Difficile à cerner, l’Ensemble Matheus. Brillant quatuor à partir
de 1991, vainqueur du concours Van Wassenaer au Concertgebouw d’Amsterdam au
bout de deux ans d’existence, quand est-il devenu un orchestre ? A cette
question, Jean-Christophe Spinosi lui-même ne peut, ni ne veut, répondre
précisément. Les seules questions importantes sont pourquoi ce changement
et comment s’est-il passé ? Les 4 jeunes musiciens formant Matheus au
début des années 90 (Spinosi, Françoise et Laurence Paugam, Lauren-Yann Guiguen)
avaient en commun cette passion pour toutes les musiques, même celles qui
étaient a priori interdites à une si petite formation. Tenant malgré tout
à faire entendre leurs voix dans tous les domaines qui les stimulaient, les
membres du quatuor firent appel à quelques amis, pour se produire dans des
quintettes, des sextuors, des octuors, etc… toujours de la musique de chambre
mais avec un effectif finalement de plus en proche des orchestres baroques et
classiques. Vint alors le désir de « remettre sur le métier » les compositeurs
qu’interprétaient les quatre musiciens du départ (à l’exception de Guiguen, ils
jouent tous, encore aujourd’hui, dans l’Ensemble), mais dans leurs œuvres
concertantes (Spinosi dirigeant occasionnellement depuis l’archet) ou
symphoniques. En effet, de nombreuses œuvres de la seconde moitié du XVIIIème
siècle (Haydn, Mozart), ont figuré au programme de la jeune phalange avant
Vivaldi. Lui n’est entré au répertoire qu’ un peu plus tard, lorsque Spinosi,
qui n’avait pas oublié les 4 saisons qu’il jouait dans le tout début de sa
carrière de soliste, constata qu’une grande partie des œuvres du Prêtre roux
étaient soit tombé dans un demi oubli, soit franchement inconnues. Après
plusieurs concerts, et disques de concertos (cf : discographie), les opéras
arrivent, forts de belles distributions (pêle-mêle : Cangemi, Larmore, Stutzmann,
Jaroussky, Mingardo, Rolfe Johnson, Regazzo, Hallenberg, Ferrari), et auréolés
de succès.
Aujourd’hui reconnu comme Vivaldien, l’Ensemble Matheus refuse
cependant de se considérer comme tel, et montre les multiples facettes de son
talent en interprétant avec un égal bonheur Mozart, Gluck, Rossini,… tandis que
Spinosi ne cache pas son envie de toujours élargir son répertoire, en tant que
chef invité, ou avec « ses » musiciens. Difficile à cerner, l’Ensemble Matheus ?
Certes. Mais cette fuite de l’académisme et de la routine, cette recherche du
neuf qui se passe toujours dans le dynamisme, la passion et la curiosité, est
maintenant la marque de fabrique de cette formation, volontairement inclassable. |