SEMIRAMIDE
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Opéra en deux actes (1822)
Livret de Gaetano Rossi
D'après la tragédie
de Voltaire
Wiener Konzertchor
(chef de choeur : Gottfried
Rabl)
Radio Symphonieorchester Wien
Marcello Panni
Semiramide : Edita Gruberova
Arsace : Bernadette Manca di
Nissa
Azema : Hélène
Le Corre
Assur : Ildebrando D'Arcangelo
Idreno : Juan Diego Florez
Oroe : Julian Konstantinov
Mitrane : José Guadalupe
Reyes
Spectre de Ninus : Andreas Jankowitsch
3 CD NIGHTINGALE NC 207013-2
Enregistré en live les
11 & 14 mars 1998
au Wiener Konzerthaus
Publié en 2004
Considéré par Richard Wagner
comme l'opéra italien accumulant tous les défauts du genre,
Semiramide
est l'un des fleurons de la tragédie belcantiste rossinienne, qui
doit sa survie au répertoire à un air brillant, cheval de
bataille de nombreuses soprani : "Bel raggio lusinghier".
L'histoire, directement inspirée de la tragédie de Voltaire
(genre où il n'est plus guère estimé), tourne autour
de la "mère", comme souvent dans ce genre. En quelques mots, Semiramide,
reine de Babylone a tué son époux Ninus, aidée en
cela par le prince Assur qui espère le trône grâce à
un prompt remariage de notre héroïne. Malheureusement pour
Assur, Semiramide s'est éprise d'un jeune chef victorieux Arsace,
qui n'est autre que son propre fils (ce qu'elle ignore !). Hélas
Arsace est amoureux d'une autre princesse (Azema). Le drame se noue lors
d'une cérémonie, quand le fantôme du roi Ninus proclame
qu'Arsace sera le prochain roi, le jour où sera découvert
le secret de son assassinat...
Assur pressentant le danger échafaude un plan et se rend la nuit
dans le tombeau de Ninus Entre temps, Semiramide, qui a compris qu'Arsace
était son fils, s'y rend également. Là elle retrouve
le jeune guerrier et lui avoue être sa mère et Ninus son père.
Survient Assur qui tente de tuer Arsace... La reine s'interpose, recevant
le coup fatal à sa place. Arsace devient alors roi, son père
étant vengé.
De cette histoire convenue, Rossini a réussi un bel ensemble
de mélodies et d'effets, alternant airs, duos, ensembles et choeurs,
dans l'esprit des autres opéras seria dont il inondait les théâtres.
Chaque rôle requiert des chanteurs une vraie vaillance et une technique
hors paire. D'ailleurs de Grisi à Melba, Sutherland, Caballé,
Ricciarelli, R.Raimondi, F.Araiza, T.Pasero, F.Tagliavini, Stignani, Horne,
Valentini-Terrani, Simionato, S.Ramey, etc. la liste des grandes voix ayant
interprété cet opéra est longue.
La liste est longue, mais l'idéal vocal bien rarement au rendez-vous...
Sur scène, la référence reste, et restera longtemps
sans doute, la production d'Aix-en-Provence de 1980 avec Monserrat Caballé,
Marilyn Horne, Samuel Ramey, Francesco Araiza et Jesu Lopez-Coboz : Que
ne fut-elle enregistrée alors ?
Côté disques, pendant longtemps il n'exista que la version
Joan Sutherland / Marilyn Horne, deux stars au sommet de leur art, hélas
mal entourées et dirigées par un assez plat Richard Bonynge.
Pour ces deux voix d'exception, cet enregistrement reste la référence,
car ce n'est pas en 2004 que les choses changeront. Sans doute moins "étonnante"
que la version Deutsch Gramophon avec une Cheryl Studer à court
de voix (qui l'a entendue au début des années 80 ne peut
se faire une idée du gâchis de cette voix au départ
somptueuse), le présent coffret Nightingale n'apporte pas grand
chose.
A tout seigneur, tout honneur, Edita Gruberova montre une fois de plus
son fourvoiement dans ces ouvrages de bel canto tragique, qui font
appel à des voix d'une toute autre caractérisation. Si le
timbre est beau, la technique toujours éclatante, on est déçu
dès l'air "Bel raggio lusinghier" bien plus réussi dans son
récital EMI en 1982. Ici des tempi infinis sont pris, des
ajouts inutiles sont faits, et l'aigu final est crié (surprenant
que nul n'est songé à le corriger...). Le reste n'est pas
mal, mais tout à fait en deçà de ce que l'on attend
de la Reine de Babylone. L'attaque des sons n'y est pas, la grandeur, la
violence non plus.
Dans le livret, il nous est expliqué que la cantatrice a dû
"adapter" la partition à sa voix aiguë, la tessiture du rôle
voulue par Rossini étant plus centrale (Isabel Colbran) ; mais -
nous dit-on - le compositeur n'aurait rien trouvé à redire,
puisqu'à l'époque il réécrivait telle ou telle
page en fonction des voix disponibles. Certes, mais Rossini aurait-il accepté
que la Reine de Babylone ait une voix proche de Fiorilla (Le Turc en
Italie) ou de Pamira (Le Siège de Corinthe) ? On peut
en douter.
Bernadette Manca di Nissa n'apporte aucune révolution au rôle
d'Arsace et si la voix est de belle qualité, elle est comme trop
"grasse" pour ce répertoire. La vocalisation est pesante, rappelant
F. Cossotto dans Tancredi, et l'on ne croit pas un instant au jeune
guerrier qu'elle est censée représenter. Il est vrai que
Marilyn Horne n'a rendu la tâche facile à personne !
Après cette double erreur de casting, on glissera sur l'Assur
d'Ildebrando D'Arcangelo dont la voix bouge terriblement au 1er acte, pour
se stabiliser ensuite tant bien que mal. On s'arrêtera par contre
sur l'Idreno de Juan Diego Florez, qui assure là une belle performance.
Aigu sûr et brillant, vocalisation parfaite, style adéquat,
timbre ensoleillé, il est le seul à sa place dans cet enregistrement
(live, dit-on sur le livret anglais/allemand ?). Chacune de ses
interventions est remarquable, force est de le reconnaître !
Si le reste de la distribution s'avère correct, on ne saura pas
gré à Marcello Panni d'avoir tiré la partition vers
un esprit enjoué, un ton minaudant. L'on en vient même à
préférer Richard Bonynge qui parvient tout de même
à conserver une allure tragique à l'opéra. La faute
n'en revient ni à l'orchestre, ni au choeur, tous deux de bonne
facture, qui suivent sans broncher un Panni sans doute peu inspiré
alors.
Jean VERNE
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