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En commémoration du bicentenaire de sa disparition «
Cimarosa met toujours sa statue sur la scène et le piédestal dans l’orchestre,
II. La reconnaissance et le renom L’automne 1781 apporte également à Domenico la reconnaissance qui lui manquait jusqu’alors : de brillants succès ne l’avaient pas encore hissé au rang d’un Paisiello ou d’un Piccinni. Avec Giannina e Bernardone de Filippo Livigni c’est chose faite ! La création fit monter le compositeur au nord de Rome pour la première fois, puisqu’elle eut lieu au Teatro San Samuele de Venise. Dépassant le thème connu du mari (extrêmement) jaloux, Cimarosa nous offre ici une agréable peinture de société, rehaussée par un usage particulier des vents dans l’orchestration. Cette année verra encore une dernière création, au teatro Filarmonico de Vérone, et appartenant au genre « serio » : Giunio Bruto de Giovanni Pindemonte. De nouveau au San Samuele de Venise, Domenico crée au début de 1782 : Il Convito [le banquet], oeuvre bouffe de Filippo Livigni, qui, outre un fort bel air pour un personnage féminin se disant trahi, et se comparant à Didon, comporte une ouverture à l’inhabituelle couleur mélancolique. On fait remonter à cette époque la création de Absalom « actio sacra » en latin et dont il existe une version italienne : Assalonne. Reparti pour Rome, Domenico crée, le soir du 3 mars 1782, au palais de l’Accademia di Francia, la cantate Per la Nascita del real Delfino, figlio di Luigi XVI° [pour la naissance du Dauphin royal, fils de Louis XVI]. Il donne également L’Amor costante [l’amour constant] au Teatro Valle puis reprend le chemin de Naples. C’est une commande de prestige, qu’il doit exécuter en l’honneur de l’anniversaire de la reine Maria Carolina d’Austria. L’année précédente, on avait appelé Zingarelli qui avait donné un Montezuma, cette année, l’honneur revient à Cimarosa, qui de plus, fait son entrée dans le plus grand des théâtres napolitains, le San Carlo ! Son opéra s’intitule L’Eroe cinese [le héros chinois] et conte, sur un texte de Métastase, le malheur d’une famille impériale chinoise massacrée lors d’une révolution. Si l’ouverture est considérée comme l’une des meilleures de son auteur, il n’en va pas de même du reste de la partition, qui à part quelques belles pages, reste enlisée dans une tradition des plus rigides, faisant alterner airs et récitatifs au clavecin. Hors, dans le domaine bouffe, Domenico nous a maintes fois montré sa capacité innovatrice par ses trouvailles bienvenues... Toujours en 1782, est créée aux Fiorentini, La Ballerina amante [la ballerine amoureuse] de Giuseppe Palomba (ou Cesare Augusto Casini, selon certains spécialistes du compositeur). On retrouve dans le finale du premier acte, le thème du marteau qui bat et des cloches qui sonnent la confusion dans les têtes des personnages ! On remarque également que le troisième acte devient plus court et s’achemine vers sa disparition, comme ce sera le cas par la suite dans l’opéra bouffe d’école napolitaine. La créatrice de cette ballerine était Celeste Coltellini, la « Perla di Napoli » dont le grand talent attirait les foules. Avec ses deux soeurs peintres et une troisième, cantatrice comme elle, elle reçut des hommes de lettres, des musiciens et des artistes, en une sorte de cercle culturel assez fréquenté. Elle se retira de la scène en 1792 et épousa un banquier suisse au nom peut-être prédestiné de Giorgio Meuricoffre. En 1783, Domenico est invité à composer l’opéra pour l’inauguration de la Saison de Carnaval du Teatro alla Scala : La Circe de Domenico Perelli. Ses oeuvres étaient déjà arrivées au grand théâtre milanais mais non dans le cadre d’une commande officielle, comme ce fut le cas cette fois. Au Teatro Valle de Rome, est créé le divertissant I Due Baroni di Roccazzurra de Giuseppe Palomba. Son traitement, si équilibré dans la caricature des « deux barons » ridicules, a fait dire à Gino Roncaglia : « Cimarosa a un style noblement raffiné et élégant qui se maintient tel même dans la caricature, laquelle se teinte alors d’un humour subtil et d’une