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Richard Wagner (1813-1883)
TRISTAN UND ISOLDE
Tristan René Kollo
Marke Matti Salminen
Isolde Johanna Meier
Kurwenal Hermann Becht
Melot Robert Schunk
Brangäne Hanna Schwarz
Hirt Helmut Pampuch
Steuermann Martin Egel
Seemann Robert Schunk
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
Daniel Barenboim
Jean-Pierre Ponnelle, mise en scène, décors, costumes
Enregistré à Bayreuth les 1-9 Octobre 1983
Durée : 245 min
2 DVD DG 0 44007 34321 0
Un Tristan de rêve
On peut ne pas apprécier
l’esthétique de Jean-Pierre Ponnelle, son souci
d’une certaine joliesse visuelle dans tous les opéras
qu’il aborde, sa préoccupation à vouloir toujours
privilégier la beauté visuelle (en assurant par exemple
à la fois la mise en scène, la conception des
décors et des costumes) au détriment parfois d’un
réel travail avec les acteurs. Pourtant, il faut bien
reconnaître que lorsque l’œuvre abordée
s’accommode de ces partis pris, le résultat peut atteindre
au sublime.
On peut ainsi imaginer vision plus métaphysique, plus humaine ou plus engagée de Tristan,
mais a-t-on jamais vu vision plus onirique et plus
poétique que celle du metteur en scène
français ? L’ivresse amoureuse, charnelle et musicale se
manifestent ici par la fascination qu’exerce un décors
d’une éblouissante beauté : que ce soit le
gigantesque arbre au tronc entrelacé qui recouvre
l’immense plateau du Festspielhaus au deuxième acte et
dont la luxuriance et la flamboyance reflète la passion qui
consume les amants, ou la source, à la fois eau baptismale et
philtre d’amour, dans laquelle les amants se mirent avant de
s'abreuver, Ponnelle exploite toute la magie nocturne contenue dans
l'œuvre, à mi-chemin entre Novalis et Eichendorff. Tout
aussi saisissants, le large manteau d’Isolde au premier acte et
surtout le tronc calciné et coupé en deux au dernier
acte, troublante image de l’agonie du héros.
Ainsi plongés dans une atmosphère propice à la
magie et au rêve, les interprètes sont galvanisés
et surprennent par leur engagement physique malgré le statisme
du travail d’acteurs. Dès le lever du rideau, Tristan
n’est déjà plus ce héros tant vanté.
Écorché vif, le Tristan de Kollo apparaît comme le
plus sombre des héros wagnériens, en proie à un
mal être existentiel qui abouti à un troisième acte
hallucinant et halluciné où l’interprète,
transfiguré, irradie comme rarement au disque.
Isolde farouche et véhémente, Johanna Meier n’a pas
les moyens exacts du rôle, ce qui confère au personnage un
côté un peu trop terre à terre et un manque de
souveraineté, sauvé in extremis par un Liebestod
d’une grande dignité.
Valeur sûre des étés bayreuthiens, Hanna Schwarz
connaît son Wagner sur le bout des doigts et donne à
l’entremetteuse son juste poids dramatique et sa juste couleur.
La voix même de Matti Salminen est présence. Son Marke,
vieilli artificiellement, n’a pas besoin de tout ce maquillage
pour être crédible, plus père déçu
que roi bafoué. Hermann Becht a des accents bien
plébéiens en Kurwenal mais l’acteur est efficace.
Inspiré par ce qu’il voit sur le plateau, Barenboim nous
offre une direction généreuse en lyrisme, en
poésie et en phrasés amples. La légende se
déroule avec brillance sans aucun temps mort.
Alors certes, il n’est pas parfait ce Tristan, mais il est plus d’une fois sublime. Et ça, à l’heure actuelle, ça n’a pas de prix.
Sévag TACHDJIAN
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