est à
la mode même : musique heureuse, mélodique, sans problèmes,
qui semble conquérir un nouveau public sensible à son charme.
EMI Classics réédite ses fleurons (Grétry, Adam, Auber),
Compiègne remonte
Le Pardon de Ploërmel de Meyerbeer,
le journal belge "Le Soir" consacre tout un article au genre... Il était
temps de lire une étude solide dédiée à une
forme d'art lyrique essentielle au génie français et qui
fit l'admiration de l'Europe entière. Car, depuis les monographies
anciennes d'Emile Genest, de Stéphane Wolff ou de Jean Gourret,
complètes mais plutôt anecdotiques, seul
L'Opéra-Comique
en France au XVIIIe siècle de Philippe Vendrix, déjà
auteur d'une somme sur Grétry (Editions Mardaga, 1992) comblait
la soif des amateurs.
Voici donc le nouvel ouvrage de base nécessaire à l'honnête
homme du XXIe siècle. Il offre essentiellement une vision historique,
tant du genre que des bâtiments ayant porté le nom d'Opéra-Comique.
Le sous-titre "Trois siècles de vie théatrale" est très
bien choisi, l'approche des auteurs étant délibérément
sociale : elle démontre l'interaction constante entre le théâtre
et la vie quotidienne des français. Les pages consacrées
à la Révolution, à l'Empire et à la Restauration,
époques de gloire de l'opéra-comique, évoquent parfaitement
cette ambiance survoltée si propice aux créations les plus
remarquables. Autre période faste, la IIIème république,
sous les directions de Carvalho puis de Carré, qui verra la disparition
quasi-totale du répertoire traditionnel, et la production d'opéras
lyriques majeurs, tels Carmen, Lakmé, Manon, Le Roi d'Ys, Louise
et, bien sûr, Pelléas et Mélisande. Les auteurs
soulignent cette extraordinaire vitalité innovatrice de la Salle
Favart face à un Palais Garnier-musée. Chaque chapitre porte
le titre d'une oeuvre, et l'on suit toute l'évolution du genre,
des foires Saint-Germain-Saint-Laurent du début XVIIIe (oui, l'opéra-comique
est né sous Louis XIV !) à feue la R.T.L.N. (1936-1978) pour
conclure par l'ère Savary, directeur de la Salle Favart depuis l'an
2000.
Le texte relate les créations, sans jugements de valeur, citant
les compositeurs, interprètes ou décorateurs marquants. Il
est entrelaçé d'abondants commentaires, tirés des
quotidiens du temps, intéressants témoignages de la critique
musicale d'antan. Ou d'écrits de grands compositeurs tels Berlioz
(étonnante vision futuriste à propos du Postillon de Longjumeau)
ou Massenet racontant une amusante méprise téléphonique
lors de la composition de Thérèse. Tout cela forme un ensemble
bien vivant, et ce livre se lit d'une traite.
L'on peut également sacrifier à un plaisir raffiné
et s'attarder longuement sur les illustrations, très nombreuses.
Affiches, maquettes de décors, esquisses, costumes ou photographies
fourmillent pour le plus grand plaisir du lecteur. Cette iconographie richissime
forme certainement un atout capital pour ce qui est appelé à
devenir un classique incontournable. On n'y trouvera pas de profondes réflexions
musicologiques, mais un éblouissant panorama du genre, sous tous
ses aspects. L'ouvrage est certes académique, puisqu'édité
par le C.N.R.S., et comprend donc son lot de notes et références,
d'addenda, dont une chronologie complète, un répertoire des
salles, un plan même, une liste des directeurs et une volumineuse
bibliographie.
Document plus qu'essai, ces Regards sur l'opéra-comique
forment une source essentielle pour tous ceux qu'interpelle ce genre en
pleine redécouverte. Les fans de Boiëldieu et d'Herold seront
tout aussi heureux que ceux de Ravel ou de Poulenc ou de...Puccini, auteur-phare
de la salle Favart dans les années 1960. On y apprend beaucoup sur
l'Histoire et le Goût de la société française
: ce n'est pas le moindre mérite de ce livre précieux.
Bruno Peeters
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