TANCREDI
un dossier proposé par Catherine Scholler
 
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Tancredi en six points...

par Catherine Scholler

1. Quelques faits
2. Candeur virginale
3. La légende du riz
4. Histoire d'une fin
5. Patriotisme italien
6. Conservatisme et innovation

(Tancredi au Théâtre San Carlo)


1. Quelques faits

Tancredi, melodramma eroico en deux actes, sur une musique de Gioacchino Rossini et un livret de Gaetano Rossi, inspiré d'une tragédie de Voltaire, fut créé au Teatro La Fenice de Venise, le 6 février 1813, avec Adelaïde Malanotte dans le rôle-titre.

L'enjeu était d'importance, il s'agissait du premier grand opera seria de Rossini, et du prestigieux théâtre de la Fenice de Venise. L'ouvrage fit l'effet d'une révolution dans le monde de l'opéra italien et assura à son compositeur qui n'avait pas encore vingt et un ans, mais déjà composé neuf autres opéras, une célébrité mondiale.

La première représentation fut interrompue au milieu du deuxième acte, la Malanotte ayant été victime d'un malaise. Malgré ce contretemps, l'oeuvre connut un succès triomphal et fit le tour de l'Europe en quelques années, interprétée par les plus adulées des cantatrices : Giuditta Pasta, Maria Malibran, Rosmunda Pisaroni... La cavatine d'entrée de Tancredi, Di tanti palpiti, bénéficia immédiatement d'une popularité considérable.

Rossi et Rossini collaborèrent de nouveau dix ans plus tard, dans ce même théâtre, s'inspirant encore d'une tragédie de Voltaire, pour l'oeuvre qui clôtura définitivement le chapitre de l'opera seria, Semiramide.


2. Candeur virginale

"À cette époque, l'Italie déjeunait, dînait et probablement faisait l'amour en musique ; l'air en vibrait ; la mer à Venise et à Naples portait une note sur chacune de ses vagues" Lord Derwent (Rossini, 1937).

En ces années, le tout jeune Rossini courait d'un bout à l'autre de l'Italie, de Venise à Bologne, de Rome à Milan, pour faire jouer sa musique. Pauvre d'argent, il était avide de gloire, richissime d'espoir et d'amour : amant de la belle cantatrice Marietta Marcolini et de quelques autres dames de la haute société, il abandonnera bientôt cette heureuse insouciance en s'établissant à Naples.

"Candeur virginale"... Le mot est de Stendhal qui écrivit aussi : "Ce qui me frappe dans la musique de Tancrède, c'est la jeunesse (...) Tout y est simple et pur (...) C'est le génie dans toute sa naïveté, et si l'on me permet cette expression, c'est le génie vierge encore (...)".

En fait, Tancredi est à Rossini ce que L'Enlèvement au Sérail fut pour Mozart. On trouvera peut-être des opéras de l'un comme de l'autre plus aboutis, mais aucun sur lequel passent ainsi le souffle et l'enthousiasme de la jeunesse. Nulle part les héros n'auront l'éclat de Tancredi et Amenaïde ou de Belmonte et Konstanze. Même le héros meurt dans une émotion douce-amère, celle d'une génération qui ne sait pas encore ce que c'est que la vieillesse et la mort.

Le charme de cet opéra repose essentiellement sur la fraîcheur de l'inspiration, sur l'économie des moyens, sur des mélodies simples qui se retiennent et se fredonnent facilement.


3. La légende du riz

L'anecdote est célèbre : Adelaïde Malanotte, créatrice du rôle-titre, refusa l'air d'entrée qu'avait concocté le maestro. Contrarié, le compositeur entra dans une auberge de Venise, commanda un risotto et, en attendant que le plat soit servi, composa la cavatine Di tanti palpiti sur un coin de table. Merveille du génie et de la prolixité de Rossini, l'air fut terminé au moment où le plat arriva sur la table, d'où son nom d'"aria dei risi".

Très exactement, Stendhal la raconte de la façon suivante, dans sa fameuse Vie de Rossini :
"À Venise, Rossini avait fait pour l'arrivée de Tancrède un grand air dont la Malanotte ne voulut pas ; et comme cette excellente cantatrice était alors dans la fleur de la beauté, du talent et des caprices, elle ne lui déclara son antipathie pour cet air que l'avant-veille de la première représentation.
Qu'on juge du désespoir du maestro ! (...) Le jeune homme rentre pensif à sa petite auberge. Une idée lui vient (...)
En Lombardie, tous les dîners (...) commencent invariablement par un plat de riz ; et comme on aime le riz fort peu cuit, quatre minutes avant de servir, le cuisinier fait toujours faire cette question importante : "bisogna mettere i risi ?" Comme Rossini rentrait chez lui désespéré, la cameriere lui fit la question ordinaire ; on mit le riz au feu, et avant qu'il fut prêt, Rossini avait fini l'air Di tanti palpiti.
Le nom d'"aria dei risi" rappelle qu'il a été fait en un instant."

