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Richard Strauss (1864 – 1949)

Der Rosenkavalier

Opéra en trois actes sur un livret de Hugo von Hofmannsthal

Adrianne Pieczonka : la Maréchale
Franz Hawlata : le Baron Ochs
Angelika Kirchschlager : Octavian
Franz Grundheber : Faninal
Miah Persson : Sophie

Choeur et Orchestre du Wiener Philharmoniker
dirigés par Semyon Bychkov

Mise en scène : Robert Carsen
Décors et costumes : Peter Pabst
Images : Brian Large

Double DVD TDK




Sans froufrou ni perruque

Parmi les productions controversées du Festival de Salzbourg en 2004 figurait ce Rosenkavalier. Monument du patrimoine germanique, jouissant depuis sa création à Dresde en 1911 d’une popularité énorme et ininterrompue, l’œuvre est généralement représentée dans la tradition, c’est-à-dire dans un univers théâtral baroque un peu outré, fait de robes à paniers, de perruques blanches et de candélabres à pendeloques. On comprend donc le désarroi du frileux public Salzbourgeois devant les propositions alternatives de Robert Carsen, qui transpose l’action dans la Vienne de l’immédiat avant-guerre, peu de temps avant Sarajevo, celle du règne de l’austère Fançois-Joseph, contemporaine donc de la création de l’œuvre, et y introduit en guise de message à caractère politique, une critique de la société aristocratique finissante. On remarquera en outre, au fil de l’action, quelques détails cocasses ou riches de sens, comme le baron Ochs étendu sur le divan d’un docteur Freud de passage (fin du IIè acte), ou le petit page Mohamed qui, tout à la fin vient rechercher le mouchoir de la Maréchale, remplacé ici par un de ces soldats indigène qu’on envoya aux premières lignes du front dès les hostilités commencées.

Ce parti pris déroute en effet dans un premier temps, mais trouve sa cohérence dans la durée. Loin des falbalas, dans une lumière froide et un peu crue, les personnages y gagnent en intensité, les richesses du livret d’Hofmannsthal ressortent davantage. On passe sans s’en rendre compte d’une banale intrigue amoureuse à une très subtile réflexion philosophique – quasi métaphysique - sur l’âge et le temps qui passe, sur le renoncement, qui est bien le sens profond de l’œuvre. Tout cela est rendu très perceptible par la mise en scène de Carsen, qui caractérise clairement chaque rôle et attache un soin extrême aux relations entre ses personnages.

La distribution est dominée par l’excellente Angelika Kirchschlager en Octavian ; émouvante, très juste, elle ne force jamais le trait comme on le voit faire si souvent dans ce rôle travesti. Sa voix convient idéalement au rôle, timbre riche et couleurs dorées ; elle y ajoute un tempérament bien trempé et une réelle présence d’actrice. A ses côtés, la Maréchale d’Adrianne Pieczonka, excellente vocalement, poussant sans doute trop loin la réserve et la froideur du personnage, ne suscite guère d’émotion, alors que le rôle porte en lui les messages essentiels du livret. C’est dommage ; les grandes interprétations du passé (incomparable Schwarzkopf – Karajan) vous reviennent alors en mémoire avec nostalgie… Sophie (Miah Persson), délicieuse et fraîche, complète très agréablement le trio vocal.

Un peu en retrait, le Baron Ochs de Franz Hawlata, scéniquement crédible, ne dispose pas du grain vocal qu’on attend pour ce rôle, ni de la verve gouailleuse naturelle qui lui permettrait plus d’humour avec moins d’effets. Dans un plus petit rôle, le Faninal de Franz Grundheber est pleinement satisfaisant.

Le Wiener Philharmoniker dirigé par Bychkov détaille avec délices toutes les richesses orchestrales de la partition, fait chatoyer les couleurs de chaque pupitre, prend le temps de respirer et assure la cohésion musicale du spectacle avec beaucoup de brio. La prise de son, peu soignée, ne rend cependant pas justice à ce travail de détail, et confond les différents plans sonores (orchestre et voix) dans une masse un peu indistincte. Dommage pour une partition où les ensembles vocaux sont traités par le compositeur avec tant de soin et de génie !



   Claude JOTTRAND

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