Antonio VIVALDI (1678-1741)
EUROPA GALANTE
Fabio Biondi , direction
Patrizia Ciofi, soprano
Laudate pueri Dominum RV
600 (plages 1 à 10)
In furore giustissimae irae
RV 626 (plages 11 à 14)
In turbato mare irato
RV 627 (plages 15 à 18)
O qui coeli terraeque serenitas
RV 631 (plages 19 à 22)
Virgin Veritas - 7243 5 45704
2 1
Durée : 62'22
Enregistré du 6 au 10 septembre
2003 à Parme (Italie)
Patrizia Ciofi donne le vertige. En l'espace
de trois saisons, elle a dû aligner une bonne vingtaine de rôles,
baroques ou romantiques, avec un engagement dramatique qui, chaque fois
qu'on a pu en juger, laisse pantois. Et elle n'oublie pas pour autant d'enregistrer,
sa discographie comporte plus de dix titres. Pendant ce temps, toute la
presse est unanime, comme dirait Laurent Ruquier. On s'en voudrait de jouer
les Eris au milieu de ce concert de louanges, mais il faut avouer que les
motets de Vivaldi proposés par Virgin Veritas ne nous satisfont
pas totalement.
Le programme ne manque pourtant pas de séduire. Les pièces
choisies, bien que déjà présentes au catalogue, ne
figurent pas parmi les plus enregistrées. Leur qualité musicale
est indéniable. Comme toujours, le sacré chez Vivaldi s'exprime
de manière théâtrale, voire spectaculaire lorsqu'il
s'agit du courroux divin ("In furore Giustissimae irae", plage 11), avec
une indéniable verve mélodique au détriment d'une
certaine intériorité. Mais il ne faut pas déprécier
cette allégresse car elle relève de la grâce et, à
ce titre, elle est peut-être plus spirituelle qu'il n'y parait. Pour
illustrer notre propos, on citera, sur un autre plan musical, la joie qui
illumine Soeur Constance dans Dialogues des Carmélites de
Francis Poulenc.
Les sonorités que parvient à tirer Fabio Biondi de son
Europa Galante sont stupéfiantes. Il existe autant d'exemples de
son génie que de pistes sur le disque. Il suffit alors, au mépris
de toute logique musicale, de se diriger immédiatement vers "Suscitans
a terra inopem" (plage 6) pour avoir une juste idée de la dynamique
et de la science des contrastes qui font la valeur de sa direction. On
mentionnera aussi la précision de chaque pupitre, la netteté
des lignes que tracent les cordes (" Gloria Patri et Filio", plage 8 par
exemple), la virtuosité qui agite les passages les plus véloces
("In furore giustissimae irae", plage 11, évidemment). On ne pourra
enfin qu'être ébloui par l'éclair sombre du trombone
qui zèbre le ciel lumineux de l'aria "Resplende bella" (plage
17), sommet sonore d'un enregistrement qui en comporte de nombreux.
Aveuglé par le rayonnement de l'orchestre, on regrettera que
Patrizia Ciofi ne produise pas les mêmes étincelles. Le timbre
est séduisant, d'une belle rondeur, la voix homogène dans
l'aigu avec ce velouté qui jamais n'écorche. De telles qualités
exaltent l'aria "Rosa quae moritur" (plage 21), malgré une descente
chromatique hasardeuse sur la première syllabe du mot "fugaces"
lors de la reprise. Ou encore la superbe entrée de "Excelsus super
omnes" (plage 4). Hélas, quelques notes plus loin, lors du mélisme
sur le i de "gloria", se dessinent les premiers défauts qui contrebalanceront
ces indéniables atouts : une vocalisation parfois scolaire, voire
hachée, un manque de ferveur aussi. L'extase ("languescit cor" et
"fletus laetum" dans "Tunc meus fletus", plage 13), la fureur ("facis potentem"
de "In furore giustissimae irae", plage 11) semblent alors affectées,
les amen et autres alléluias conclusifs en perdent leur indispensable
jubilation. Le registre grave est artificiellement grossi lorsqu'il est
sollicité en deçà de la tessiture naturelle. D'ailleurs,
est-il certain que le motet "In turbato mare irato" convienne à
un soprano de son envergure ? Toutes ces réserves empêchent
de s'abandonner à une félicité mystique de circonstance.
Avant, cependant, de prononcer une sentence définitive, on se
souviendra qu'il n'existe pas pour ces quatre pièces de référence
discographique absolue. Alors, même si cet enregistrement n'en constitue
pas une, la qualité de l'interprétation orchestrale justifie
que, à quelques jours du 25 décembre, il trouve sa place
dans la hotte du Père Noël.
Christophe RIZOUD
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