Les passionnés
désireux de connaître la version Gustavo Terzo avant d’assister aux
représentations au Théâtre de Metz pourront se procurer l’enregistrement Dynamic
CDS 426/1-2 réalisé à l’Opéra de Gothembourg (Göteborg) en Suède, précisément.
C’est un curieux retour des choses, en fait, si l’on se souvient que la Censure
romaine avait avancé pendant un temps le titre de Il Conte di Gotemburgo !
Proposer pour la première fois la
musique originellement composée par Verdi pour Gustavo Terzo, est
d’ailleurs l’intérêt de cet enregistrement, offrant des chanteurs moyens et pas
toujours corrects (timbres peu séduisants, aigus tendus et aproximatifs,
prononciation difficile de l’italien), heureusement sous l’attentive et efficace
direction du Maestro Maurizio Barbacini.
Les nombreuses versions de Un
Ballo in maschera, en revanche, sont pratiquement toutes intéressantes et
réussies, ce qui n’arrive pas souvent dans les enregistrements d’opéras où il se
trouve toujours un élément insatisfaisant…
Elles sont dominées par celles où
règnent un Luciano Pavarotti, vraiment « royal » (même s’il n’est que comte
Riccardo !). Magnificence de timbre, chaleureux au possible, limpide comme le
comte Riccardo est noble et magnanime, délicatement passionné comme Riccardo est
élégant…
Mais cet idéal Riccardo
pavarottien n’exclut pas d’autres grands prédécesseurs comme Benjamino Gigli et
Carlo Bergonzi, dont le « live » de Bologne évoqué plus haut pour les mérites du
chef Oliviero De fabritiis, comporte également la grande soprano Leyla Gencer et
l’efficace baryton Mario Zanasi (Myto et Movimento Musica).
La délicate Amelia de Montserrat
Caballé se trouve également dans un étonnant « live » de Myto, offrant le plus
bel orchestre du monde pour cette musique : celui du Teatro alla Scala, velouté,
chaleureux, cuivré…Le chef est l’incontournable Francesco Molinari Pradelli,
spécialiste de la direction théâtrale au possible: appuyée mais non lourde !
Renato est tellement Renato qu’il
se prénomme ainsi ! En effet, Renato Bruson, baryton « grand seigneur », donne
une noblesse inattendue au personnage habituel de mari (qui se croit) trompé.
José Carreras est un chaleureux Riccardo, plus vibrant que noble, et rappelant
fortement, dit-on, le jeune Giuseppe Di Stefano…
Mais Di Stefano avait en plus
cette fraîcheur de timbre apportant comme une fragilité, une naïveté
supplémentaires au personnage… et Di Stefano, en « live » comme en studio (EMI),
avait l’avantage d’aimer une Amelia à part : Maria Callas, dont le grand chef
Gianandrea Gavazzeni nous a laissé une saisissante impression. « La manière dont
elle ressentait les mots n’était pas seulement celle convenant à Verdi mais au
Verdi de Un Ballo in maschera, dont la musique jaillit littéralement du
texte. Elle restituait l’extrême désespoir d’une femme dont le destin est sans
issue. L’un des grands talents de Callas était, sur le plan de l’expression, de
savoir différencier les styles – Rossini de Bellini, Donizetti de Verdi. Et même
Verdi de Verdi. Sur le plan musical, j’avais le sentiment qu’elle était née avec
une sorte de sixième sens. En elle brûlait une étrange flamme intérieure. Elle
était toujours différente, et cependant toujours elle-même ».
Yonel Buldrini |