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Richard Wagner (1813-1883)
Der Ring des Nibelung
Opéra en 1 prologue et 3 journées (1876)
sur un livret du compositeur.
Wotan / le Voyageur : Albert Dohmen
Siegfried : Stig Andersen
Brünnhilde : Linda Watson
Sieglinde : Charlotte Margiono
Siegmund : John Keyes
Fricka : Doris Soffel
Loge : Chris Merritt
Alberich : Werner van Mechelen (Rheingold) / Günther von Kannen (Siegfried-Götterdämmerung)
Gunther : Robert Bork
Gutrune : Irmgard Vilsmaier
Hagen / Hunding : Kurt Rydl
Mime : Graham Vick
Erda : Anne Gjevang
Fafner :Mario Luperi
Fasolt : Frode Olsen
Freia : Michaela Kaune
Donner : Geert Smits
Froh : Martin Homrich
Voix de l’oiseau des bois : Robin Schlotz (solistes des Petits Chanteurs de Tölz)
Les Walkyries :
Waltraute : Natascha Petrinsky (Walküre) / Michaela Schuster (Götterdämmerung)
Gerhilde : Dorothy Grandia
Ortlinde : Ellen van Haaren
Schwertleite : Hebe Dijkstra
Helmwige : Turid Karlsen
Siegrune : Irene Pieters
Grimgerde : Marina Prudenskaja
Rossweisse : Qiu Lin Zhang
Les Filles du Rhin :
Woglinde : Alexandra Coku
Wellgunde : Natascha Petrinsky
Flosshilde : Elena Zhidkova
Les trois Nornes :
Première Norne : Birgitta Svenden
Deuxième Norne : Michaela Schuster
Troisième Norne : Irmgard Vilsmaier
Chœurs du Nederlandse Opera
(chef des chœurs : Winfried Maczewski)
Orchestre Philharmonique des Pays-Bas
Direction musicale : Hartmut Haenchen
13 CD en 4 coffrets séparés, label Etcetera.
Notes en Anglais, Allemand et Néerlandais.
Enregistré live au Het Muziektheater d’Amsterdam
en 2004 et 2005.
En attendant Parsifal
Aujourd’hui, enregistrer un Ring
est souvent considéré comme une action risquée :
à quoi bon ? Les wagnériens dignes de ce nom
n’existent plus ! Que l’enregistrement en question ait
lieu sans grandes vedettes de l’art lyrique, et
l’opération tourne au suicide ! Pourtant, Etcetera,
en collaboration avec l’Opéra des Pays-Bas, vient de
prouver que des chanteurs intelligents sous la conduite d’un chef
expérimenté peuvent encore nous offrir un Ring
fort consommable, qui plus est dans une très
élégante présentation, faisant la part belle aux
photos du spectacle de Pierre Audi (disponible avec le même chef
et une équipe sensiblement différente en DVD chez Opus
Arte). On est rassuré : bien interpréter Wagner
n’était pas réservé qu’aux élus
du « Neues Bayreuth » !
Bien sûr, tout n’est pas parfait dans cette nouvelle Tétralogie, la première que nous offre le support hybride SACD. Il faut faire avec deux géants bien peu effrayants, Fasolt et son timbre sec, Fafner et sa voix pâteuse, et avec un Gunther von Kannen éraillé, à bout de souffle, qui nous fait regretter à chaque instant que Werner van Mechelen ne chante Alberich que dans Rheingold. Il faut supporter, surtout, John Keyes, dépassé par l’ampleur du rôle de Siegmund : le timbre est nasal, le vibrato,
kilométrique, et la captation sur le vif souligne cruellement le
manque d’endurance du ténor, de plus en plus faux et
essoufflé à mesure que la soirée progresse. Il
faut se résoudre, enfin, à entendre une Brünnhilde -
Linda Watson - vaillante,
certes, émouvante, assurément, mais ô combien
prosaïque ! La voix, volontiers stridente et vibrante, avec
des notes prises par en-dessous, fait entendre une passade
lorsqu’il est question d’un grand amour, une crise de nerf
quand il s’agit d’une altière rage…
c’est bien peu, pour la fille d’Erda et de Wotan !