Cette anecdote est très probablement vraie. En effet, le manuscrit autographe de Tancredi, conservé au Museo Teatrale alla Scala, contient deux cavatines d'entrée en scène pour le héros, toutes les deux de la main de Rossini : à coté de Di tanti palpiti se trouve une autre pièce, Dolci d'amor parole
Mais il est plus probable encore que Stendhal raconte l'histoire à l'envers.

L'auditeur moderne connaît maintenant l'air Dolci d'amor parole, enregistré en bonus de l'intégrale de Roberto Abbado. Il est de facture plus classique, et surtout plus orné que Di tanti palpiti. Et quelle cantatrice refuserait un air dans lequel elle a l'occasion de briller en multipliant roulades et ornements, au bénéfice d'un air plus simple ?

D'autre part, un examen minutieux du manuscrit autographe révèle que Di tanti palpiti fut écrit sur le même papier que les numéros précédents et suivants de l'opéra ; Dolci d'amor parole est noté sur une variété de papier différente et apparaît donc comme un ajout postérieur au manuscrit.

La Malanotte, qui ne pouvait pas se douter que la cavatine d'origine allait devenir si célèbre et estimait probablement que Di tanti palpiti ne la mettait pas assez en valeur, a vraisemblablement chanté tantôt l'un tantôt l'autre air pendant la saison vénitienne, jusqu'à ce que rapidement la popularité de Di tanti palpiti bannisse Dolci d'amor parole de l'opéra. 

En effet, s'il faut en croire Stendhal "depuis le gondolier jusqu'au plus grand seigneur, tout le monde répétait : "ti rivedro, mi rivedrai". Au tribunal où l'on plaide, les juges furent obligés d'imposer silence à l'auditoire, qui chantait "ti rivedro !". ("Ti rivedro, mi rivedrai" : tu me reverras, je te reverrai, mots d'amour de cette cavatine. Des pages entières ont été écrites pour expliquer pourquoi le "tu me reverras" se trouve avant le "je te reverrai"... Innocente fatuité de l'amour insouciant !).

L'air allait devenir un des plus populaires de la première moitié du XIXe siècle. Si populaire que Wagner en fit une parodie dans le choeur burlesque des tailleurs des Maîtres Chanteurs, un demi-siècle plus tard, et que lors de la première de la Neuvième Symphonie, Beethoven le fit chanter afin d'attirer le public.


(Tancredi au Théâtre San Carlo)


4. Histoire d'une fin

Créé à Venise en février 1813, Tancredi fut repris le mois suivant à Ferrare, pour la saison de Carême. Rossini et Adelaïde Malanotte s'y rendirent donc. Or la cantatrice était accompagnée de son amant, Luigi Lechi.

Pour la petite histoire, ce n'est pas la première fois que le destin de Rossini était lié à un membre de la famille Lechi. Le 22 décembre 1797, la légion lombarde que commandait le comte Giuseppe Lechi, frère aîné du précédent, pénétra à Pesaro, qui faisait alors partie des Etats du pape, sous les acclamations de Rossini père, républicain farouche. Giuseppe Rossini et quelques autres décrétèrent le ralliement de Pesaro à la République. Mais les soldats du pape reprirent rapidement possession de la ville, Giuseppe Rossini fut jeté en prison, et sa femme partit pour Bologne, où elle se fit engager comme chanteuse "seconda donna" pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils, âgé de cinq ans. Après dix mois de prison, le père les rejoignit, l'aventure lui avait fait perdre son emploi d'inspecteur des boucheries, il tint désormais le cor dans les orchestres des théâtres dans lesquels sa femme se produisait. Rossini dira : "Sans l'invasion des Français en Italie, j'aurais été probablement pharmacien ou marchand d'huile."

Luigi Lechi, le frère cadet, écrivain et patricien libéral, appartenait à une des plus nobles familles de Brescia. Il faisait partie d'un groupe de poètes regroupés autour de Ugo Foscolo, par l'intermédiaire duquel il avait rencontré la Malanotte. On ne sait pas qui, de Rossini ou de Lechi, suggéra de modifier le final pour le rendre conforme à la pièce de Voltaire en faisant mourir Tancredi. Mais c'est Lechi qui écrivit le texte du dénouement tragique.