vive gaieté, soulignant avec une finesse débonnaire les aspects comiques des situations ou des personnages sans les faire éclater... L’homme Cimarosa se fond avec le musicien dans l’observation de la comédie avec un sens d’humaine sympathie l’empêchant d’exagérer dans le rire comme dans les larmes ». Cet opéra est aussi le sujet d’une curieuse intervention mozartienne à propos d’un air, réécrit pour les « convenienze » de madama Villeneuve, interprète viennoise de l’oeuvre..... Au mois de juin 1783, est créé au Teatro del Fondo, La Villana riconosciuta [la paysanne démasquée], sur un livret de Palomba. L’accueil positif du public fut dû aux mérites de l’opéra mais également au « spectacle dans le spectacle » auquel il eut droit le soir de la première. En effet, au cours d’un litige purement fictif et prévu par l’action, les deux primedonne se laissèrent aller à une véritable dispute, rappelant une mémorable et similaire scène de gifles lors de la première à Londres, en 1727, de l’Astianatte [Astyanax] de Giovanni Bononcini. Changement de ton pour Cimarosa, avec l’anniversaire de la reine ! Le San Carlo donne son Oreste, « dramma serio » de Luigi Serio, poète et professeur de « eloquenza italiana » à l’Université de Naples. L’intéressante lettre qu’il envoya au roi mérite un moment d’attention : il s’y plaint de « l’ignorance et de la négligence » des chanteurs qui assujettissent compositeur et librettiste à leur vanité et, l’expression italienne est trop plaisante pour que nous ne la rapportions qu’en traduction, et, donc, « che si fanno cader dalla bocca le parole del poeta, senza arte e senza animarle con opportune espressione ». Voilà donc ces chanteurs vaniteux « qui laissent tomber de leur bouche les paroles du librettiste, sans talent et sans les animer de l’expression adéquate ». Luigi Serio adopta la mesure -bénie, dirait-on aujourd’hui !- de réduire les récitatifs et d’ajouter des choeurs afin de « réveiller l’attention des auditeurs » (fit-il ici le jeu de mots ?), et il se donna même la peine d’intégrer ces choeurs à l’action. Il se situait par conséquent en droite ligne de la réforme de Ranieri de’ Calzabigi qui choisit d’abord Gluck, et poursuivit ses innovations avec Giovanni Paisiello (Elfrida , 1792). On peut noter que l’une des interprètes, Maria Bertaldi, avait une voix si étendue que Cimarosa poussa son rôle de Elettra jusqu’au sol suraigu, dépassant ainsi la fameuse tessiture de la Reine de la Nuit ! Un document de l’époque nous fournit une précision quant au salaire de la « compagnia di canto » (les chanteurs), atteignant la somme globale de 2132,50 ducats, tandis que Cimarosa en recevait 360 et le malheureux orchestre du San Carlo, 621,10 ! La même année 1783, le Teatro dei Fiorentini donne un divertissant opéra bouffe au curieux titre de Chi dell’altrui si veste, presto si spoglia [qui revêt l’apparence d’un autre, a vite fait de s’en départir] et dû à la plume de l’éternel Palomba. Il s’agit d’une fraîche et sympathique comédie de travestissements, comme l’indique déjà le titre littéral : « Qui s’habille de ce qui appartient à quelqu’un d’autre, se dévêt rapidement ». A son écoute, fort agréable, on est surpris par les moments de tendresse qui touchent vraiment : ainsi les plaintes des imposteurs, considérant la misère de leur condition, sont rendues avec des accents à la fois un peu grotesques mais également avec une sincérité, une profondeur humaine qui émeuvent. C’est pour la saison de carnaval 1784 du Teatro Valle de Rome que Domenico compose l’opéra bouffe I Matrimoni impensati [les mariages imprévus] connu aussi sous le titre de La Bella Greca [la belle Grecque] et dont le rôle de Irene est créé par le castrat Andrea Martino surnommé le Senesino (le Siennois), et promu à un bel avenir. Si on ignore le librettiste de cette oeuvre, on sait que Giambattista Lorenzi a écrit la suivante, créée au Fiorentini de Naples sous le titre double de L’Apparenza inganna ovvero La Villeggiatura [l’apparence trompe ou la villégiature]. Un important théâtre reçoit la prochaine création de Cimarosa qui « monte » à Florence et donne