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GIUSEPPE VERDI 

IL TROVATORE
 

Orchestre et Choeurs de la Scala de Milan
direction Riccardo Muti

Salvatore Licitra (Manrico) 
Barbara Frittoli (Leonora) 
Leo Nucci (Luna) 
Violeta Urmana (Azucena) 
Giorgio Giuseppini (Ferrando) 
Ernesto Gavazzi (Ruiz) 
Tiziana Tramonti (Inès)

2 CD Sony S2K 89553



Histoire de Contre-Ut
 

J'ai conscience que cette chronique va irriter plus d'un de mes camarades du forum. C'est que le maestro Muti y possède de sévères détracteurs, davantage d'ailleurs pour ses conceptions stylistiques que pour la qualité du travail qu'il accomplit depuis de longues années à la Scala. Il y compte aussi quelques thuriféraires dont je m'honore de faire partie.

Ce Trouvère, enregistré à l'occasion des représentations données à la Scala au mois de décembre 2000, ne trouvera pas grâce, c'est certain, auprès de nombre de passionnés d'art lyrique pour une seule et unique raison : Muti a refusé au ténor Licitra le contre-ut, non écrit par Verdi mais  imposé par la tradition, à la fin de Di quella pira. Non que l'interprète en soit incapable, mais parce que le maestro, qui a du reste presque toujours refusé les aigus ajoutés au risque de laisser chahuter les chanteurs par un poulailler intransigeant, en conteste la pertinence dramatique.

Ce parti pris étant accepté, il faut avouer que le Riccardo Muti nous livre une lecture éblouissante. S'il y a de la sorcellerie dans ce Trouvère, elle est dans sa baguette qui domine les rythmes, la dynamique et les couleurs comme on l'a rarement entendu. L'excellent orchestre de la Scala semble magnifié et nous enchante de ses sonorités profondes et de ses couleurs chatoyantes. Les choeurs, d'une formidable homogénéité, ne sont pas en reste. Giorgio Giuseppini se tire avec les honneurs du récit de Ferrando et les seconds rôles sont corrects.

Devant la vidéo de ce spectacle, j'avais été conquis par la belle et sensible Leonora de Barbara Frittoli, qui après avoir incarné les héroïnes mozartiennes, est en passe de s'approprier quelques uns des plus beaux rôles du répertoire verdien. Elle confirme au disque avec une voix homogène au timbre rond et une technique qui lui permet de superbes demi-teintes. Avec le soutien attentif du chef, elle nous livre de véritables moments de grâce dans Tacea la notte placida, et sait se faire légère et virtuose dans Di tale amor. Quelques légères tensions dans l'aigu, déjà perceptibles dans son récent récital, ne font qu'ajouter au personnage une note de fragilité qui la rend plus crédible encore. Une prestation à retenir.

Chez Leo Nucci, on ne peut que noter une certaine usure de la voix qui, de toute façon, n'a jamais eu le mordant de celle des grands titulaires du rôle par le passé. Mais sa prestation mérite le respect car on voit mal quel baryton a l'heure actuelle pourrait aborder le rôle avec autant d'autorité.

Salvatore Licitra me laisse davantage perplexe. Certes c'est un ténor vaillant et puissant, qui doit posséder un réel impact sur scène, mais il faut admettre que l'on a connu des voix au timbre plus séduisant, au style plus châtié où à l'ardeur plus juvénile. Contre-ut ou pas, il n'y a rien chez ce jeune ténor, pourtant porté aux nues dans le livret de cet enregistrement, qui soit de nature à déchaîner l'enthousiasme.

Violeta Urmana est une sorte de phénomène vocal avec cet aigu percutant qui lui a permis d'aborder avec succès Sieglinde à Bayreuth l'été dernier. On a l'illustration ici avec un impressionnant Stride la vampa et on ne peut qu'être impressionné par cette grande voix, parfois légèrement trémulante, mais d'un impact certain et qui sait s'allèger pour un très émouvant Giornipoveri vivea. C'est que chaque soliste est remarquablement suivi et épaulé par le chef qui se montre aussi à l'aise dans les moments de poésie que dans les fureurs guerrières, ici dénuées de leur caractère martial et de toute vulgarité.

En définitive, une lecture exceptionnelle de la partition et une distribution qui fait bonne figure dans le paysage vocal actuel. Il serait vraiment trop bête de se priver de cette enregistrement pour une seule note...
 
 

Vincent Deloge



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