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Giovanni PAISIELLO (1740-1816)
LA SERVA PADRONNA
Intermezzo en deux actes
sur un livret de Gennaro Antonio Federico
Première représentation, Tsarkoe Selo, 1781
Serpina, Cinzia Forte
Uberto, Antonio Abete
La Cetra
Attilio Cremonesi
1 CD Zig-Zag Territoires, ZZT070102
Il paraît que Catherine II a adoré
Une jeunette fine-mouche ; un vieux barbon. Rien de bien nouveau sous le soleil. Une Serva padronna
de plus. De Paisiello ? Pas de Pergolèse ? C’est
le drame de Paisiello, sans doute, d’être dans les
mémoires le compositeur de
« l’autre » version de… Du premier Barbier de Séville ; et ici de la seconde Serva.
Nous sommes en 1781 ; Paisiello doit suppléer au
décès du poète de la cour de Catherine II pour
mettre en place un petit opéra buffo
à présenter lors des fêtes du Grand-Duc Alexandre.
C’est assez d’être compositeur ; n’est pas
librettiste qui veut ! Paisiello recycle donc le livret qui a
déjà servi à Pergolèse. On ne lui en veut
pas, puisqu’il y a fort à parier que le public russe ne
connaît pas l’œuvre, alors ! Bref, Paisiello
recycle, rajuste, rhabille, rénove au prix de quelques
arrangements avec l’original.
Sur ce canevas, il tisse une jolie musique ; bien mignonnette. Une
musique assez fine. Mais une musique qui laisse perplexe ; une
musique que l’on peine à noter (parce qu’elle
constitue, aussi, un bout de la note à donner). Une musique qui
assume sa dette envers le grand napolitain ; une musique qui
chante comme du Cimarosa (l’air plage 6 ou, mieux, le duo plage
10) ; une musique qui flirte avec celle du Mozart de jeunesse
(l’air de Serpina, plage 11)… Un peu de tout cela sans la
petite étincelle qui fait que l’on retient un air ou que
l’on se repasse une section en boucle. C’est un peu le
drame de Paisiello d’être le second, je le disais…
Du coup, tous les efforts des protagonistes (et ils sont nombreux et
convaincants) restent un peu cantonnés sur les marges de la
discographie. Ils en font pourtant, des efforts. Cremonesi le premier
qui enflamme sa Cetra. Le
garçon n’a pas été assistant de Jacobs pour
rien. Comme lui, avec l’apparence d’une
légère brusquerie, il sculpte ses contrastes. Comme lui,
il sait bousculer, donner l’impression d’une mise en danger
de ses forces par un rythme haletant, une scansion virtuose de la basse
de l’orchestre (air plage 6 et, surtout, plage 18). Comme lui,
enfin, il sait lâcher la lisière à ses
instrumentistes, jouant sur le contre-chant pudique des bois (plage 8)
ou le balancement naturel de la phrase (plage 11).
Antonio Abete a, sans doute, la partie la plus inventive à
défendre, avec, surtout, l’air plage 18 qu’il
emporte avec une rugosité diabolique et une diction très
habilement percussive. C’est tout le prix de son incarnation. On
comprend d’ailleurs mal que la Serpina de Cinzia Forte puisse
ainsi abuser ce gros bonhomme bouillonnant. Sincèrement,
malgré un phrasé très juste, on n’accroche
guère. Peut-être parce que l’on ne sent pas la
« bête de scène » qui ferait croire
aux manigances de la jeune femme (air plage 15). Peut-être,
aussi, parce que le timbre légèrement induré dans
l’aigu (plage 11), à la fois comme métallique et
engorgé (je vous jure que les yeux fermés, certains aigus
piqués, comme dans le duo plage 10, ont l’air de sortir de
l’album Farinelli de Nella Anfuso) est sans miracle ; juste
commun.
Juste commun ; c’est tout le drame de ce Paisiello-ci. Ni
franchement inventif ; ni franchement transcendé, parce que
toute l’intelligence musicale du monde ne fera jamais
s’allumer un pétard mouillé. Cremonesi et Abete
jettent tout leur talent, toutes leurs forces ici ; Forte donne
tout ce qu’elle a à donner. Vite, un Mozart de jeunesse
avec ce monde-là !
Benoît BERGER
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