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Rolando VILLAZON
CIELO E MAR
Airs de Amicalre Ponchielli (1834-1886)
La Gioconda "Cielo e mar"
et Il figliuol prodigo "Il padre..Tenda natal"
Francesco Cilea (1866-1950)
Adriana Lecouvreur
"La dolcissima effigie" et "L'anima ho stanca"
Saverio Mercadante (1795-1870)
Il giuramento "La dea di tutti i cor"
et "Compita è omai... Fu celeste quel contento"
Arrigo Boito (1842-1918)
Mefistofele "Dai campi, dai prati"
et Giunto il passo estremo"
Giuseppe Pietri (1886-1946)
Maristella "Io conosco un giardino"
Antonio Carlos Gomes (1836-1896)
Fosca "Intenditi con Dio. Ah! Se tu sei fra gli angeli"
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Simon Boccanegra
"O inferno...Sento avvampar nell'anima"
Luisa Miller
"Oh! fede negar potessi... Quando le sere al placido"
et "L'ara o l'avello apprestami"
Gaetano Donizetti (1797-1848)
Poliuto
"Veleno è l'aura ch'io respiro....Sfolgoro divino raggio".
Orchestre symphonique Verdi de Milan
Direction Daniele Callegari
Auditorium de Milan mars 2007.
1 CD DG
Rolando vincitor...
La générosité, l’exubérance, l’excès dont fait preuve Rolando Villazon
depuis ses débuts internationaux ont finalement eu raison de sa
santé vocale et physique, celui-ci s’étant
imposé un repos complet pendant plusieurs mois. Des signes
avant-coureurs nous avaient alerté et l’on
s’inquiétait des risques encourus par ce ténor
emporté par son enthousiasme, qui enchaînait les
rôles sans se ménager, acceptait toutes les propositions
aussi fatiguantes soient-elles. Aigus arrachés, stridences,
nuances limitées, souffle court, Villazon jouait gros dès
l’été 2006 (les Lucia
d’Orange étaient déjà bien scabreuses),
l’année 2007 venant confirmer nos inquiétudes.
Hasard des calendriers, il restait quelques semaines au musicien avant
ce retrait temporaire, pour enregistrer son premier récital avec
orchestre, pour le label Deutsche Grammophon. Entièrement
conçu par ses soins sous la forme d’un voyage musical
original, entre ciel et mer (en référence au fameux air
de La Gioconda), son
programme mêle habilement styles, courants et écoles de
chant, avec ce qu’il faut de raretés et de standards pour
n’effrayer personne. Les grands noms du vérisme
côtoient ainsi le bel canto romantique, tandis que quelques pages verdiennes sont confrontées à des œuvres de Pietri et de Gomes.
L’écoute de cet album dominé par la
sincérité d’un artiste dont la popularité
n’a pas tourné la tête, laisse une étrange
impression ; malgré d’évidents signes de
fatigue, Rolando Villazon semble profiter d’une accalmie pour se
lancer tel un cheval fougueux, à bride abattue, avant la chute.
C’est un peu comme si l'artiste, confiant de ses moyens,
cherchait à nous rassurer en soignant la réalisation de
son disque et en ayant à cœur de remplir coûte que
coûte son contrat.
Jouant avec les éléments (la mer, la terre, le ciel) et
les sentiments (la passion, la trahison, l’espoir et les
regrets), l’émission solaire de Villazon
s’épanouit tout naturellement dans les longs
phrasés qui caractérisent le bouillonnement
intérieur d’Enzo, héros de La Gioconda
(Ponchielli), ou le Maurizio d’Adriana Lecouvreur
(Cilea), même si nous gardons à l’oreille des voix
plus robustes, capables d’éclats plus
généreux et sensuels (Mario Del Monaco, Franco Corelli,
Carlo Bergonzi, ou José Cura). Les deux airs de Faust, issus du
Mefistofele de Arrigo Boito, tombent sans un pli sur cette voix claire,
malgré la tendance de Villazon à détimbrer au lieu
de diminuer le volume sonore, « Giunto sull passo
estremo » ayant été manifestement
enregistré sous le meilleur jour vocal du ténor.
Dépassé par la tessiture héroïque de Poliuto,
Villazon manque de morgue et de fierté, à la
différence de Corelli à la Scala de Milan en 1960, ou de
Roberto Alagna (récital "Bel canto" chez Emi en 2002), mais
négocie avec plus d’aisance et de
légèreté les vocalises de la cabalette "Sfolgoro
divino raggio", couronnée par un large contre-ut. La
fragilité de l’instrument est sensible dans les passages
violents (récitatifs de Simon Boccanegra et de Luisa Miller)
où l’aigu forte accuse ses limites et où le timbre
se crispe. Normalement suave et extatique, la
célébrissime complainte de Rodolfo « Quando le
sere al placido » souffre de plus ici, d’une
expression larmoyante qui aurait pu être évitée.
Les "raretés" de Mercadante (Il giuramento)
abordées avec fraîcheur et luminosité, montrent
l’intérêt de l’artiste pour un
répertoire moins exposé, attitude confirmée par le
bel air implorant de Paolo dans Fosca, opéra d'Antonio Carlos
Gomes (auteur d'Il Guarany
exhumé jadis par Placido Domingo), pourtant douloureusement
débuté par des accents qui rappellent justement ceux de
l'idôle Domingo lorsqu’il est fatigué, l’air
d’Azaele tiré d'Il Figliuol prodigo
de Ponchielli lui allant en revanche, comme un gant. Peut-être
inutile car musicalement bien faible, la romance tirée de Maristella
"Io conosco un giardino" de Giuseppe Pietri, reprise récemment
pas Joseph Calleja dans son album Decca, dirigée comme
l’ensemble de ce disque avec précision et conviction par
Daniele Callegari et l’Orchestre symphonique Verdi de Milan,
détonne tout de même au milieu de cette composition
équilibrée, qui devrait marquer le retour d'une vedette
très appréciée du public.
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