Beverly
Sills
Collection The Singers
détails
1 CD Decca 467 906-2
En ces mois d'hiver moroses, coincés
entre les parutions de Noël et celles du printemps, et pendant lesquels
le mélomane désespère de trouver la moindre nouveauté
dans les bacs des disquaires, Decca a eu l'idée de sortir vingt
compilations dédiées à des chanteurs fameux, début
d'une collection intitulée "The Singers".
Les vingt premiers CD sont donc consacrés pêle-mêle
à : Georges London, Nicolai Ghiaurov, Erna Berger, Renata Tebaldi,
Frida Leider, Maggie Teyte, Teresa Berganza, Berverly Sills, Birgit Nilsson,
Joan Sutherland, Leontine Price, Giuseppe di Stefano, Marti Talvela, Jennie
Tourel, Luciano Pavarotti, Franco Corelli, Hermann Prey, Mario del Monaco,
Gundula Janowitz, Suzanne Danco.
Tout a été fait pour attirer le mélomane : présentation
luxueuse, disques remasterisés à partir des bandes originales.
Il s'agit en outre de CD multimédia compatibles PC et Mac, incluant
texte de présentation, livret, photos et discographie, le tout en
plusieurs langues. S'agissant de compilations, le mélomane n'y trouvera
bien sûr rien de nouveau, mais beaucoup de ces extraits ne sont plus
disponibles sur le marché, et chacun devrait pouvoir y trouver son
bonheur : du néophyte qui souhaite approfondir sa connaissance d'un
chanteur au véritable aficionado qui trouvera un nouveau confort
d'écoute en comparaison avec le bricolage crachouillant qu'il a
tiré du transfert de ses vieux vinyles sur CD !
Une petite remarque concernant le multimédia : conçu pour
attirer le chaland, il s'agit d'un gadget assez inutile. Car qu'y trouvons-nous
? une dizaine de photos avec sous-titres (dans le cas du disque de Beverly
Sills, plusieurs d'entre eux sont indiqués " in un unknown roleÖnous
voilà bien avancés !), une discographieÖmais seulement des
titres enregistrés par Universal ! c'est ainsi que la discographie
de Berverly Sills comprend uniquement la trilogie des reines donizetiennesÖc'est
un peu court ! le texte repris de la plaquette imprimée, les paroles
des úuvres interprétées, avec un ascenseur d'une lenteur
exaspéranteÖc'est vraiment peu, et on n'ira pas souvent consulter
la partie multimédia de ce CD ...
On aurait souhaité en revanche plus de précisions concernant
les dates et conditions d'enregistrements, les chefs, les chúurs et les
orchestre. Telles quelles, ces compilations sont mi-chair, mi-poisson :
pas assez documentées pour l'auditeur averti, trop luxueuses, et
donc intimidantes, pour l'achat coup-de-cúur.
En ce qui concerne le choix des extraits présents dans les compilations,
je ne peux me prononcer que sur le disque pour lequel j'ai craqué,
celui de Beverly Sills. Et là, le programme est somptueux !
Intelligemment choisi parmi ce qui convient le mieux à la voix
de la cantatrice, la rétrospective commence par un Matern aller
Arten de toute beauté. Passé l'émotion d'entendre
de nouveau cette voix au timbre si particulier, on est saisi par la facilité
déconcertante de l'exécution : Berverly Sills se rit de tous
les pièges, exécute les longues vocalises d'un seul souffle,
la voix parfaitement homogène sur toute la tessiture. C'est à
tomber à genoux.
Suit un deuxième air de Mozart, extrait du même récital
d'origine, Vorrei spiegarvi, oh Dio ! K418, tout aussi enthousiasmant,
si ce n'est plus.
Et voici qu'arrive le véritable trésor de cette compilation
: six extraits d'opéra français, et pas n'importe lesquels,
des titres suffisamment connus pour les aimer, suffisamment rares pour
ressentir un petit frisson d'excitation : Robert, toi que j'aime de Robert
le diable (avec, dans le rôle de Robert - celui qui répond
"non, non, non, non" à "grâce pour moi" - le ténor
dénommé Robert ! encore une fois, les détails ne sont
pas très au point !), ô beau pays de la Touraine des
Huguenots, malheureusement sans la deuxième partie,
A
vos jeux, mes amis d'Hamlet, Je suis Titania la blonde
de Mignon,
Depuis le jour de Louise,
et enfin, les ébouriffantes variations sur Ah ! vous dirai-je
maman du Toréador.
On croirait que Beverly Sills est née pour chanter ce répertoire,
car tout y est : l'agilité des vocalises, la facilité des
aigus, le timbre, suffisamment corsé pour éviter l'effet
cocotte, et puis la science du trille, des sons filés, et surtout
la suprême élégance de l'interprète. La soprano
évite, et on lui en sait gré, toute mièvrerie, dans
ce répertoire qui peut facilement le devenir. Ainsi son Ophélie
est-elle inhabituellement combative, elle que June Anderson et Nathalie
Dessay nous ont habitué à considérer comme une héroïne
plaintive. Le choix est séduisant, et les la-la-la orientalisants
de son grand air prennent un tout autre relief. Et on se prend à
rêver à d'impossibles intégrales ...
L'hommage se termine par deux morceaux de bravoure de Strauss, airs
pyrotechniques comme on les aime, de ceux qui mettent de bonne humeur le
matin, la meilleure des façons de commencer la journée !
Catherine Scholler
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