(illustration : Hector Berlioz)
LES TENTATIVES D'OPÉRAS
AVORTÉS DE BERLIOZ
Estelle et Némorin (1823)
Les Francs-Juges (1825-1833)
La Nonne sanglante (1841-1847)
Berlioz a écrit cinq oeuvres
dramatiques bien connues de tous. Trois autres partitions doivent néanmoins
être signalées afin de faire un tour complet pour ce dossier.
La littérature est peu bavarde sur ces ouvrages. Certes, les Mémoires
de Berlioz peuvent nous éclairer abondamment. Toutefois, l' expérience
de 1992 de La Messe Solennelle nous amène à nuancer les propos
de Berlioz : "je la brûle" dit-il, l' oeuvre ne fut pourtant pas
perdue à jamais.
Seule l'ouverture des Francs-juges
est connue du public.
ESTELLE ET NÉMORIN
Berlioz demanda à Gérono
un livret d' après Estelle et Némorin de Florian. La musique
fut composée en 1823, mais elle ne fut jamais jouée. Berlioz
: "Personne heureusement n' entendit jamais rien de cette composition....ma
partition fut aussi ridicule, pour ne pas dire plus, que la pièce
et les vers de Gerono".
Toutefois une mélodie de l'opéra
aurait été reprise dans La Symphonie Fantastique.
LES FRANCS-JUGES
Humbert Ferrand , étudiant en
droit et proche ami de Berlioz, fournit le poème de cette oeuvre.
Dès 1826, l'ouverture est composée et le deuxième
acte, écrit en premier, bien avancé. Le 26 mai 1828, l'ouverture,
un air et une mélodie pastorale sont donnés à la salle
de Conservatoire. Peu après, le livret fut présenté
au jury de l ëopéra.
"Nous allons mettre en jeu tous
les ressorts pour le faire recevoir sûrement. Il est superbe ; il
y a des choses sublimes. Oh mon cher vous êtes un poète !
le final des bohémiens, au premier acte est un coup de maître
; jamais je crois, on n' aura présenté de poème d'opéra
aussi original et aussi bien écrit, je vous le répète
il est magnifique."
Tel ne fut pas l'avis du comité
de l'opéra : le livret a paru long et obscur, il n'y a guère
que la scène des bohémiens qui a plu à tout le monde.
En 1830, une autre chance s'offre en
la personne d'un ténor allemand, Haitzinger, qui contacte Berlioz
et lui demande s' il n'a pas un rôle pour lui. Il parle d'emporter
le poème à Carlsruhe pour le faire traduire. Berlioz devait
pour cela terminer quelques airs. Au lieu de se rendre en Allemagne Berlioz,
prix de Rome, se rendit en Italie.
En 1833, Berlioz et Ferrand, décident
de tirer des Francs-Juges un petit ouvrage en un acte : Cri de guerre de
Brisgaw . Pour faire simple, je vous propose un tableau récapitulant
les numéros de l'opéra .En rouge vous trouverez les fragments
conservés. Un enregistrement de ces cinq fragments existait jadis.
Personnages :
Amélie (soprano) ;
Elmire (soprano) ; Nise (soprano) ; Méry (soprano) ; Arnold (ténor)
; Christiern (ténor) ; Conrad (baryton) ; Olmerik (basse) ; choeur
: bohémiens, bohémiennes, héraults, peuple, soldats,
bergers, francs-juges
Orchestration
:
2 flûtes, 2 hautbois,
2 clarinettes, 2 bassons, contrebasson, 4 cors, 2 trompettes, trompette
à piston, 3 trombones, 2 ophicléides, timbales, grosse caisse,
cordes
ACTE |
N° |
TYPE |
PERSONNAGES |
TEXTE ET FORMATION |
I |
01 |
Choeur |
peuple |
"Arnold, entends nos fers"
choeur (SATB) avec orchestre
Allegro assai (mi bémol
majeur) |
... |
02 |
Duo |
Christiern, Olmerik |
"Conrad s'arma"
duo (TB) avec orchestre
Allegro non troppo (mi mineur) |
... |
03 |
Récitatif et air |
Conrad |
"Va, je t'abhorre ... Noble
amitié"
baryton avec orchestre
[perdu] |
... |
04 |
Elégie |
Amélie |
"La nuit voilant pour nous"
soprano avec orchestre
[perdu] |
... |
05 |
Quatuor |
Amélie, Elmire,
Arnold, Conrad |
"Frais vallons où
dorment nos pères"
quatuor (SATB) avec orchestre
[perdu] |
II |
06 |
Choeur |
Bergers |
"L'ombre descend dans la
vallée"
choeur (SATB) avec orchestre
Andante poco lento |
... |
07 |
Trio pastoral |
Nise, Méry,
Arnold |
"Vois-tu le soleil s'enfuit"
trio (SST) avec orchestre
[perdu]
voir version 2, H 23b |
... |
08 |
Duo |
Amélie
Arnold |
"N'espère plus"
duo (ST) avec orchestre
[perdu] |
... |
09 |
Marche des gardes |
... |
Orchestre
[perdu]
Réutilisé:
Symphonie fantastique (H 48/4); Symphonie funèbre (H 80/2); Benvenuto
Cellini (H 76/8) |
... |
10 |
Finale |
... |
[perdu] |
III |
11 |
Récitatif et air |
Arnold |
"Voici l'endroit fatal ...
Descends et viens"
ténor avec orchestre
[perdu]
fragment, voir H 80] |
... |
12 |
Hymne des Francs-juges |
... |
"Des célestes décrets"
choeur (ATB) avec orchestre
... (mi bémol majeur) |
... |
13 |
Reprise de l'Hymne |
... |
... |
... |
14 |
Choeur |
peuple |
"Fier Germain, reprends
ces vallons"
choeur (SATB) avec orchestre |
LA NONNE SANGLANTE
Berlioz : "J'écris
une grande partition en quatre actes sur un livret de Scribe intitulé
La Nonne Sanglante. Il s'agit de l' épisode du Moine de Lewis, que
vous connaissez ; je crois que cette fois, on ne me plaindra pas du défaut
d'intérêt de la pièce..." Lettre du 3 octobre 1841.
Interrompue par ses longs
voyages, la partition est encore peu avancée en 1847. Il est prié
de rendre le livret après un refus de l'Académie de Musique
d'un délai de trois ans supplémentaires pour un mûr
achèvement de l'oeuvre. Scribe colporta le livret auprès
de plusieurs compositeurs avant de le voir enfin accepter par Gounod. Cette
version de Gounod fut créée à Paris en 1854 avec un
succès mitigé.
Il ne reste de ce projet
berliozien que trois fragments à la Bibliothèque Nationale
qui forment une partie importante du premier acte. Mention sur la partition
: "A consulter et à brûler après ma mort."
Vous trouverez un résumé
du livret (certes, dans la version Gounod) sur http://www.charles-gounod.com/oeuvres/operas/nonne.htm
Toutefois, de longs développements
négligés sans doute à raison par Gounod, étaient
prévus par Berlioz. L' oeuvre aurait atteint une longueur démesurée.
Le bicentenaire de 2003 nous permettra peut-être d'entendre ces fragments.
Hervé Lussiez