D’autant que ce dernier laisse augurer une lignée d’une grande noblesse, quand il est chanté par Albert Dohmen !
La grandeur de l’instrument, la noirceur du timbre, dessinent un
Wotan parfaitement compris dans toute sa complexité : le
calme hautain et diplomatique, savante maîtrise du politicien,
succédant aux emportements et aux maladresses, marques de la
faiblesse… font de ce Wotan le plus humain des Dieux. Par
conséquent, il prend pour nous, humbles mortels, un relief et
une densité rarement entendus. Le Siegfried de Stig Andersen
nous apporte également son lot de satisfactions :
même lorsque le rôle, meurtrier, demande de la morgue et du
volume, la ligne de chant reste soignée, propice aux tendres
épanchements romantiques et amoureux du héros. Au
même niveau de « bel canto » et de lyrisme
se situe Charlotte Margiono,
flamboyante en une Sieglinde qui, elle non plus, n’a pas
oublié Mozart. A quelques graves près, une superbe
incarnation !
Autour d’eux, ce sont encore de saisissants portraits qui se succèdent. Il y a la Fricka de Doris Soffel,
lançant avec véhémence de sinueuses
raucités lorsqu’elle veut humilier et dominer son
époux, puis retrouvant une ligne de chant toute en rondeur et en
legato quand elle souhaite le séduire. Il y a, deux fois, Kurt Rydl : excellent Hunding, mais Hagen génial, qui tient tout le Crépuscule des Dieux entre ses mains. Il y a le Loge de Chris Merritt,
époustouflant acteur-chanteur parfaitement à sa place
désormais dans les « rôles de
caractères ». Il y a le Mime sarcastique de Graham Vick, la luxueuse Freia de Michaela Kaune, la grande Erda d’Anne Gjevang…
Et il y a l’Orchestre des Pays-Bas (Netherlands Philharmonic Orchestra), qui mêle à une superbe pâte sonore la souplesse que lui apporte Hartmut Haenchen. Bientôt de retour dans la fosse de l’Opéra Bastille pour un nouveau Parsifal,
le chef allemand prouve une fois de plus qu’il maîtrise
comme peu savent le faire tous les arrière-plans de la
partition, rendant à chaque pupitre sa juste place en un tout
d’une cohésion incroyable, vu la densité et la
complexité de l’ouvrage. Mais cette lecture
« analytique », privilégiant la
clarté du son et la limpidité des rythmes aux
épanchements arbitraires, n’en recèle pas moins une
large part de poésie : du badinage des bois lors de la
course entre Alberich et les Filles du Rhin au début de Rheingold
à un magistral Voyage de Siegfried sur ce même Rhin, le
chef et l’orchestre nous racontent quelque chose, prennent part
au drame, mais avec intelligence et justesse, sans l’encombrer.
De merveilleux moments suspendus (l’exposition du thème de
la Mort lors de la première rencontre entre Brünnhilde et
Siegmund au II de la Walkyrie !)
savent faire place à des instants de pure
théâtralité (ces timbales au final du I de cette
même Walkyrie)…
Un rapport si décomplexé entre Wagner et un chef,
où les traditions ne servent jamais à écraser ou
inhiber, est suffisamment rare pour être signalé, et
salué !
On l’a compris : si l’équipe ne
démérite pas, si plusieurs chanteurs proposent même
de saisissantes interprétations, c’est du
côté de la fosse que se situe la clé de voûte
de cette version, qui a d’ores et déjà une bonne
place dans le catalogue, en dépit des légendes
indétrônables !
Clément Taillia
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Das Rheingold
Siegfried
Götterdammerung

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