au Teatro della Pergola La Vanità delusa o Il Mercato di Malmantile [la vanité déçue ou le marché de Malmantile]. Il s’agit de son premier livret d’après Carlo Goldoni dont il conserve le titre original alors que d’autres compositeurs utilisèrent l’histoire mais sous le titre de La Vanità delusa . Des commentateurs modernes trouvent de grandes valeurs dans cette oeuvre et notamment : « Le Quintetto du premier acte “Mi sento nelle vene”, admirablement commencé par la voix de soprano, représente ce qu’il est apparu de plus significatif dans la musique du XVIIIe, au côté de Mozart. Des pages comme celle-ci, on n’en trouve même pas dans Il Matrimonio segreto ». Précisément, un autre critique parle de motifs « d’une pénétrante beauté thématique semblant repris tels quels de Don Giovanni et de Die Zauberflöte » ...n’étant encore écrits ni l’un ni l’autre ! Le 10 juillet 1784, c’est la solennelle inauguration du nouveau Teatro Eretenio de Vicence avec L’Olimpiade, oeuvre sérieuse de Cimarosa, sur un livret de Métastase. L’oeuvre présente plusieurs composantes dignes d’intérêt et tout d’abord, il faut remarquer comme le récitatif « accompagnato » apparaît, lors de moments cruciaux du point de vue dramatique. Il y a également cet air de Aristea au second acte, dans lequel un hautbois vient dialoguer avec la voix ! On signale également les deux finales, le premier, un duo délicatement élaboré, et le second, un intéressant « concertato » rassemblant tous les personnages. Au mois d’octobre de la même année, voilà notre Domenico à Milan où il doit donner au Teatro alla Scala I Due Supposti Conti, ovvero Lo Sposo senza moglie [les deux comtes supposés, ou l’époux sans femme]. Il s’agit du premier livret de Angelo Anelli qui allait se faire connaître avec Ser Marcantonio (source de Don Pasquale) pour Stefano Pavesi, et puis L’Italiana in Algeri pour Rossini. L’oeuvre ne plaît pas beaucoup au public, malgré une belle parodie du célèbre air métastasien de L’Olimpiade, ce texte que Cimarosa venait précisément de mettre, sérieusement cette fois, en musique ! quelle belle preuve de recul à propos de lui-même ! Voici le moment venu d’une villégiature... et d’un désaccord chez les biographes de Cimarosa. Alors qu’il se trouve à Cantù, dans la campagne piémontaise, chez un prince qu’il avait connu à Milan, notre Domenico aurait vécu une tendre intrigue avec la belle Antonia Mazzuchelli, fille du receveur des impôts de Cantù. Une poésie d’adieu écrite par le compositeur, alors âgé de trente-quatre ans et destinée à cette « Tognina » de dix-neuf ans, est à l’origine du doute, mais peu importe ! Seul le bonheur compte ! Domenico devait rester dans la région du Piémont car Turin, sa capitale, attendait son Artaserse le 26 décembre 1784. Le succès qui l’accueillit, lui valut une commande pour la saison 1786-87. Un récitatif « accompagné », avec, paraît-il, une intéressante partie de clarinette, ainsi qu’un « Rondò » élaboré dans la mélodie, sont les éléments les plus remarquables de l’opéra. Revenu à Naples, Domenico crée aux Fiorentini, Il Marito disperato [le mari désespéré] sur un livret de Lorenzi. Ce plaisant opéra-bouffe traite une fois encore des extravagances découlant d’une jalousie maladive, en l’occurrence, celle du « mari désespéré » du titre. Le critique Paolo Isotta écrivait en 1975 que ce livret « n’a rien de vraisemblable ou de conséquent. Il ne révèle aucune préoccupation de la vraisemblance psychologique... C’est une intrigue compliquée, absurde et irritante tant que nous la lisons sur le papier... Qu'intervienne la musique et chaque fil de l’écheveau est démêlé, chaque bouffonnerie semble trouver un sens. Et grâce à la musique se complète la signification de ce jeu théâtral que le livret peut seulement esquisser.» C’est dire la force suggestive de la musique !... Cette musique, dont le musicologue Rubens Tedeschi décrit avec enthousiasme « l’extraordinaire don mélodique qui rend authentique aussi bien la gaieté populaire des personnages bouffes que la sentimentalité des tendres et de ceux qui soupirent ; même lorsqu’il [Cimarosa] se limite à suivre la