Discographie
« Hector Berlioz », dir. Bertrand de Billy, avec Angela Gheorghiu
et Gérard Depardieu (récitant), EMI.
Récital en forme de tour de force par l’ampleur et la variété du
répertoire choisi. Roberto Alagna ose ici sa propre versatilité avec
une concentration et une jubilation inouïes. En prime, une
Marseillaise débridée.
Berlioz, Te Deum, avec Marie-Claire Alain (orgue), John Nelson (dir.),
EMI
Mobilisation générale de forces de choc pour cette oeuvre où
Alagna, Nelson, Alain rivalisent et se transcendent.
Bizet : Carmen, avec Angela Gheorghiu, Thomas Hampson, Michel
Plasson (dir.), EMI.
Tout le monde attendait ce Don José : sur scène comme au disque,
il aura fallu peu de temps pour imposer une incarnation majeure,
saisissant tout à la fois la naïveté juvénile du personnage et le
surgissement ultime d’une violence immaîtrisable.
Donizetti : L’Elixir d’Amour, avec Mariella Devia (Erato) ; avec
Angela Gheorghiu (DECCA)
Des deux versions disponibles, la première est le témoignage
d’un art à son aurore ; le seconde, plus mûre, est aussi plus
ludique – Angela Gheorghiu n’y est pas pour rien ! La comparaison
des deux Furtiva Lagrima est emblématique de cette maturation. Le
DVD est pimpant avec un Alagna en naïf ahuri et tendre.
Donizetti : Lucie de Lammermoor, avec Natalie Dessay, Evelino
Pido (dir.)
Beaucoup d’encre a coulé sur cette production. Alagna y est
simplement souverain de force et d’engagement : le français de
Donizetti n’aura jamais sonné avec tant de noblesse et de fougue
(voyez le finale !)
Gounod : Roméo et Juliette, avec Angela Gheorghiu (EMI)
Un discophile et critique anglais, ayant entendu le Roméo de
Roberto Alagna à Covent Garden, se mit en tête de trouver plus belle
interprétation et passa la nuit à réécouter toute la discographie,
qu’il avait évidemment à domicile. A l’aube, épuisé mais heureux, il
appela l’agent du ténor et lui donna le verdict, presque en larmes :
en Alagna, il avait entendu le plus beau Roméo, ever. Un DVD avec
Angela Gheorghiu est disponible, hautement glamour. Une autre
captation reprend la jolie production londonienne, avec Vaduva.
Massenet : Werther, avec Angela Gheorghiu, Antonio Pappano (dir.)
(EMI)
Un Werther qui ose son ascendance littéraire : mélancolie et
douleur vibrent à fleur de mot, sans céder au pathos larmoyant qui
menace tout interprète de ce rôle. Disque marquant.
Massenet : Manon, avec Angela Gheorghiu, Antonio Pappano (dir.) (EMI)
Il y a chez ce Des Grieux un mélange de sensualité et
d’austérité, mais aussi de simple tendresse qui illumine constamment
ce disque. Avec Gheorghiu, ce n’est plus de l’entente, c’est une
fusion.
Offenbach : Les Contes d’Hoffmann, avec Natalie Dessay, José Van
Dam, Kent Nagano (dir.), (ERATO)
Une version neuve, à la fois dans son apport philologique et
dans ses options interprétatives : vision souvent abrupte,
anguleuse, qui correspond bien à cet univers qui n’est pas
foncièrement doux ni rêveur, comme on l’a trop dit, mais cynique et
grinçant. Alagna campe un Hoffmann noir et fiévreux.
Puccini : Il Trittico, avec Mirella Freni, Bruno Bartoletti (dir.)
(DECCA) ; avec Angela Gheorghiu, Antonio Pappano (dir.) (EMI)
Dans ces deux versions (on préférera la version EMI) Rinuccio
permet à Roberto Alagna de faire valoir la luminosité toute juvénile
de son timbre son air transmet le simple bonheur de chanter.
Puccini : La Rondine, avec Angela Gheorghiu, Antonio Pappano (dir.)
(EMI)
Œuvre point du tout mineure exhumée avec une sensibilité
parfaite : les deux interprètes, en accord intime, rendent les
demi-teintes de l’œuvre avec une justesse absolue.
Puccini : La Bohème, avec Leontina Vaduva, Antonio Pappano (dir.)
(EMI) ; avec Angela Gheorghiu, Riccardo Chailly (DECCA).
La version Chailly a été unanimement célébrée – Roberto Alagna y
est le Rodolfo qu’on sait : sa juvénilité vibrante crève l’écran. On
garde une vraie tendresse à la version Pappano, moins dramatique
mais plus lyrique.
Puccini : Tosca, avec Angela Gheorghiu, Ruggero Raimondi, Antonio
Pappano (dir.) (EMI).
La « bande-son » du film de Benoît Jacquot vaut par elle-même
tant l’élan des interprètes est « visuel » : à aucun moment le ténor
ne force le trait ; son idéalisme pro-révolutionnaire n’en est que
plus crédible. Le DVD, c’est-à-dire le film de Jacquot, est en rouge
et noir, romain à la manière du Bernin, puccinien dans sa froide
violence.
Puccini : Messa di Gloria, avec Thomas Hampson, Antonio Pappano (dir.)
(EMI)
Les œuvres secondaires de Puccini restent marquées par un
lyrisme étudié et chatoyant qu’il vaut la peine de connaître,
surtout lorsqu’il est servi avec tant de conviction.
