(Tancredi au Théâtre
San Carlo)
"Je deviendrais infini si je cédais
au plaisir de dire ce que je pense de chacun des morceaux de Tancrède"
(Stendhal).
Acte I
L'oeuvre commence avec une ouverture
empruntée à La Pietra del paragone.
La Sicile est envahie par les Sarrasins
conduits par Solamir. Syracuse, qui a réussi à préserver
son indépendance, est déchirée par la rivalité
de deux familles, celles d'Argirio (ténor) et d'Orbazzano (basse).
Ceux-ci décident de faire front commun contre l'envahisseur (introduction
: Pace, onore, fede, amore). Pour sceller la réconciliation,
la fille d'Argirio, Amenaïde (soprano), doit épouser Orbazzano.
Mais la jeune fille aime secrètement
Tancredi (contralto, rôle travesti) qui, bien que né à
Syracuse et de sang royal, a été banni dès son plus
jeune âge en même temps que son père (choeur et cavatine
d'Amenaïde : Come dolce all'alma mia). La jeune fille lui a
écrit pour qu'il vienne la retrouver et libérer Syracuse
des Sarrasins. Par prudence, elle n'a pas mentionné le nom du destinataire
sur la lettre. Or Tancredi est déjà de retour, incognito.
Avec le fidèle Roggiero (soprano, rôle travesti) il désire
défendre sa ville contre les Sarrasins et veut revoir Amenaïde
(récitatif et cavatine : O patria !... Di tanti palpiti)
: tout y est dit de la tendresse, de l'impatience, de l'anxiété
après une séparation si longue.
Amenaïde survient en compagnie
de son père qui lui ordonne d'épouser Orbazzano et lui apprend
que Tancredi risque la peine de mort s'il est surpris à Syracuse
(air : Pensa che sei mia figlia). Restée seule, la jeune
fille se trouve en présence de Tancredi, mais pour sauver la vie
de son amant, elle l'exhorte à quitter Syracuse sans lui en expliquer
les raisons et sans lui révéler le projet de mariage conçu
par son père (récitatif et duo : L'aura che intorno spiri).
Alors que les préparatifs de
mariage commencent (choeur : Amori scendete), Tancredi se présente
comme le chevalier inconnu et propose son aide pour défendre Syracuse.
À sa vue, Amenaïde déclare publiquement son refus d'épouser
Orbazzano. Ce dernier, furieux, dévoile à l'assemblé
la lettre d'Amenaïde qu'il a interceptée et prétend
que le destinataire en est Solamir. Amenaïde, qui ne peut pas dire
en public le nom du destinataire de la lettre, car ce serait condamner
Tancredi à mort, ne peut se disculper, ni auprès de l'assistance
ni auprès de son amant. Accusée de haute trahison, elle est
jetée en prison et condamnée à mort (récitatif
et premier final : Ciel ! que intesi !).
Acte II
En proie au désespoir, Argirio
hésite avant de signer la condamnation à mort d'Amenaïde
que lui réclame Orbazzano (récitatif et air : Ah ! segnar
invano io tento). Isaura (mezzo-soprano) prie pour son amie (air : Tu
che i miseri conforti).
Seule dans sa prison, Amenaïde
se prépare à affronter son châtiment (scène
et cavatine : No, che il morir non è). L'air est précédé
d'un prélude particulièrement inspiré. Tancredi, toujours
incognito, se présente alors comme champion de la jeune fille et,
pour prouver son innocence, dont il n'est lui-même pas convaincu,
au cours du jugement de Dieu, provoque Orbazzano en duel. Unis dans la
même douleur et la même espérance Tancredi et Argirio
s'étreignent (récitatif et duo : Ah, se de' mali miei).
Bientôt la nouvelle de la mort
d'Orbazzano et de la victoire de Tancredi arrive jusqu'à Amenaïde
qui laisse éclater sa joie (récitatif et air : Giusto dio
che umile adoro) Le peuple célèbre la victoire du héros
inconnu (choeur : Plaudite, o popoli). Cette scène est introduite
par les instruments à vent seuls, suivis de l'orchestre entier,
effet de spatialisation qui suggère l'approche de la foule. Libérée,
Amenaïde ne parvient pas à convaincre Tancredi de son innocence.
Il part trouver la mort dans le combat contre les Sarrasins (récitatif
et duo : Lasciami, non t'ascolto). C'est le duo des adieux et des
larmes refoulées, d'une délicatesse et d'une mélancolie
infinies.
Ruggiero, qui a appris d'Isaura qu'Amenaïde
n'a pas trahi Tancredi, invoque la paix pour l'âme tourmentée
de son maître (air : Torni alfin ridente e bella).
Final de Venise :
Non loin du camp sarrasin, Tancredi
pleure sur son triste sort, il ne pourra jamais oublier sa bien-aimée
infidèle
(scène et cavatine : Ah ! che scordar non so). Les soldats
sarrasins passent non loin de là en se vantant de leur triomphe
imminent (choeur : Regna il terror). Argirio et Amenaïde, qui
sont à la recherche de Tancredi, font leur apparition. Argirio tente
de convaincre Tancredi de l'innocence de sa fille, mais au moment où
celui-ci commence à fléchir, des soldats sarrasins apparaissent,
proposant qu'Amenaïde épouse Solamir en gage de paix (marche
: Qual suon ? che miro !). Tancredi repousse de nouveau Amenaïde
et court chercher la mort en prenant le commandement des soldats combattant
les Sarrasins (scène : Or che dici ? or che rispondi ?).
Amenaïde et Isaura attendent
l'issue de la bataille. Les chevaliers syracusains reviennent : ils ont
remporté une pleine victoire sur l'ennemi. Tancredi a tué
Solamir qui, en mourant, lui a révélé l'innocence
d'Amenaïde. Tous chantent leur bonheur (récitatif et second
final : Fra quei soavi palpiti).
Final de Ferrare :
Dans un endroit isolé au pied
de l'Etna, Tancredi pleure sur son triste destin, il ne pourra jamais oublier
sa bien-aimée infidèle (scène et cavatine : Ah
! che scordar non so, texte et musique identiques au final de Venise),
mais les chevaliers syracusains le rejoignent et demandent son aide contre
Solamir (choeur : Regna il terror, même musique que le choeur
des sarrasins du final de Venise, sur des paroles différentes).
Argirio et Amenaïde, qui sont à la recherche de Tancredi, font
leur apparition, mais il refuse de les écouter et repousse la jeune
fille (rondo : Perché turbar la calma). Il se met à
la tête des Syracusains et promet de les conduire à la victoire.
Argirio rentre seul du combat, annonçant
que Syracuse a remporté la victoire, mais que Tancredi est mortellement
blessé. Les chevaliers reviennent portant le héros agonisant
(choeur : Muore il prode) qui apprend de la bouche d'Argirio que
le billet d'Amenaïde lui était destiné. Tancredi pardonne
à la jeune fille tandis qu'Argirio unit leurs mains. Il meurt dans
la plus parfaite simplicité, sur des longues tenues de cordes seules
(cavatine finale : Amenaïde serbami tua fé), sans un
cri, sans lamentation inutile, sans explosion d'orchestre grandiloquente,
simplement sur le filet de voix d'un agonisant.
Catherine Scholler