Alexander von ZEMLINSKY
(1871-1942)
DER KÖNIG
KANDAULES
Opéra en 3 actes d'après la tragédie d'André
Gide
Le Roi Candaule : Robert Brubaker, ténor
Gyges : Wolfgang Schöne, baryton
Phedros : Mel Ulrich, baryton
Syphax : John Nuzzo, ténor
Nicomedes : Jochen Schmekenbecher, baryton
Pharnaces : Randall Jakobsch, basse
Philebos : Georg Zeppenfeld, basse
Simias : Jurgen Sacher, ténor
Sebas : John Dickie, ténor
Archelaos : Almas Svilpa, basse
Der Koch : Peter Loehle, basse
Nyssia : Nina Stemme, soprano
Deutsches Symphonie Orchester Berlin
Mozarteum Orchester Salzbourg
Direction : Kent Nagano
2 CDs Andante
Ref. AN3070
Salzburg Festival, July 28th 2002
Salzburg Festival Documents
Edited by Salzburg Festival
Source: Recorded by Austrian Radio - ORF
Au départ de l'oeuvre figure un drame ambitieux d'André
Gide, traité un peu à la manière d'une fable antique,
à la fois cruelle et ironique, que Zemlinsky adapta lui-même
en livret. Véritable réflexion sur le bonheur et la destinée
humaine, mais aussi sur la trahison, le pouvoir et les passions, le livret
est traversé de nombreux thèmes à caractère
philosophique ou métaphysique, et mérite certainement une
lecture approfondie.
Commencée en 1935 à Vienne, où le compositeur s'était
réfugié en quittant Berlin, la composition et l'orchestration
du Roi Candaule occupèrent Zemlinsky jusqu'à son départ
pour les Etats-Unis en décembre 1938.
Contrairement à ce qu'avait espéré le compositeur,
l'opéra ne fut jamais représenté aux Etats Unis ;
le public américain goûtait des spectacles plus faciles et,
de toute façon, la scène du deuxième acte où
la reine Nyssia finit en nu intégral était rigoureusement
impensable au Met ! Zemlinsky ne termina donc pas entièrement l'orchestration
et la partition resta dans un tiroir. L'oeuvre ne fut créée
qu'en 1996, à Hambourg, longtemps après la mort du compositeur.
Ecrite dans un style très libre, comprenant de nombreuses citations
de ses opéras antérieurs, la partition est d'une grande richesse
sonore, très maîtrisée. Les parties d'orchestre extrêmement
fournies contribuent pour une large part à la qualité de
cette oeuvre superbe dont on s'étonne qu'elle ne bénéficie
pas encore aujourd'hui d'une plus grande notoriété.
L'enregistrement présenté ici a été réalisé
"live" au Festival de Salzbourg en 2002, c'était même une
des productions phare de cette année-là, la première
après le départ de Gérard Mortier. Elle reçut
de la part de la critique un accueil mitigé, très enthousiaste
sur la partie musicale, plus contesté pour la partie scénique.
La distribution, qui compte onze hommes pour une femme, est d'une qualité
très homogène : sincérité, engagement, maîtrise
et souci du détail sont présents d'un bout à l'autre
de la prestation, même pour les petits rôles. Les personnages
principaux de Candaule (performance remarquable de Robert Brubaker) et
de Gyges (Wolfgang Schöne) sont traités avec beaucoup d'émotion
et de subtilité, ainsi que la Reine, à la fois objet de désir
et vecteur du drame, à qui la jeune soprano Nina Stemme prête
ses impressionnants moyens vocaux.
Direction très attentive et véritable construction dramatique
de la part de Kent Nagano, qui souligne volontiers les éléments
les plus lyriques d'une partition encore fort teintée d'expressionnisme
allemand ; il fait preuve d'un véritable sens théâtral
et construit très habilement les tensions conduisant à la
scène finale et au dénouement tragique de l'oeuvre. On déplorera
cependant que la prise de son rende peu justice au travail de l'orchestre,
dont elle donne une image un peu lointaine et sans beaucoup de détails
; c'est dommage, car pour le reste, ce disque est particulièrement
réussi et permettra à tous les amateurs de la musique germanique
de cette époque de découvrir une oeuvre quasi inconnue et
qui mérite bien qu'on s'y attarde.
Soulignons également le soin tout particulier accordé
à la réalisation de la brochure et aux textes de présentation,
qui font de ce coffret un très beau petit volume de bibliothèque,
un objet graphique très séduisant publié par Naïve
dans sa collection Andante, consacrée jusqu'ici essentiellement
à des enregistrements historiques mémorables.
Claude JOTTRAND
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