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Richard WAGNER (1813-1883)
TANNHAUSER
Landgraf, John Macurdy
Tannhäuser, Richard Cassilly
Wolfram, Bernd Weikl
Walther, Robert Nagy
Biterolf, Richard J. Clark
Heinrich, Charles Anthony
Reinmar, Richar Vernon
Elisabeth, Eva Marton
Venus, Tatiana Troyanos
Ein junger Hirt, Bill Blaber
Metropolitan Opera Orchestra, Chorus & Ballet
James Levine
Mise en scène, Otto Schenk
Décors, Günther Schneider-Siemssen
Costumes, Patricia Zipprodt
Lumières, Gil Wechsler
2 DVD Deutsche Grammophon, 00440 073 4171
On déchante à la Wartburg
Ah ! Les vieux rêves ! Les songes hantant des noms passés,
des productions envolées ! Ah ! Le mythe du MET dans ses
années glorieuses ! Ah ! Wagner ! Tannhäuser
! Songes épiques d'une adolescence freudienne, moite,
traversée d'éclairs bruissants de Louis II dans sa barque
au Venusberg ! Pages patiemment égrenées de l'Avant
Scène Opéra ! Distributions fantasmées…
Et le dvd tombe ! Et je frémis d'aise ; je m'assieds ; je
regarde ; j'écoute ; je râle ; je pleure. Je pleure de
rage ; je suis déçu. Les demi-dieux de notre jeunesse ne
devraient pas avoir le droit de nous décevoir.
"La première tentative […] depuis plus d'un quart de
siècle de monter un opéra de Wagner de la façon
dont Wagner demandait qu'il soit fait" nous dit la plaquette
hagiographique du coffret. Les génies visionnaires sont parfois
tristement affublés d'une vue bien courte. Je suis bien heureux
d'être né au XXème siècle. Il faut dire que
la plaquette susnommée parle aussi d'un "monument de
conservatisme éclairé". Et là, tout est dit !
"Conservatisme éclairé" ! Terriblement mal
éclairé d'ailleurs. Avec une image un peu tristounette,
automnale. Pas opulent pour deux sous ! Pas même décoratif
! Sans le byzantisme bigarré, la sauce indigestement grandiose
habillant les toiles des aspirants réformateurs (par le recours
à un âge d'or anachronique et ripoliné)
contemporains de Wagner comme Schnorr von Carosfeld (mais si ! Le
chéri de Louis II, justement… et des agences de voyages
organisés en direction de la Bavière). Même pas de
mauvais goût ; pas d'enflure ; rien ! Une direction d'acteurs
inexistante. Rien, je vous dis !
Levine fait, du coup, ce qu'il peut pour animer le tout. Il enlumine
même fort bien l'ensemble, avec tout ce qui manque en couleurs
sur le plateau. Il joue, lui, de l'emphase du propos, le structure,
l'architecture avec une main sûre, légère,
impressionniste presque mais aussi apte à tous les coups de
projecteurs, à tous les emportements. Grand, très grand
wagnérien, James Levine. Vraiment.
Drôle d'assemblage, en revanche, sur le plateau ; couple(s)
étrangement apparié(s). Lui, Richard Cassilly, n'en peut
plus. D'abord la voix est laide. Mais comme il est né avec, on
ne peut pas décemment le lui reprocher. Ce qu'il en fait par
contre… Disons qu'il est usé aux deux bouts de l'ambitus
; qu'il pousse comme il peut des sons vaillamment écornés
; qu'il met du sentiment où il en faut ; qu'il est démuni
au I et laminé au III ; que l'esprit est court et que c'est,
hélas, tout ce qui lui reste. Elle(s) s'en sortent (par un effet
de symétrie qui est un outrage pour le héros) franchement
mieux. Troyanos est une Venus sublime, violemment incarnée, qui
sue l'érotisme ; voix splendide et plus encore ; bonne pour
l'île déserte. Marton joue comme un fer à repasser,
c'est entendu… Je vous passerai les œillades de fille de
joie de série Z (mais enfin, bon ! Il faut voir de quoi on l'a
affublée ! Fille de joie mais pauvre fille !). L’essentiel
est ailleurs. La tenue est d'une grande dame ; la projection (avec
elle, on devrait parler de propulsion) tétanise ; les nuances
sont là (la Prière du III) et même bien là ;
quand je parle de nuances je parle aussi de ces envolées de
bulldozer où l'organe, tendu comme une voile, darde, vous
suffoque, plie mais ne se rompt pas. Danger à chaque barre de
mesure ; adrénaline en continu ; mention Bien pour Elisabeth.
Autour c'est soit franchement mauvais (Macurdy en Landgraf
délavé, cireux, expressif comme une porte de prison) soit
juste honnête. Bernd Weikl en Wolfram fera figure, dans ce
voisinage, de beau parleur et de diseur de première classe.
Evitez juste de l'écouter dans la foulée de
Fischer-Dieskau ou Prey pour ne pas vous exposer à de graves
désillusions. Car il reste un peu brut de décoffrage
même si le ton, l'ampleur et la couleur très riche en font
un élément recommandable de la discographie.
Bref, je viens de me relire. Ce coffret est un beau gâchis. De
quoi vous dégoûter de vos jolis rêves d'antan ! Je
garde Levine, Troyanos et Marton ; de quoi se consoler quand même
!
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