manière du moment (et cela lui arrive souvent) il conserve une fraîcheur bien à lui ». Après avoir assisté, en 1798, à une représentation de l’opéra, renommé La Gelosia punita [la jalousie punie], Wolfgang von Göthe écrivait déjà à Friedrich von Schiller : « Cimarosa se révèle dans cette composition, comme dans d’autres, un “maestro” parfait ». Il s’étonne ensuite qu’un texte aussi « simple puisse épouser avec autant de bonheur la plus grande expression esthétique de la musique ». En tant qu’auditeur ayant pu suivre la retransmission de l’opéra, monté par le Teatro San Carlo en hommage à Cimarosa, je partage pleinement l’avis de Tedeschi, augmenté, même, par la stupeur provoquée par la découverte du renouvellement incessant de cette musique, jaillissant telle une source toujours aussi incroyablement fraîche ! Le Teatro Nuovo voit sa dernière création de l’année 1785, sur un livret de G. Palomba au titre vraiment extravagant : La Donna sempre al suo peggior s’appiglia [la femme s’agrippe toujours à ce qu’elle a de plus mauvais]. C’est pour le même théâtre qu’il compose l’année suivante l’excellent opéra bouffe Le Trame deluse [les machinations déjouées] sur un livret de Giuseppe Maria Diodati. Il semble que Rossini préférait cette oeuvre à Il Matrimonio segreto et qu’il s’inspira d’un quintetto fort réussi pour son sextuor de La Cenerentola. Les passages brillants et piquants abondent dans cette partition où ce curieux mariage du texte et de la musique donne, une fois encore, une superbe réussite théâtrale. On y remarque particulièrement « des parenthèses de commentaire à plusieurs voix, méritant d’être considérées parmi les plus merveilleux moments de polyphonie jamais écoutés dans l’opéra bouffe du XVIIIème siècle. » . Il est vrai que ces « ensembles » sont notables, (même s’il s’agit plus de « parenthèses », précisément, que de véritables morceaux musicaux) et l’on sent une tendresse que Rossini ne dédaignera pas dans ses opéras en un acte (plus que dans Il Barbiere ou dans L’Italiana in Algeri). Au Teatro del Fondo, Domenico donne le « dramma sacro » Il Sacrifizio di Abramo qui enthousiasma Stendhal. Il faut citer la scène de Sara commençant par un récitatif très dramatique, suivi d’une prière dont la phrase descendante rend exactement l’expression de sa douleur. Toujours en 1786, Domenico fait représenter au Nuovo de Naples l’opera bouffe Il Credulo [l’homme crédule] sur un livret de Diodati, dont le troisième acte est une farce La Baronessa stramba, [la baronne cagneuse] montée par les personnages de l’opéra bouffe ! Dans le même théâtre est créé L’Impresario in angustie [l’entrepreneur de spectacles dans les ennuis], dans lequel le librettiste Diodati et Cimarosa s’amusent à faire une savoureuse caricature des habitudes, manies et difficultés du monde de l’opéra. Ce thème, largement exploité par des compositeurs et des librettistes eux-mêmes victimes des exigences des chanteurs, remonte au manifeste ironique Il Teatro alla moda que Benedetto Marcello avait publié en 1720. Parmi les opéras et les farces utilisant ce thème, on connaît encore de nos jours : L’Impresario delle Canarie de Pietro Metastasio, mis en musique par six compositeurs ; La Dirindina de Domenico Scarlatti, La Canterina de Haydn, Prima la Musica e poi le parole [d’abord la musique et ensuite les paroles] de Antonio Salieri, Le Cantatrici villane [les cantatrices mal élevées] de Valentino Fioravanti, Der Schauspieldirektor de Mozart... et enfin, jusqu’à l’époque romantique de Gaetano Donizetti nous offrant la réécriture la plus montée à l’heure actuelle : Le Convenienze ed inconvenienze teatrali. Göthe assista au Valle de Rome à L’Impresario in angustie et nota dans son carnet de voyage tout le bien qu’il en pensait et le vif plaisir qu’il prit à la représentation. A tel point qu’une fois directeur du Théâtre de Cour de Weimar, il choisit L’Impresario in angustie parmi les trois Cimarosa qu’il proposa et en assura même la traduction allemande. Une autre parodie pourrait bien avoir été composée à ce moment (on hésite sur la période allant de 1786 à 1793) et elle tient plutôt