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Vincenzo BELLINI (1801-1835)
LA SONNUMBULA
Opéra en deux actes
Livret de Felice Romani
Edition critique établie par Alessandro Roccatagliati et Luca Zoppelli
Amina Natalie Dessay
Il conte Rodolfo Carlo Colombara
Elvino Francesco Meli
Teresa Sara Mingardo
Lisa Jaël Azzaretti
Alessio Paul Gay
Un notaro Gordon Gietz
Orchestre & Chœurs de l’Opéra de Lyon
Direction Evelino Pidò
2CD Virgin Classics 0946 395 138 2 6
En attendant mieux ?
De La Sonnambula présentée l’année dernière à Lyon puis à Paris au Théâtre des Champs-Elysées, on garde le souvenir d’une Natalie Dessay
renfermée, voire boudeuse, attendant son dernier air pour se
départir enfin de sa réserve. En fait, on se souvient
surtout de Francesco Meli qui,
de sa voix ample et timbrée, capable tout à la fois
d’éclat et de caresse, dessinait un Elvino idéal,
à rebours des ténors pâlichons auxquels on est trop
souvent confronté.
On le retrouve tel quel dans la présente intégrale,
enregistrée en partie lors des concerts à
l’Opéra de Lyon. Grâce à lui, Elvino se
débarrasse de ses sons blanchis et de ses mièvreries pour
mieux renouer avec ses origines, celles du livret de Felice Romani qui
le dépeint comme un riche propriétaire et non comme un
modeste paysan, et celles du créateur du rôle, Giovanni
Battista Rubini, réputé entre autres pour la
manière unique dont il mélangeait à des fins
expressives la voix de tête et de poitrine.
Toutes proportions gardées, Francesco Meli fait usage de la
même technique pour délivrer un chant stylé, riche
en demi-teintes qui traduit avec le même bonheur la tendresse de
« Prendi l’anel ti dono », le
frémissement de « Son geloso del zefiro
errante », la vaillance de « Ah perche non
posso odiarti »... Virilité et délicatesse,
vigueur et douceur, couleurs, nuances et largeur, difficile de trouver
mieux au disque aujourd’hui, comme hier d’ailleurs.
Natalie Dessay ne
relève pas de la même tradition. Giuditta Pasta, la
créatrice d’Amina – et de Norma, soit dit en en
passant – pouvait d’après Stendhal chanter aussi
bien la musique de contralto que celle de soprano et possédait
un timbre disparate dont elle usait comme moyen
d’expression ; l’opposé en quelque sorte de la
cantatrice française dont la nature vocale, d’essence
légère, se caractérise par l’unité
des registres. Quels que soient alors les efforts
déployés pour densifier la voix, l’attention
portée à la note et l’art du legato
- poussé jusqu’à l’extrême – le
personnage appartient à une autre esthétique,
résolument lunaire mais plus limitée. Le camaïeu de
ton et l’émission diaphane participent à cette
interprétation, sur le fil – somnambule oblige –
rêvée, idéalisée presque mais trop uniforme
pour vraiment captiver. Si on ajoute à cela une certaine
retenue, un excès de prudence qui semble brider la
virtuosité, on comprend finalement pourquoi cette Amina
n’émeut pas.
Et pourtant, malgré tout, on tient là une
référence actuelle de l’opéra de Bellini,
par la perfection de son Elvino, on l’a déjà dit,
mais aussi par l’équilibre de sa direction
d’orchestre – Evelino Pido très (trop ?) attentif – et par la qualité de ses comprimarii : le Rodolfo de Carlo Colombara, élégant et racé, la Teresa de Sara Mingardo, toujours aussi phonogénique et la Lisa piquante de Jaël Azzaretti dont l’air « De lieti auguri » est enfin rétabli.
C’est aussi l’une des raisons pour laquelle
l’enregistrement fait date : l’usage de
l’édition complète et critique établie par
Alessandro Roccatagliati et Luca Zoppelli. A l’air de Lisa
déjà mentionné, s’ajoutent le
rétablissement de la tonalité d’origine pour
« Prendi l’anel ti dono » et
« Vedi o Madre » ainsi qu’une relecture
approfondie de l’orchestration et des nuances de la partition.
Interprétation moderne de référence donc. Oui, du
moins pour le moment car déjà Decca annonce une nouvelle
intégrale de l’œuvre avec en couple vedette Cecila
Bartoli et Juan Diego Florez. Deux Sonnambula en quelques mois, n’en déplaise aux grincheux et aux passéistes, on vit une époque formidable !
Christophe RIZOUD
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