L'art
de Teresa Stich-Randall
CD 1
Georg Friedrich
HAENDEL : Ode pour la fête de Sainte-Cécile
Johann Sebastian
BACH : Cantate sacrée "Jauchzet Gott in allen landen"
Johann Sebastian
BACH : Messe en si mineur BWV 232 (extraits)
CD 2
Wolfgang Amadeus
MOZART : Motet "Exsultate Jubilate" KV 165
Wolfgang Amadeus
MOZART : Messe en ut mineur KV 427 (extrait)
Wolfgang Amadeus
MOZART : Messe solennelle du couronnement en ut majeur KV 317
Wolfgang Amadeus
MOZART : Vêpres solennelles d'un Confesseur en ut majeur KV 339
CD 3
Georg Friedrich
HAENDEL : Cantate "Praise of harmony"
Franz SCHUBERT
: Salve Regina D676
Wolfgang Amadeus
MOZART : 7 lieder
Franz SCHUBERT
: 9 lieder
CD 4
Johann Sebastian
BACH : Cantate "Ich hatte viel Bekümmernis" BWV 21
Ludwig VAN BEETHOVEN
: Fantaisie en ut mineur op.80
Wolfgang Amadeus
MOZART : Così fan tutte KV 588, "Per pietà"
Giuseppe VERDI
: La Traviata, "Ah fors'e lui, sempre libera"
Gustave CHARPENTIER
: Louise, "Depuis le jour où je me suis donnée"
Giaccomo PUCCINI
: Tosca, "Vissi d'arte"
Richard STRAUSS
: Ariane à Naxos, "Es gibt ein Reich"
Richard STRAUSS
: Vier Letzte Lieder
Teresa Stich-Randall,
soprano
Accord 476 8633
De l'art et du cochon
L'art se passe de commentaires mais tout de même, ce coffret en
forme d'hommage à Teresa Stich-Randall supporterait une documentation
autrement étoffée. Un simple texte de trois pages signé
Jean-Marie Gallais, en français et en anglais, quatre photos et
l'affaire est pliée. La dame aurait mérité plus de
considération.
D'autant plus que le programme reflète de manière bien
imparfaite l'étendue de ses talents. Cinq airs d'opéra, soit
une petite demi-heure sur plus de cinq heures de musique, c'est un peu
court pour celle qui, de Vienne à Salzbourg, porta haut les couleurs
de Donna Anna, Pamina, la Comtesse ou Sophie, portraits magnifiques qui
font ici cruellement défaut.
Le projecteur se braque alors sur le répertoire sacré
et le domaine de la mélodie avec en fil rouge, d'un côté
comme de l'autre, Mozart. Evidemment. Le compositeur reste indissociable
de la cantatrice ; leurs noces lyriques furent célébrées
par Gabriel Dussurget durant une vingtaine d'années au festival
d'Aix. Mais pourquoi se montrer aussi exhaustif ? La Messe du couronnement
(KV 317) est reproduite dans son intégralité, alors que
mis à part l'Agnus Dei, la soprano a peu l'occasion d'intervenir
seule. Idem pour Les Vêpres solennels d'un confesseur (KV
339) ou, dans une moindre mesure, l'Ode pour la fête de Sainte Cécile
de Georg Friedrich Haendel. Et que dire de la Fantaise en ut mineur
de Ludwig van Beethoven qui fait la part belle au piano et à l'orchestre
pour ne concéder à la fin que cinq minutes au choeur ? L'oeuvre
en dure dix-huit au total. On suppose que ceux qui achètent ce genre
de recueil demandent à entendre l'interprète avant toute
autre chose. Dans ces conditions, l'intituler "L'art de Teresa Stich-Randall"
parait pour le moins mensonger et relève d'un certain mercantilisme.
Mais une fois passé le mouvement d'humeur, restent l'artiste
et le rayonnement inoubliable de sa voix. Il faut, pour en saisir l'éclat,
aborder par exemple la cantate "Praise of Harmony" en ouverture du troisième
volume. Peu importe l'accompagnement orchestral qui accuse l'âge
de l'enregistrement (1963), seules comptent la lumière aveuglante
du timbre, la pureté de l'aigu, les vocalises flûtées
qui font que le chant devient ramage. Les oeuvres religieuses sont toutes
ainsi marquées de cette alliance improbable de chair et d'esprit.
Les plus austères aussi - Bach bien sûr - s'illuminent, se
nimbent de grâce sans renoncer à leur intense recueillement.
La ligne, droite, tendue, arc-boute jusqu'aux récitatifs. Le son,
unique, irradie, qu'il s'élève seul ou qu'il se fonde dans
la masse chorale.
Une même intensité anime le répertoire mélodique.
L'interprétation s'épanouit dans un fervent Du Bist die
Ruhe de Franz Schubert, culmine, en fin de course, avec les Vier
Letzte Lieder de Richard Strauss où, porté par la direction
attentive de Laszlo Somogyi, l'instrument déploie sa radieuse beauté
et, frissonnant d'émotion contenue, pare avec délicatesse
le ciel straussien des couleurs du soleil couchant.
Finalement, ce sont les airs d'opéra qui déçoivent.
L'air de Violetta, en premier, révèle les limites de la musicienne
et de la comédienne. La courtisane se désincarne dans Ah
fors'è lui - la cavatine s'accommode mal d'un tel vibrato
- retrouve un semblant de crédibilité lors du tempo di
mezzo avant d'emmêler les vocalises du Sempre Libera,
d'oser des effets de poitrine dont la vulgarité surprend, et d'escamoter
la contre note finale. "Depuis le jour" manque d'exaltation ; "Vissi d'arte"
débarrassé de son pathos, dilué dans des arpèges
de harpe, prend des allures de romance à l'étoile. Plus étonnant,
le "Per pietà" de Fiordiligi souffre aussi d'un défaut de
dynamique. Mozart pourtant, le terrain est d'élection. Mais l'héroïne
de Così Fan Tutte affiche une placidité déconcertante,
s'affranchit à tort de la tension qui devrait marquer son combat
entre constance et infidélité. Seule Ariane, abandonnée
sur son rocher à Naxos, touche à l'extase.
"Teresa, chère Teresa, vous êtes la fille d'une fée
qui aurait eu pour amant Orphée" écrivait, transporté,
Gabriel Dussurget. Comment, au terme de ce parcours, malgré les
réserves émises çà et là, ne pas reprendre
ces mots ? Oui, l'art de Teresa Stich-Randall mérite d'occuper une
place de choix dans toute discothèque lyrique, quelle que soit la
façon dont il est présenté. Le mélomane, sans
se soucier de marketing, fera la part des choses. Car il sait qu'il y a
l'art... Et la manière.
Christophe RIZOUD
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