G.-F.Haendel
Theodora
Theodora : Sophie
Daneman
Irene : Juliette Galstian
Septimus : Richard Croft
Dydimus : Daniel Taylor
Valens : Nathan Berg
Messenger : Laurent Slaars
Choeur et Orchestre des Arts
Florissants
direction William Christie.
ERATO 2003 3 CD (0927431812).
Theodora est l'un des derniers oratorios anglais du "caro Sassone".
Composée en 1750, l'oeuvre illustre le martyr de Theodora. Le livret
de Thomas Morell est assez simple : la chaste chrétienne Theodora
refusant de célébrer Jupiter et Dioclétien se voit
jetée en pâture à la luxure des soldats romains. Dydimus,
centurion converti épris de la belle, tente de plaider la clémence
auprès de l'inflexible gouverneur Valens mais en vain. Il fait alors
évader la jeune fille des geôles de César en échangeant
ses habits avec elle. L'officier est pris et jugé pour trahison,
Theodora rejoint son sauveur afin de partager son triste sort et le couple
est condamné à mort. C'est à partir de cette histoire
hautement dramatique, à la trame serrée et aux protagonistes
restreints, que Haendel écrivit une musique moins chatoyante que
d'habitude, laissant la place à plus d'intimité et à
la caractérisation psychologique des personnages. L'innocente crucifiée
connut peu de succès auprès du public londonien, sans doute
rebuté par une fin aussi sordide.
Loin de la fougue d'Harnoncourt (Teldec) qui avait malheureusement pratiqué
de nombreuses coupes, William Christie nous en livre ici une version subtile
et équilibrée. Sophie Daneman campe une Theodora à
la fois altière et fragile. Sa voix souple au timbre plein touche
au sublime, notamment dans les airs lents tels "When sunk in anguish and
despair". Quant à Daniel Taylor, il incarne le galant gentilhomme
à la perfection. Son "Streams of pleasure ever flowing" suivi d'un
duo amoureux est chanté avec noblesse et élégance.
En revanche, on aurait espéré de Nathan Berg plus de profondeur
et de conviction : si les graves sont un peu faibles, l'ennui vient principalement
de son manque d'implication et de présence dans le rôle clef
de l'inique romain. Son air "Racks, gibbets, sword and fire" où
il menace les chrétiens des pires supplices paraît bien peu
effrayant. Le reste du plateau est tout à fait honorable, sans plus.
Les reprises des da capo sont ornementées avec mesure, bien loin
des prouesses d'un Minkowski. De plus, le choeur des Arts Flo accuse quelques
manques de cohésion, surtout lorsqu'on le compare à celui
de Paul Mc Creesh (Archiv); l'orchestre reste néanmoins d'un excellent
niveau. Les timbres sont bien différenciés et l'ensemble
est remarquable par sa couleur et sa justesse, tout spécialement
les hautbois. Le tissu sonore se révèle riche et dense, les
attaques précises. Cependant, Christie étant Christie, on
regrettera des tempi parfois trop uniformes et une certaine stagnation
de l'action. C'est là, en effet, que réside la faiblesse
de cet enregistrement : l'ensemble est bien - voire magnifiquement - interprété
mais il y manque une force directrice, de la vie, du contraste et du mouvement.
Le chef a privilégié une approche par tableaux au détriment
de la continuité du récit. Le drame s'en trouve bridé,
comprimé, retenu dans un carcan de jolis airs et de récitatifs.
Que diable, Theodora et Dydimus ne périssent qu'à la fin
de l'oratorio !
Viêt-Linh NGUYEN
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