Il
Pirata , " opéra-roman noir "
ou
du " Fanastismo " à Milan
La diligence avait
quitté Naples le 5 avril 1827 et, remontant une bonne partie de
l'Italie, fini par arriver à Milan le 12 avril. Un collègue
et ami attendait Vincenzo Bellini dans la capitale de la Lombardie : Saverio
Mercadante, qui en était déjà à son vingt-quatrième
opéra, Il Montanaro, sur le point d'être créé
à la Scala. Mercadante servit de guide à Vincenzo dans la
citée inconnue, et le présenta à Felice Romani, le
grand librettiste du temps. Romani était un Gênois âgé
de trente-neuf ans, fin lettré ayant voyagé et longuement
séjourné dans plusieurs pays d'Europe. Appartenant à
l'école " classique " il n'en devint pas moins le premier
librettiste de goût romantique et c'est ce trait commun qui l'unit
d'emblée à Bellini : la recherche de la parole exprimant
le plus immédiatement possible la pensée et le sentiment
humains, avec une musique leur correspondant étroitement, tantôt
avec la fougue, tantôt avec la brume du romantisme ! Sept des dix
opéras de Bellini seront le fruit de leur étroite collaboration.
Si le Teatro alla Scala s'était assuré le concours de trois
chanteurs estimés, Enrichetta Méric-Lalande, Giovanni Battista
Rubini et AntonioTamburini, le compositeur était quasiment inconnu,
et un journal de l'époque le désignait ainsi : " un
giovane maestro napolitano "... précisant tout de même
: " L'école d'où il est sorti est d'un heureux présage
".
L'auditeur moderne est " fait " à toutes les musiques
d'opéras et, habitué aux grandes vagues ultra dramatiques
d'un Puccini ou d'un Giordano, il n'imagine pas, lorsqu'il entend la suave
musique bellinienne de Il Pirata, la nouveauté qu'elle représentait
à l'époque. On sait que Rossini allait déjà
vers une plus grande expressivité de la musique, à commencer
par les vocalises, qui n'étaient plus ces fastitieuses décorations
" voyantes " mais vides, mais traduisaient les sentiments des
personnages et ainsi se justifaient. La génération naissante
des Romantiques voulaient plus d'expressivité, de passion simple,
directe, épurée...
Il ne suffisait pas de composer dans cette voie, il fallait rééduquer
les chanteurs! Francesco Pastura , grand spécialiste de Bellini,
résume bien cette délicate opération : " Il
s'agissait d'initier des artistes confirmés, à un style
différent de celui qu'ils avaient jusqu'alors pratiqué,
de plier leur voix et leur sensibilité aux exigences d'une musique
qui était chant et qui était déclamation, qui était
la mélodie découlant de la poésie - de laquelle elle
restituait inchangés, les mêmes accents prosodiques- mais
qui, en élargissant les limites des paroles, traduisait immédiatement
les états d'âme des personnages. ". Et l'auditeur moderne
de sourire lorsqu'il lit : " déclamation ", habitué
qu'il est, à l'abus qu'en a fait la "Giovane Scuola italiana"....
mais ainsi était perçue cette nouvelle musique et pour mieux
l'entendre -faisons le jeu de mots facile!- voici l'intéressant
récit du comte Barbò, s'étant trouvé au milieu
d'un entretient unissant Bellini et le ténor Rubini.
L'étude du duo Gualtiero-Imogene commence mais " Conseils,
prières, répétitions se multipliaient inutilement
; si bien que, ne pouvant se contenir plus avant, Bellini s'exclama :
"Tu sei una bestia [Tu es un animal], tu n'y mets pas la moitié
du sentiment que tu ressens ; ici où tu pourrais faire délirer
tout le théâtre, tu es froid et languissant ; montre ta passion
; n'as-tu jamais été amoureux ?" L'autre ne répondait
mot et s'en restait tout confus. Alors le maestro prit un ton de voix
quelque peu plus doux : "Caro" Rubini, tu penses que tu es Rubini
ou alors Gualtiero ? ne sais-tu pas que ta voix est une mine d'or non
encore entièrement découverte ? Écoute-moi et un
jour tu me seras reconnaissant ; tu es parmi les meilleurs artistes, personne
ne t'égale en bravoure mais cela ne suffit pas.