de la cantate que de l’opéra ou même de l’«intermezzo», puisqu’elle ne comporte qu’un personnage unique : le chef d’orchestre, ou, comme on disait à l’époque, Il Maestro di cappella . Le maestro, donc, répète avec son orchestre, en disant qu’il veut exécuter un air « in stil sublime ». Au lieu de cela, se produit une cacophonie désastreuse, chaque instrument attaquant à un mauvais moment ! Le pauvre maestro se voit donc obligé de reprendre chaque partie en chantonnant. Outre l’intérêt de détailler les timbres instrumentaux de l’orchestre de l’époque, l’oeuvre présente un bel et efficace moment symphonique conclusif, lorsque tous les musiciens sont enfin prêts ! Pour le carnaval 1787, Domenico est de nouveau à Turin, où il doit donner le « dramma serio » de Gian Domenico Boggio : Volodimiro, avec notamment le célèbre Girolamo Crescentini. L’oeuvre est dominée par les airs pour solistes, appartenant bien souvent à la forme avec « da capo », et le dernier acte mérite d’être signalé car c’est l’un des plus longs « troisièmes actes » écrits par le compositeur. On ne passe pas à côté de l’anecdote née de ce séjour turinois : la coutume voulait que lorsque le roi de Piémont-Sardaine assistait à un opéra, celui-ci ne devait pas dépasser une certaine durée. Un chambellan se présentait donc à l’ultime répétition et notait scrupuleusement la durée de chaque morceau. Il arriva que ce pauvre Volodimiro la dépassait de... cinq minutes ! Le chambellan signifia à Cimarosa de faire en sorte de récupérer ces cinq minutes et il indiqua même un morceau lui ayant semblé trop long (!!) -passant de simple «minuteur» à estimateur !- Cimarosa se refusa de toucher au morceau dont il voulait l’effet intact ! L’obstination de part et d’autre conduisit l’affaire devant le roi Vittorio Amedeo III° qui décida, en grâce du mérite reconnu du compositeur, que ces cinq minutes lui seraient concédées. L’opéra fut bien accueilli, le fameux morceau ne sembla « long » à personne et ces cinq minutes supplémentaires ne dérangèrent aucunement ! Avant de quitter Turin, Domenico se rendit, selon l’usage, auprès du souverain qui ne lui ménagea pas ses louanges. Puis, adoptant un ton plus familier, Vittorio Amedeo Terzo recommanda à Cimarosa de faire en sorte d’éviter quelque sinistre rencontre durant son voyage. Domenico remercia le souverain de sa bonté puis, d’un air facétieux, il déclara en conclusion : « Du reste, les voleurs, Majesté, doivent y repenser à deux fois car ils ne gagneraient rien, dépourvu de tout comme je le suis, à moins qu’ils n’aient l’intention de me voler ces cinq minutes que la clémence de Votre Majesté daigna m’accorder... ». Et le lecteur de ne pas s’étonner qu’un homme capable d’une musique si spirituelle le soit également, de caractère ! Le retour à Naples confronte Domenico à une situation qui a évolué : depuis 1785, Giovanni Paisiello y était revenu également et la cour, orgueilleuse de ses succès, avait décidé de lui verser une pension appréciable qui de plus, le liait exclusivement aux théâtres napolitains. Il donnera d’ailleurs nombre d’opéras importants, comme Antigono, La Grotta di Trofonio, Olimpiade, Pirro, Fedra, et son chef d’oeuvre, considéré comme le prototype de l’opéra romantique du siècle suivant : Nina o sia La Pazza per amore . Ceci expliquerait la diminution des créations cimarosiennes et son départ pour la lointaine Russie... Cette année 1787, il ne donnera d’ailleurs que Il Fanatico burlato [le fanatique raillé] au Teatro del Fondo, sur un livret de l’imaginatif Saverio Zini... mais il s’agit de l’un de ses opéras les plus réussis ! Le pétillement ininterrompu de l’oeuvre et son incroyable vitalité sont fort bien résumés par cette analyse de Roberto Iovino : « Les cordes, mais également les vents, concourent à caractériser personnages et situations avec une immédiateté d’images extraordinaire ». Nombreux sont les passages dignes d’attention, comme le Finale du premier acte dans lequel les personnages sont comme pétrifiés de confusion, ou l’étrange cérémonie qui voit l’un d’eux devenir « Gran Mammalucco » sur fond de mots orientalisants ! |