Arias
for Senesino
Georg Frideric
Händel (1685-1759)
1. "Bel contento
già gode quest'alma", Flavio (Guido)
2. "Pompe vane
di morte !..."
3. "Dove sei, amato
bene ? ", Rodelinda (Bertarido)
Tomaso Albinoni
(1671-1751)
4. "Stelle ingrate",
Astarto
(Nino)
5. "Selvagge amenità",
Engelberta
(Lodovico)
Antonio Lotti
(c.1667-1740)
6. "Discordi pensieri",
Teofane
(Ottone)
Alessandro Scarlatti
(1660-1725)
7. "Del ciel sui
giri", Carlo re d'Allemagna (Lotario)
Lotti
8. "Fosti caro
agl'occhi miei",
Gli odi delusi
dal sangue (Ascanio)
Haendel
9. "Dall' ondoso
periglio..."
10. "Aure, deh,
per pieta", Giulio Cesare (Cesare)
11. "Al lampo dell'armi",
Idem
12. "Cara sposa",
Rinaldo
(Rinaldo)
Nicola Porpora
(1686-1768)
13. "Va per le
vene il sangue", Il trionfo di Camilia (Turno).
Andreas Scholl,
contre-ténor
Accademia Bizantina
Ottavio Dantone,
direction
1 CD DECCA 475 6569
Enregistré
à Milan les 25, 26 & 28-30 juin 2004.
Durée totale
: 65'31.
La mue du contre-ténor
Andreas Scholl fait partie de ces artistes pour qui l'opéra ne
représente pas le nec plus ultra du chant, ni, a fortiori, la carrière
lyrique un accomplissement. A l'entendre, il pourrait même consacrer
toute sa vie aux songs avec luth de l'époque élisabéthaine,
sans fréquenter les théâtres. De fait, malgré
l'une ou l'autre belle prise de rôle (Bertarido dans Rodelinda,
Cesare dans Giulio Cesare), il se fait rare sur scène. Affaire
de tempérament, de sensibilité, de vocalité aussi,
sinon d'abord. Il ne suffit pas d'avoir la stature de Clark Kent pour incarner
les (super) héros ! Et pourtant cet album pourrait bien être
son meilleur depuis longtemps. Quelque chose a changé. La voix a
mûri, le timbre a gagné en fruité, même si l'émission
a perdu aussi un peu de son aisance, de sa pureté, surtout dans
l'aigu. L'évolution n'est certes pas spectaculaire, mais elle rassure
après de très fades cantates arcadiennes, car au-delà
de l'instrument, c'est l'interprète qui a bonifie.
L'ange a pris du poil au menton et forci, il est moins placide, moins
aérien, plus direct, engagé, percutant. L'allure décidée
et conquérante de "Bel contento già gode quest'alma" donne
le ton et la vocalisation implacable, rageuse d' "Al lampo dell'armi" révèle
un abattage, un mordant qu'on n'attendait plus. Pour mesurer la transformation,
il suffit d'écouter les deux versions du "Dove sei" enregistrées
par le contre-ténor, respectivement en octobre 1998 (dans le récital
"Ombra mai fù" chez Harmonia Mundi) et en juin 2004, pour cet hommage
à Senesino. Alors que la première était à peine
ébauchée, monolithique, impersonnelle (quelle indigence dans
le da capo !), la seconde développe une lecture originale,
nuancée et surtout plus expressive. La métamorphose a bien
sûr ses limites : c'est encore dans la prière ou la plainte
amoureuse, feutrée, sans âpreté ni déchirement,
que le falsettiste excelle ("Aure, deh, per pietà"). Ainsi le désespoir,
le tragique n'affleurent guère dans le lamento de Rinaldo
("Cara sposa"), où le galbe des phrases manque de plénitude
sur les longues tenues, mais l'artiste sait y trouver des accents d'une
exquise mélancolie.
En revanche, le portrait musical du castrat Senesino, le plus grand
contralto de son temps, laisse songeur... Hormis les airs de Haendel, généreusement
représenté, le programme oscille entre le joli ("Selvagge
amenità"), le convenu ("Stelle ingrate", "Fosti caro agl'occhi miei")
et le pompier ("Del ciel sui giri"). Difficile de croire que ce chanteur
exceptionnel, dont le public britannique admirait également les
ressources dramatiques, n'ait pas inspiré des pages plus intéressantes.
Toutefois, deux inédits retiennent l'attention. Langoureux duo pour
violon et alto dans le style gracieux, "Discordi pensieri" (Lotti) pourrait
facilement tomber dans la mièvrerie, mais il devient un miracle
de délicatesse lorsqu'il est confié à des musiciens
en état de grâce - l'occasion de souligner l'idéale
plasticité de l'Accademia Bizantina qui épouse la moindre
intention du chanteur. Avec ses lignes et ses harmonies tourmentées,
son climat ambigu, doux-amer, "Va per le vene il sangue" est un des ces
airs entêtants qui s'insinuent et vous hantent longtemps après
l'écoute. Vivement que d'autres s'en emparent : contre-ténor,
contralto, mezzo, sopraniste, peu importe le flacon ou le sexe, pourvu
qu'on ait l'ivresse !
Bernard SCHREUDERS
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