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Benjamin BRITTEN (1913-1976)
A Midsummer’s night dream
Le Songe d’une nuit d’été
Opéra en trois actes
Livret de Benjamin Britten & Peter Pears
d’après William Shakespeare
Mise en scène : Robert Carsen
Décors et costumes : Michael Levine
Lumières : Robert Carsen & Peter van Praet
Assistant à la direction musicale : Daniel Montané
Chorégraphie : Matthew Bourne
Concertino : Kai Gleusteen
Oberon : David Daniels
Tytania : Ofelia Sala
Lysander : Gordon Gietz
Hermia : Deanne Meek
Demetrius : William Dazeley
Helena : Brigitte Hahn
Bottom : Peter Rose
Puck : Emile Wolk
Flute : Christopher Gillett
Quince : Henry Waddington
Snug : Harols Wilson
Snout : Francisco Vas
Starveling : Andrew Foster-Williams
Theseus : Ned Barth
Hippolyta : Jean Rigby
Orchestre Symphonique du Grand Théâtre du Liceu
Escolania de Montserrat
Chef de chœur : Joacquim Piqué
Direction musicale : Harry Bicket
Enregistrement Opéra de Lausanne, 14 mars 2005
VIRGIN CLASSICS 339202 9 3. 2 DVD 157 minutes.
Réalisation François Roussillon
Enregistré au Grand Théâtre du Liceu
de Barcelone en avril 2005.
Un rêve en vert et bleu
Créé en 1960, A midsummer’s night dream
de Britten ne recèle pas qu’une seule magie, qui serait
celle du texte de Shakespeare. C’est en réalité une
accumulation d’intuitions musicales fulgurantes qui se superpose
au cocktail déjà merveilleux d’amour, de magie,
d’humour, de la féerie initiale, réussissant le
miracle de ne pas la détruire, mais de la transfigurer.
Comment s’en étonner dès lors que la musique est
déjà intrinsèquement liée au travail de
Shakespeare (fanfares, chansons, masques), et que la longue tradition
anglaise ne s’est jamais interrompue jusqu’à
Britten ?
La volonté du librettiste Britten de ne pas
réécrire les vers de Shakespeare, mais de simplement
démarrer dans la forêt au second acte de la pièce
modèle est la première intuition féconde qui lui
permet d’exposer en tableaux successifs les couples de la fable,
Oberon-Tytania, Lysander-Hermia, Demetrius-Helena, puis la troupe de
comédiens. Et du même coup d’étager le subtil
plan sonore qu’il construit selon la typologie des personnages.
Voix élevées pour le monde des elfes : Obéron
contreténor, Tytania soprano colorature, Elfes enfants,
accompagnés d’instruments célestes, harpe,
célesta, cymbalum. Voix conventionnelles d’opéra
pour les couples d’amoureux, soprano-ténor et
mezzo-baryton, accompagnés d’instruments charnels, bois et
cordes. Sonorités graves (à deux ténors
près) pour la troupe d’artisans-comédiens, Bottom
baryton-basse, accompagnés de cuivres et de bassons.
S’ajoutent à cette forte caractérisation
l’utilisation de séries dodécaphoniques pour les
thèmes (donc aux frontières tonales du réel et de
l’irréel), les multiples citations des
références baroques, le théâtre musical dans
le théâtre musical avec l’intermède comique
des comédiens à la cour, l’illusion de
réalité avec la scène finale de la cour contredite
par l’irruption des elfes. Et s’il ne fallait qu’un
exemple d’une partition précieuse, nous ne citerons que
ces quatre accords extatiques du thème du sommeil, jamais
présentés de la même façon, mais toujours
présents, obsédants, hypnotiques…
Depuis le rêve éveillé d’Aix en 1992, on se
demandait pourquoi ce Songe inspiré de Robert Carsen
n’avait pas connu les honneurs du DVD. Tout en craignant que ce
report ne trahisse la magie du souvenir, surtout pour ceux qui
n’en virent pas les différentes reprises scéniques,
de Lyon à la plus récente, Barcelone.
La réponse vient : il fallait à la fois une
distribution, dont nous parlerons plus loin, et un regard, celui de
François Roussillon, qui tente subtilement de prolonger
l’équilibre miraculeux de réel et de poésie
nimbant chaque intention scénique. Dans ce jeu, on perd ce
qu’on gagne : les gros plans de visages deviennent le
contrepoint narratif éloquent des situations (David Daniels est
littéralement habité par son rôle), mais les
précisent justement parfois trop, leur faisant perdre
l’aura poétique du mystère, rendant alors
désirable une vue scénique d’ensemble qui
respecterait la distanciation du spectateur avec le rêve.
François Roussillon semble conscient du hiatus, qui ajoute
parfois à la narration (début de l’acte 3) une part
personnelle de songe supplémentaire. Du grand art.
Le lit comme réceptacle du monde de l’illusion (alors
immense comme la scène) et de celui de la passion (redevenu
conforme aux proportions humaines) : la sobriété de
Carsen et de Levine laisse toute la poésie et toute la musique
s’installer dans un monde en bleu et vert, suspendu dans un
quelque part indistinct, évanescent et pourtant terriblement
sensuel. Un univers dans lequel théâtre et musique
respirent, s’épanouissent.
Nul besoin dès lors de costumes
« féeriques », d’ailleurs seuls les
humains régnants du dernier acte en auront besoin, eux, pour se
donner l’illusion si terrestre du pouvoir. L’humour
distancie les rapports des personnages (irrésistibles Elfes
enfants aux allures de Nestor à moustaches), les gestes disent
l’indicible (le bras qui vient cueillir le nectar magique en
offrande), et l’irrésistible Puck (formidable Emile Wolk),
rôle parlé et mimé, devient le lien symbolique et
omniprésent entre réel et irréel.
La distribution vocale de Barcelone est d’une
homogénéité et d’une
complémentarité idéales, qui plus est efficace sur
le plan théâtral. Elle est dominée par
l’Obéron magistral de David Daniels, irradié par le
rôle, bouleversant de poésie et de tenue vocale dès
le « I know a bank » initial. Ses comparses sont
également tous excellents, de la Titania radieuse et charnelle
de Ofelia Sala, aux deux couples d’amoureux, homériques
dans leur fabuleuse querelle de l’acte II, et offrant un quatuor
de l’acte III d’une linéarité exemplaire.
Quant à la troupe de comédiens, qui permet
d’entendre ces fameux ensembles masculins indissociables des
opéras de Britten, elle est irréprochable, notamment avec
un Bottom (Peter Rose) aussi bon acteur que basse. Prestation
excellente des enfants de l’Escolania de Montserrat, et direction
précise et subtile de Harry Bicket, à la tête
d’un orchestre fruité.
Manquer tout cela serait une offense à vos rêves…
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