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CHRISTINE RICE, mezzo-soprano
ROGER VIGNOLES, piano
Cara sposa (Rinaldo) - Händel
Venti,turbini (Rinaldo) - Händel
Dopo notte (Ariodante) - Händel
Zigeunerlieder op. 103 - Brahms
Mörike-lieder - Wolf
Extase (Jean Lahor) - Duparc
Le Manoir de Rosemonde (Robert de Bonnières) - Duparc
La Vie antérieure (Charles Baudelaire) - Duparc
L'Invitation au voyage (Charles Baudelaire) - Duparc
Four Songs op. 22 - Howells
King David (A Garland for de la Mare) - Howells
1 CD EMI “Debut”
3304662 – Enr. Octobre 2005
Début sans fanfare
Pour allécher le
chaland, l’industrie agro-alimentaire fait
généralement appel aux meilleurs consultants et
graphistes, qui à renfort de logos subversifs, couleurs
subliminales et autres artifices visuels auront vite fait de vous faire
comprendre que votre survie dépend de l’achat d’une
boîte de petits pois de marque x.
Chez EMI, quand on veut vous présenter une nouvelle artiste sous
son meilleur jour, on se contente de vous coller sa photo en (trop)
gros plan, les cheveux à peine débroussaillés, le
teint triste et le tout emmailloté dans un tricot acheté
à coup sûr par correspondance, parce que la taille
n’a pas l’air de convenir. Qu’à cela ne
tienne, ma curiosité n’en est pas pour autant
échaudée : l’essentiel est parait-il invisible
pour les yeux et le plumage ne vaut pas toujours le ramage. Et puis
c’est ce bon vieux Roger Vignoles au piano… même si
on a déjà connu plus glamour, je me dis : "en
voiture Simone" (euh pardon, Christine !)
Pour ouvrir les festivités, Haendel. « Chant,
piano… Haendel ?? Hérésie ! »
entends-je jaser dans la basse-cour des baroqueux. Chez EMI, ça
aussi, on s’en balance : après tout, Cecilia a
déjà fait pareil avec des Arie Antiche
et ça se vend. Oui, mais même si la voix de Madame Rice a
des qualités indéniables - un timbre certes charmant
quoiqu’un peu blafard, un bon équilibre sur tout
l’ambitus avec cependant un grave peu charnu et une projection
limitée dans l’aigu, une aisance naturelle à
vocaliser… - Christine supporte mal la comparaison avec les
Cecilia, Marilyn, Jennifer et autres divas qui ont incarné ces
différents rôles avec profondeur, fougue et passion. Chez
Madame Rice, ça chante bien mais ça ne décolle
jamais comme on aimerait. Les ornements dans les da capo n’ont
rien d’original ni d’électrisant et il faut avouer
que la réduction d’orchestre au piano, c’est
très vite lassant !
Viennent ensuite les Zigeuner Lieder
de Brahms. On sent la chanteuse déjà plus à
l’aise dans ce type de répertoire. Mais encore une fois,
là où l’on aimerait un peu plus de panache,
à l’image de ces violonistes gitans qui font rebondir leur
archet comme autant de diablotins déchaînés,
Christine Rice ne nous offre qu’un lecture un peu pâlotte
de ces pages pourtant tellement pittoresques. Quant à Roger
Vignoles, il compense le manque de relief de son jeu par une
solidité inébranlable due à des années de
bouteille. Les Mörike-Lieder de Wolf mériteraient aussi une approche un peu plus mature pour mieux ciseler tous leurs contours si inventifs.
Alors que l’allemand de la chanteuse était correct, son
français l’est beaucoup moins. Contrairement à
Jessye Norman qui en pareille situation compense
l’inintelligibilité de sa diction par une voix
envoûtante et une maîtrise de la ligne, Christine Rice
n’a pas vraiment le je-ne-sais-quoi qui nous aiderait à pardonner ses défauts d’élocution. L’Invitation au voyage n’est donc pas très convaincante…
Pour conclure, un peu d’anglais : tant qu’on y est, le
producteur de ce disque aurait pu lui faire chanter du Chopin et du
Rachmaninov, histoire de bien nous faire comprendre que l’artiste
est polyglotte. (Pourtant, en matière de chant, une glotte
suffit !) Howells a écrit de charmantes mélodies
(pardon, Songs !) mais
personnellement je ne comprends pas très bien
l’intérêt de ce choix insipide, si ce n’est
encore une fois pour nous prouver quelque chose : que Madame Rice
est consciente que l’histoire de la musique ne s’est pas
arrêtée au 19e siècle !
Laissons néanmoins à Christine Rice la chance de nous
prouver dans les années à venir qu’il ne fallait
pas nous arrêter à ce premier disque peu concluant…
Lionel ROUART
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