Il était encore top tôt : faire mourir un personnage sur scène était tout simplement inconvenant, même si l'agonie de Tancredi est toute de sobriété et d'émotion. Ce dénouement était toutefois moins dramatique que celui de la pièce de Voltaire, puisque Amenaïde y meurt également. Ce 20 mars 1813, le public, déconcerté, bouda cette fin inhabituelle ; on en revint donc au livret originel. Pourtant, les fins tragiques devinrent bientôt la norme de l'opéra romantique, dont Rossini fut le précurseur : Tancredi marque un tournant dans l'histoire de l'opéra.

Paradoxalement, c'est grâce à cette fin qui déplut tant que l'oeuvre fut tirée de l'oubli. 

En 1862, Tancredi, passé de mode, connut une dernière reprise à Paris et disparut des scènes lyriques. La première reprise du XXe siècle eut lieu au Mai Musical Florentin en 1952 sur l'initiative de Tullio Serafin avec Giulietta Simionato dans le rôle-titre, la seconde en 1968 à l'auditorium Pedrotti de Pesaro, sans parvenir à s'imposer autrement que comme curiosité. Ces deux productions donnaient la fin heureuse, car on pensait que le manuscrit du final tragique était perdu, que seul le livret imprimé avait survécu.

C'est en 1974 que le comte Lechi, lointain héritier du librettiste rossinien, informa la fondation Rossini de Pesaro qu'un manuscrit avait été découvert dans les archives familiales. Ce fut l'une des découvertes les plus importantes de la Rossini-renaissance : on identifia bientôt la partition autographe du final tragique, dont la première résurrection eut lieu à Martina Franca en 1976, avec Viorica Cortez, Lella Cuberli et Eduardo Gimenez, puis au théâtre municipal d'Angers sous la direction de John Perras, déjà au pupitre de Martina Franca.

C'est alors que Marilyn Horne tomba amoureuse du rôle-titre et de sa mort douce-amère, et qu'elle l'interpréta partout : au Jones Hall de Houston le 13 octobre 1977, deux mois après à Rome, à Carnegie Hall en 1978, à San Francisco en 1979, au festival d'Aix-en-Provence en 1981 et à la Fenice de Venise en 1981 et 1983. Elle réalisa aussi un enregistrement qui, s'il n'est pas l'aîné de la discographie, est le premier qui fasse réellement honneur à Rossini. De son coté, Lucia Valentini-Terrani aborda le rôle en 1982 au festival de Pesaro.

De nos jours, le final tragique a pris le pas sur la conclusion heureuse, sur scène aussi bien que dans les enregistrements. Il nous est cependant permis, après plus d'un siècle d'agonies donizettiennes et de morts violentes verdiennes, d'aimer tout autant la fin heureuse, tellement plus proche du Rossini jeune et solaire des années pré-napolitaines.


5. Patriotisme italien

Les premiers mots, d'une simplicité sublime, du Tancredi rossinien sont "o ! patria". Ces deux mots suffirent à réveiller l'ardeur dans le coeur d'un peuple qui, dans le sillage napoléonien, retrouvait le sens patriotique.

Comme le note Damien Colas dans Rossini, l'opéra de lumière, "Tancrède n'est autre qu'un soldat de Bonaparte, symbole de gloire, d'aventure, de justice et de liberté, transposé dans la Sicile du XIe siècle". Ou encore, comme le dit Dominique Fernandez dans Le Promeneur amoureux, "le récitatif o ! patria et l'air Di tanti palpiti permet au compositeur d'épancher sa tendresse amoureuse non moins que ses impatiences nationalistes".

L'opéra qui suivra cette oeuvre à la fois belliqueuse, chevaleresque et patriotique dans la production rossinienne sera, la même année et dans la même ville, L'Italienne à Alger, à la fin duquel l'héroïne entonne le fracassant rondo Pensa alla patria.

Quelle mouche piquait donc Rossini ? il semble que les tribulations paternelles rapportées dans le paragraphe précédent lui aient servi de leçon de prudence. Il sortit une seule autre fois de sa réserve, en 1815, après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe. L'Italie se souleva et Murat chassa les Autrichiens. Aussitôt Rossini, qui se trouvait à Bologne, composa un hymne à l'indépendance italienne. Mais la légende, invérifiable, et que le maestro récusa, raconte que les Autrichiens ayant repris Bologne et procédant à d'impitoyables répressions, le compositeur demanda un beau matin à être reçu au quartier général autrichien et proposa de composer un hymne en l'honneur de l'empereur François Ier en échange d'un sauf-conduit. L'hymne était le même que le précédent, mais avec d'autres paroles ! Quand la supercherie fut découverte, Rossini était déjà loin...

Par la suite, à Naples comme à Paris, l'ascension sociale de Rossini fut liée aux Bourbons. Pourtant, quand il quitta la capitale française en 1836 pour s'installer à Bologne, il ne cacha pas son admiration pour le risorgimento.  Mais face à ces jeunes patriotes, il faisait figure de réactionnaire. Effrayé par les insultes qu'il reçut, il quitta Bologne en 1848 et s'installa à Florence.

