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Luigi DALLAPICCOLA (1904-1975)

ULISSE

Opéra en 1 prologue et 2 actes 
 

Claudio DESDERI (Ulisse)
Gwynn CORNELL (Circe, Melanto)
William WORKMAN (Antinoo)
Denise BOITARD (Nausicaa)
Stan UNRUH (Demodoco, Tiresia)
Schuyler HAMILTON (Eumeo)
Colette HERZOG (Calypso, Penelope)
Jean-Pierre CHEVALIER (Eurimaco)
Louis HAGEN WILLIAMS (Alcinoo)
Paul GUIGUE (Pisandre)
Christopher WELLS (Telemaco)

Choeur de Radio France
Orchestre Philharmonique de Radio France
direction : Ernest BOUR

2 CD Naïve V4960
Enregistré en concert le 6 mai 1975



Un point de vue subjectif
 

A l'heure où la tonalité fait sur les scènes lyriques un rafraîchissant retour, je m'interroge sur l'avenir réel de la musique sérielle. De même que le jazz, la plus grande invention musicale du XXe siècle, a entamé son déclin lorsque les musiciens bop ont commencé à jouer pour eux et non plus pour les danseurs, perdant avec ceux-ci un contact qui était substantiel, l'Opéra a perdu ses repères avec le public lorsque la dictature sérielle a imposé des codes indéchiffrables pour les profanes. Or, le genre opératique s'est nourri dès ses prémices de son rapport avec le public. Qu'écriront les historiens de la musique des compositeurs atonaux du XXe siècle dans quelques décennies ? Fossoyeurs du genre lyrique ? Précurseurs de nouvelles formes ? Participants à une parenthèse rapidement refermée ? Je ne crois pas pour ma part que cette musique présente des solutions positives pour l'évolution de l'art lyrique. Musique de réaction plutôt que d'action, elle pourrait finir étouffée par ses propres secrétions...

Chef de file des sériels italiens, Dallapiccola travailla de 1959 à 1968 à la composition d'Ulisse, adaptant lui-même des épisodes de la légende homérique et puisant également divers textes chez Dante ou Thomas Mann. L'oeuvre fut créée dans une version allemande à Berlin en 1968 par Lorin Maazel. Elle fut donnée en version française à Rouen en 1971 puis, dans la version originale, pour ce concert public parisien. 

En dépit de mon indéracinable attachement à la tonalité, je reconnais à cette oeuvre des qualités certaines. L'écriture vocale témoigne de l'amour du chant et des qualités lyriques qui sont la marque du compositeur, comme dans la plainte de Calypso, bien servie par Colette Herzog. Elle évite les aspérités inutiles et les écarts trop vertigineux. L'orchestre est allégé mais la qualité de l'instrumentation permet d'obtenir des effets saisissants. Cette musique possède ainsi une réelle capacité d'évocation, en particulier dans les intermèdes symphoniques, où l'élément marin est évoqué avec une acuité qui, sans égaler Britten dans Peter Grimes, retiendra l'attention. Les percussions sont utilisées ici avec tact et pertinence, ce qui est loin d'être toujours le cas dans des oeuvres similaires. Malheureusement, cet ouvrage bâti en totalité sur une unique série engendre rapidement un sentiment de monotonie certaine pour les oreilles non averties.

Il faut admettre cependant que les amateurs du genre seront particulièrement bien servis par cet enregistrement. Ils y entendront une distribution homogène, capable et concernée, un orchestre en grande forme magistralement conduit par ce grand serviteur de la musique contemporaine qu'était Ernest Bour, et des choeurs irréprochables dans un rôle de commentateur à l'antique. Les amateurs du mythe y trouveront pour leur part une interprétation originale et intéressante. Amateurs, ne surtout pas s'abstenir !
 
 

Vincent DELOGE

 
 



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