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Giuseppe VERDI (1813-1901)
LA TRAVIATA
Violetta, Eva Mei
Alfredo, Piotr Beczala
Germont, Thomas Hampson
Flora, Katharina Peetz
Annina, Irène Friedli
Gastone, Miroslav Christoff
Baron Douphol, Valeriy Murga
Marchese d’Obigny, Reinhart Mayr
Dottore Grenvil, Giuseppe Scorsin
Giuseppe, Noel Vazquez
Domestico di Flora, Heikki Yrttiaho
Commissionario, Uwe Kosser
Choeur et Orchestre de l’Opéra de Zurich
Franz Welser-Möst
Mise-en-scène, Jürgen Flimm
Décors, Erich Wonder
Costumes, Florence von Gerkan
1 DVD Arthaus, 101 247
Traviata sotto voce
A Zurich on enregistre beaucoup ; on enregistre même à peu
près tout. Cela donne aux labels partenaires de
l’opéra matière à enrichir leurs catalogues
et à se constituer un fonds de répertoire, en DVD, de
solide qualité. EMI a même tiré le gros lot avec un
très bon Tannhäuser ou un Rosenkavalier qui a déjà un pied dans le mythe. TDK, de la même manière, s’est pourvu d’un Fidelio de la meilleure eau, mené aux sommets par un Harnoncourt chauffé à blanc. Alors cette Traviata ?
Rien de foncièrement déshonorant ici. La mise en
scène de Flimm est suffisamment insipide pour passer sans
soulever de remarque particulière. Quelques belles images, comme
le jardin au II… Sa direction d’acteurs est un peu
meilleure, surtout pour l’affrontement Violetta/Germont et le III
qui émergent de la torpeur du propos… Chacun ici fait
confiance à son métier, plus ou moins sûr, plus ou
moins intuitif… Le I et la fête chez Flora
paraîtront désespérément encombrés
par un chœur impavide… Mais enfin, on peut toujours se
passer de l’image et, à ce prix, s’offrir une Traviata seulement sonore. Oui mais justement…
Sans jouer au jeu cruel de la comparaison, sans vouloir aligner les
références anciennes et modernes qui émaillent
l’imaginaire de chacun dans l’œuvre, il faudra bien
reconnaître que rien dans ce DVD ne soulève
spontanément l’adhésion. Non pas que cela soit mal
fait. Non ! Loin s’en faut. La direction de Welser-Möst
est même parmi les meilleures que l’on ait récemment
entendues dans ces pages. Voyez la douceur qu’il met au
prélude, la délicatesse de sa valse nostalgique,
l’automne qu’il jette sur cette musique, le
délié qu’il lui insuffle. Voyez comme il emporte la
fête du I, comme il entame le Brindisi,
sans lourdeur ni trivialité. Un vrai modèle
d’équilibre. Voyez aussi comme il dénude les
cœurs au II ; comme il évite la cyclothymie du
récent Rizzi chez Flora. Son III, après cela,
paraîtra une longue plainte, un chant fouillant au plus profond
de la portée, scrutant le drame entre chaque note. Vraiment
très très bon…
L’acoustique du théâtre de Zurich, la
proximité du public dans cette petite salle explique, sans
doute, la relative déception du chant qui est le miroir
inversé de l’exceptionnelle finesse de la direction. En
effet, là où le chef sculpte, cisèle,
détoure, les chanteurs, eux, minaudent plus qu’ils
n’incarnent.
C’est que Eva Mei, soprano très
« sopranisante » n’a, de toute
façon, pas toutes les notes du rôle. Le I la voit assez
démunie de tout, de grave, d’ampleur, de charisme. Elle
compte patiemment ses vocalises du Brindisi,
joue de tous les artifices possibles pour arriver à bout de son
air (qu’elle couronne d’un aigu assez douloureux)…
Elle nous paraît bien futile cette Violetta-ci, bien
légère… Pas de sang, pas de chair chez cette
demi-mondaine… Le II est meilleur (un Dite alla giovine à
peine murmuré qui est, quand même, une forme
d’œuvre d’art en soi), plus investi malgré un Amami Alfredo
court d’émotion. Le III est même très bon,
subtilement chanté et joué à l’avenant.
C’est souvent l’acte où les demi-Violetta excellent.
La boucle est bouclée !
Piotr Beczala n’a que son beau timbre au medium
riche pour camper un Alfredo jeune, mais pas emporté pour deux
sous, ni romantique, ni romanesque, ni furieux chez Flora. Il trouve
pourtant de belles couleurs pour son air, un phrasé
ingénieux pour ne pas sombrer dans sa cabalette (mais quel
vilain aigu en guise de clôture !) et des aigus ouverts qui
font très « italien ». Exit Alfredo !
Naufrage total du côté du père. Hampson est au
moins aussi mauvais qu’à Salzbourg, sec de cœur et
de substance, éreinté, emphatique,
généralement gris, et tendu, et incroyablement vilain.
Verdi n’a jamais été dans sa voix et même si
l’opéra de Zurich n’est pas la grosses Festspielhaus,
la ressource de pouvoir dire son rôle ne le sauve pas :
n’est pas Fischer-Dieskau qui veut et ce diseur-ci sonne creux,
scolaire.
Passons sur les comprimarii. Rien à en dire… Cela évite d’en dire du mal.
Dommage pour Welser-Möst. Dommage pour Mei. Dommage pour tous en
fait, car on sent là l’effort de vouloir bien faire.
Dommage pour Verdi surtout. Pas de quoi hurler au scandale, mais pas de
quoi, non plus, se relever la nuit. Un coup pour rien.
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