Giuseppe VERDI (1813-1901)
RIGOLETTO
"Melodramma" en trois actes et
quatre tableaux de Francesco Maria Piave,
d'après le drame Le
Roi s'amuse (1832) de Victor Hugo,
créé au Gran Teatro
La Fenice de Venise, le 11 mars 1851.
Il Duca di Mantova : Carlo Bergonzi
Rigoletto : Dietrich Fischer-Dieskau
Gilda : Renata Scotto
Sparafucile : Ivo Vinco
Maddalena : Fiorenza Cossotto
Giovanna : Mirella Fiorentini
Il Conte di Monterone : Lorenzo
Testi
Il Cavalier Marullo : Virgilio
Carbonari
Matteo Borsa : Piero De Palma
Il Conte di Ceprano : Alfredo
Giacomotti
La Contessa di Ceprano : Caterina
Alda
Usciere di Corte : Giuseppe Morresi
Paggio della Duchessa : Caterina
Alda
Orchestra e Coro del Teatro
alla Scala di Milano
Maestro del Coro : Roberto
Benaglio
Maestro Concertatore e Direttore
: Rafael Kubelik
Enregistré au Teatro alla
Scala de Milan, au mois de juillet 1964
Deutsche Grammophon, série
"opera House" 00289 477 5608 (2 cd)
Durées : CD1 : 58'16 (acte
I) & CD2 : 64'36 (actes II et III)
Résumé plage par
plage en anglais, allemand et français
Ce
Rigoletto a fait partie d'une
série Verdi
(1) réalisée
dans les années 1960 par la D.G.G. en collaboration avec le Teatro
alla Scala et se présentant sous forme de luxueux coffrets revêtus
de tissu rouge-opéra et ornés de lettres d'or (il est reporté
sur disques compacts depuis 1991). Il s'est d'emblée imposé
en tête de la discographie malgré (ou à cause de) ses
curiosités.
Un baryton venu d'un répertoire tout autre mais qui fréquenta,
il est vrai, l'opéra italien. Un duc de Mantoue, pourtant verdien
réputé, mais inattendu dans un rôle brillant, et enfin
un chef pas particulièrement spécialisé dans l'opéra
italien.
En revanche un orchestre aux sonorités idéales pour ce
répertoire, des choeurs rompus à ce dernier et un soprano
parfaitement à sa place, fraîchement reconquise par les voix
corsées des Callas, Gencer...
Ces participants hétéroclites, dirons-nous, constituent
pourtant un
Rigoletto fort équilibré et appréciable.
A commencer par Renata Scotto, marchant allègrement sur les
traces de Maria Callas, qui avait arraché le rôle de Gilda
aux soprani légers, habiles dans les roulades, certes, mais offrant
peu de consistance dramatique et limitant quelque peu le personnage à
une toute jeune fille. Après ses débuts dans sa natale Savone,
en 1952 dans Violetta, Renata Scotto aborde
Rigoletto à l'Opéra
de Vienne en avril 1958, aux côtés des prestigieux Aldo Protti,
Gianni Raimondi et Gianandrea Gavazzeni. Le même chef dirigera la
première intégrale en 1960, où sa Gilda sera entourée
d'Ettore Bastianini et d'Alfredo Kraus. Elle gardera Gilda à son
répertoire jusqu'en 1971, alternant avec bonheur héroïnes
romantiques de Bellini, Donizetti, et personnages verdiens et de la Jeune
École, jusqu'à la
Fedora conclusive de 1989. Ce rapide
panorama donne une idée des capacités de l'étendue
de sa voix et de sa technique. Renata Scotto, inégalée dans
son approche de la mélodie lunaire de Bellini, met son art du phrasé
incomparable, son souffle inépuisable au service de sa Gilda chaleureuse
et lumineuse à la fois, sobre dans les ornementations et l'expression,
mais qui vibre d'une vie
d'adulte !
L'inattendu Carlo Bergonzi, pourtant ténor verdien par excellence,
offre au duc de Mantoue sa chaleur de timbre, sa souplesse, sa suavité
à la Gigli... mais cette élégance accomplie, ce style
exemplaire laissent de côté le panache un peu m'as-tu-vu,
l'insolente générosité à la Mario Del Monaco
que possède ce personnage de jouisseur pas si raffiné que
cela. L'artiste n'en demeure pas moins, et on goûte avec lui le plaisir
qu'il se fait, dans
La donna è mobile, à prolonger
la note sur un interminable "
muta d'acceeeeennnto", avec une superbe
diminution de la puissance du souffle.
Quant à l'insolite Dietrich Fischer-Dieskau, une expression
publiée dans une critique de la revue
Diapason, lors d'une
réédition de l'enregistrement, avait retenu notre attention
et même provoqué alors notre perplexité, on parlait
en effet à son propos d'un "Rigoletto sobrement douloureux". Perplexité,
disions-nous, car on pouvait prendre cela comme une qualité ou un
défaut, consistant à intellectualiser le personnage, comme
pour tenter de gommer la passion avec laquelle Verdi lui préta vie.
Pourtant, la technique et l'intelligence du chant rehaussent un timbre
peut-être un peu froid mais culminant dans des aigus clairs et sonnants.
La prononciation de l'italien parfois bizarre (comme ces "o" trop "fermés")
se trouve rachetée par l'intensité sobre, la profonde douleur
humaine transparaissant malgré la
sobriété,
précisément, de son expression.
Fiorenza Cossotto est une incisive Maddalena dont le frère sur
scène est l'époux à la ville : l'efficace Ivo Vinco
(Sparafucile).
Comme toujours à l'époque, les rôles secondaires
n'étaient pas corrects mais excellents, avec des chanteurs ayant
connu une carrière fournie précisément dans ces rôles,
comme Virgilio Carbonari, Alfredo Giacomotti, Giuseppe Morresi... voire
la célébrité, comme en témoigne entre tous
Piero De Palma (Borsa).
Le chef Rafael Kubelik nous donne une concertazione d'une grande lisibilité,
en ce sens qu'il distingue bien les timbres orchestraux, ne tombant jamais
dans la confusion massive. On remarque ainsi la belle "clarté" des
cordes dans l'accompagnement de "Cortigiani, vil razza dannata" et plus
tard lorsque l'imprécation se fait prière, le hautbois se
lamente en même temps que Rigoletto ! Ces belles nuances n'entachent
jamais la direction de Rafael Kubelik de maniérisme, car il sait
également faire vrombir l'orchestre (dans l'orage du IIIe acte),
mais sans jamais l'appesantir, servant ainsi noblement le tempérament
profondément dramatique de Verdi
Un Rigoletto de la mesure, de l'équilibre, m ais n'excluant
ni pathétique ni dramatisme et vibrant de la vie d'un éternel
chef-d'oeuvre.
Yonel BULDRINI
Note
(1) Comprenant, outre Rigoletto, Il
Trovatore, La Traviata, Un Ballo in maschera et Don Carlo.
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