Quoi qu'il en soit, Rossini avait, semble-t-il, des opinions dans sa jeunesse, qu'il osa timidement faire entendre. D'autres seront moins timorés et, un jour, les allusions patriotiques au sein d'un opéra feront la renommée de Verdi...


6. Conservatisme et innovation

Si l'on feuillette le dictionnaire chronologique de l'opéra à l'année 1813, n'y figurent que trois opéras : Il signor Bruschino, Tancredi, L'Italienne à Alger. Trois opéras de Rossini. Pourtant, à cette époque, toute l'Italie bruissait de musique, et les compositeurs étaient nombreux. Qui de nos jours peut fredonner la moindre mélodie de Pavesi, Mosca, Generali, Manfroce, Coccia, Fioravanti, Nicolini, Portogallo ou Guglielmi ? Et que possédaient les opéras de Rossini qui en firent le compositeur adulé de toute l'Europe et qui précipitèrent ses contemporains dans l'oubli ?

Encore une fois, c'est Stendhal qui fournit une partie de l'explication : "Avant Rossini, il y avait bien souvent de la langueur et de la lenteur dans les opera seria ; les morceaux admirables étaient clairsemés, souvent ils se trouvaient séparés par quinze ou vingt minutes de récitatif et d'ennui : Rossini venait de porter dans ce genre de composition le feu, la vivacité, la perfection de l'opera buffa (...) il entreprit la besogne de porter la vie dans l'opera seria."

Avec Tancredi, Rossini commençait à secouer tous les poncifs de l'opera seria : il conserva la trame de l'opéra métastasien, mais si les récitatifs sont toujours secs, ils sont raccourcis au minimum. De la même façon, il s'agit encore d'un opéra à numéros fermés bien distincts, mais les scènes d'ensemble, dans lesquelles progresse l'action, sont privilégiées par rapport aux arias solistes, qui décrivent les sentiments intérieurs des personnages : duos et ensembles impriment un rythme à l'oeuvre.

À l'intérieur de chaque morceau, la tonicité est également assurée par des contrastes de tensions et de détentes, évitant la monotonie qui pourrait surgir de la succession de numéros. On remarque en particulier une dynamique interne, une montée en puissance menant graduellement au point culminant que constitue la cabalette. On peut prendre pour exemple le deuxième air, splendide, d'Argirio. Il commence mélancoliquement par les hésitations d'un père à signer la condamnation à mort de sa fille : Ah ! segnar invano io tento, puis, après une intervention du choeur, l'atmosphère change, Argirio, résolu, demande pardon de ses larmes : Perdonate questo pianto sur un rythme enlevé et énergique. Cette organisation bipartite des morceaux aura une influence considérable sur le théâtre lyrique italien de tout le restant du XIXe siècle.

Mais revenons à Stendhal : "Ce qui excita des transports si vifs à Venise, ce fut la nouveauté de ce style, ce fut des chants délicieux garnis, si j'ose m'exprimer ainsi, d'accompagnements singuliers, imprévus, nouveaux, qui réveillaient sans cesse l'oreille et jetaient du piquant dans les choses les plus communes en apparence ; et cependant les accompagnements produisaient des effets si séduisants sans jamais nuire à la voix."

L'orchestration de Tancredi paraît donc novatrice à l'oreille de ses contemporains. Celle de l'auditeur du XXIe siècle, habituée à des harmonies plus nourries, plus épicées, ne s'en rend malheureusement plus compte. Il fut cependant longtemps reproché à Rossini, y compris dans ses petits opéras en un acte, une opulence et une difficulté d'orchestration inhabituelle pour son temps. On parlait, le concernant, "d'harmonie allemande" ! Les ressources expressives de l'orchestre sont ici mobilisées comme rarement dans l'opéra italien du début du XIXe siècle. Qu'on écoute attentivement le prélude de l'air de la prison d'Amenaïde...

Mais son immense succès tient tout autant à la beauté et à la simplicité des mélodies, encore complètement dans la tradition belcantiste, cherchant par-dessus tout à mettre la voix en valeur, mais sans excès gratuit. De plus, le choix pour le rôle-titre d'une voix de contralto, en remplacement de la voix de castrat déjà moribonde, montre à quel point Rossini était attaché à la tradition.

Rossini fut ainsi un conservateur-rénovateur, un prodigieux précurseur en même temps qu'un pur produit de la tradition lyrique italienne du XVIIIe siècle qui mourra avec lui, car tout en collant cette tradition au plus près, il la renouvela totalement, préfigurant par le resserrement dramatique, une orchestration éloquente et intense, les premiers accents de la sensibilité romantique naissante.
 
 

Catherine Scholler
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