Verdi : Rigoletto, avec Andrea Rost, Renato Bruson, Riccardo Muti
(dir.) (Sony)
Le Duc de Mantoue n’aura jamais semblé aussi sérieux, sombre,
voire par instants brutal que dans cette version dirigée par
Riccardo Muti ; Alagna confère à son personnage un appétit de
jouisseur désespéré.
Verdi : La Traviata, avec Tiziana Fabbriccini, Riccardo Muti (dir.)
(Sony)
Alfredo ouvrit toutes les scènes à Roberto Alagna ; la pure
splendeur de ce qui s’entend ici l’explique suffisamment ! Il exista
une VHS du spectacle, aujourd’hui indisponible.
Verdi : Il Trovatore, avec Angela Gheorghiu, Thomas Hampson,
Antonio Pappano (dir.) (EMI)
Gageure que ce Trouvère confié à des voix sensiblement plus
claires et moins héroïques qu’il n’est d’usage : l’on n’a pas assez
souligné que l’effet en est une crédibilité renouvelée du drame, les
personnages prenant le pas sur la pure performance vocale.
Verdi : Don Carlos, avec Karita Mattila, José Van Dam, Thomas
Hampson, Antonio Pappano (dir.) (EMI)
Nulle part on n’entendra un Don Carlos d’une stature aussi
ardente et tout à la fois fragile. L’équipe tout entière est
admirable. Une pierre blanche dans l’histoire de l’interprétation
verdienne, et une captation vidéo très bien faite, au plus près d’un
jeu d’acteur mémorable.
Verdi : Requiem, avec Angela Gheorghiu, Claudio Abbado (dir.) (EMI)
Les circonstances donnèrent à ce disque une atmosphère de
recueillement et une ardeur particulières. La captation vidéo est
d’une solennité prenante.
Verdi : Airs, avec Claudio Abbado (dir.) (EMI)
Le ténor démontre ici sa capacité à camper en quelques mesures
toute la dimension d’un personnage. Son affinité avec Verdi éclate
dans des pages où l’effet vocal s’efface derrière la simple vérité
dramatique (voyez le désarroi solitaire de cet Otello !).
Verdi : « Verdi per due », avec Angela Gheorghiu, Claudio Abbado
(dir.) (EMI)
Ces duos sont autant de promesses d’intégrales qui bien
évidemment ne verront pas toutes le jour : la flamme et la rigueur
qui ici emportent tout sur le chemin nous le font certainement
regretter, mais nous comblent largement. A l’instar des airs
sus-mentionnés, un disque qui va très loin dans la compréhension de
l’univers verdien et de son électricité si spéciale.
Récitals divers
« Roberto Alagna », avec Richard Armstrong (Dir.) (EMI)
Première carte de visite d’un ténor qui avait d’emblée choisi la
versatilité : à la liberté du Duc de Mantoue (conception différente
de celle qui prévaut avec Muti) répondent un Arnold de grande
vaillance, un Polyeucte contemplatif , un Maroûf évocateur, un
Ernesto délicieusement ahuri, un Duc de Mantoue altier.
Airs et duos d’opéra, avec Angela Gheorghiu (EMI)
Premier récital du couple-vedette, alternant airs et duos. Entre
autres moments, notez la qualité suprême du duo Faust-Marguerite que
forment Gheorghiu et Alagna – une intégrale qui nous manque (sauf
captation pirate). Alagna en Pâris fat et costaud vaut le détour.
Sérénades, avec Angela Gheorghiu, David et Frédérico Alagna
(guitares)
Une sonorité un peu sèche, réverbérée, et une captation au plus
près, à Venise, nous transportent dans les rues italiennes et
donnent à ce récital une intimité dont Alagna et ses frères jouent
avec grande finesse, très loin des clichés dont ce répertoire
populaire est souvent victime. A écouter le soir, fenêtre ouverte
sur un rio vénitien ou une piazzetta palermitaine.
« Airs d’opéra français », avec Bertrand de Billy (dir.) (EMI)
Massenet, Gounod, Bizet – ils sont tous là, mais aussi
Meyerbeer, Lalo, Grétry, Halévy, Méhul… Alagna plie sa voix à des
exigences considérables et très diverses, sans chercher le grand
spectacle. Ecoutez simplement « Pays merveilleux » de L’Africaine de
Meyerbeer : ce tube pour forts ténors résonne ici enfin avec son
juste poids d’émerveillement, et même d’éblouissement. La diction
française du ténor agit avec une puissance renouvelée.
Nessun dorma (airs de Puccini, Leoncavallo, Cilea…), avec Mark
Elder (dir.) (EMI)
Dans un répertoire passionnant mais peu fréquenté, Roberto
Alagna fait œuvre de défricheur, de philologue mais surtout d’acteur-chanteur
incomparable, tant il parvient à faire entrer de plain-pied dans des
œuvres méconnues, jusqu’à rendre curieux de les connaître toutes (ah
! Zandonai !)
Bel Canto, airs de Donizetti et Bellini, avec Evelino Pido (dir.)
(EMI)
Pari insensé que ce voyage chez Bellini et Donizetti, mettant à
mal l’idée reçue d’une manière belcantiste uniforme : la palette de
couleurs et la variété des éclairages fait valoir la foncière
pluralité du genre. L’allant naïf de Tonio dans La Fille du
Régiment, le recueillement de Dom Sébastien, la force ardente de
Pollione… sont caractérisés avec une justesse de trait qui ne se
subordonne pas aux règles d’un bel canto pris dans son acception
purement formelle, mais en extrait une sorte de vérité dramatique
trop souvent négligée dans ce répertoire.
Sylvain
Fort