-Je comprends ce que vous voulez, mais je ne peux me désespérer
et monter en fureur par fiction.
-Avoue-le, reprend Bellini, la véritable raison est que ma musique
ne te plaît pas, car elle ne te laisse pas les habituelles opportunités
; mais si je m'étais mis en tête d'introduire un nouveau
genre et une musique exprimant très étroitement la parole,
et ne faisant du drame et de la musique qu'une seule chose, dis-moi, devrais-je,
à cause de toi, n'avoir pas été aidé ? Tu
le peux, il suffit que tu t'oublies et te poses avec tout le sentiment
du personnage que tu représentes : viens donc ici mon ami".
Et il se mit à chanter lui-même. Bien que sa voix n'eût
pas de qualité particulière, le visage animé comme
toute sa personne, il exprima un chant si pathétique et touchant,
qu'il serrait le coeur et le déchirait tour à tour, à
tel point qu'il aurait attendri le plus dur des hommes. Ému, Rubini
lui succéda avec sa stupéfiante voix.
- "Bravo Rubini, voilà, tu m'as compris, je suis content.
Je t'attends demain pour faire de même ; du reste, souviens-toi
d'étudier debout, accompagne-toi avec tes gestes." Et, le
saluant affectueusement, il rappela l'ami [le comte s'était retiré
dans une pièce voisine] qui avait entendu l'entretien au milieu
de l'admiration, du rire et de la peur. "
L'expressivité
! grande question, encore d'actualité en matière d'interprétation
d 'opéra... et la meilleure technique du monde ne saurait la remplacer.
Considérons un instant le cas Rubini, ténor adulé
et dont on se souvient aujourd'hui à propos des inabordables notes
écrites pour lui par bellini dans I Puritani. On sait qu'à
partir d'un certain seuil, il émettait les notes très aigues
en voix mixte, mais son extraordinaire technique lui permettait une transition
naturelle et imperceptible. On n'en possède hélas que des
témoignages écrits mais qui peuvent tout de même donner
une idée : " La nature donna au chant de Giovanni Battista
Rubini, note la revue milanaise I Teatri de juin 1827, une rare
union des voix de poitrine, mixte et de tête, toutes très
belles ; une prodigieuse agilité dans le passage de l'une à
l'autre ; un génie fécond dans le fait de l'utiliser...
". La revue signale que si la couronne du chant ne lui fut pas pour
autant décernée, c'est probablement à cause d' "
une certaine langueur d'action " -voilà l'expressivité
!- " ne correspondant pas toujours en lui à l'expression animée
et magique de la voix ". Le texte est clair malgré l'expression
" une certaine langueur d'action " qui fait sourire mais explique
bien que Rubini, tout grand technicien qu'il était, péchait
par le manque d'expressivité, ne savait pas bien animer, faire
vibrer de vie, ce chant qui lui sortait pourtant miraculeusement de la
gorge !... et il fallut un jeune " maestro " débutant
pour lui en faire prendre conscience...
Bellini eut beaucoup
moins de mal d'obtenir la même chose de Enrichetta Méric-Lalande
car elle avait été l'élève du célèbre
et terrible Garcia et de l'aussi célèbre Talma, pour le
jeu scénique. Ce fut heureux pour lui, si l'on considère
tous les élans de désespoir qu'il composa pour elle, à
la fois dans Il Pirata mais aussi dans La Straniera.
Le soir du 27 octobre 1827, l'accueil est tel que le pauvre Bellini est
frappé d'une violente commotion de joie, suivie de pleurs convulsifs
qu'il peut à peine freiner au bout de cinq minutes ! Lui donnant
raison contre Rubini, l'air de ce dernier provoqua une " fureur telle
qu'on ne peut l'exprimer et je me suis levé au moins dix fois pour
remercier le public, écrit Bellini à son oncle Vincenzo.
A la fin du superbe Duetto ténor-soprano du premier acte, "
les gens du public, criant tous comme des fous, ont fait un tel fracas
que cela semblait un enfer ". Les deux grands et magnifiques airs
pour ténor puis soprano, situés à la fin de l'opéra,
produirent " un tel enthousiasme, au point de ne pouvoir l'exprimer
par des mots et la langue italienne elle-même n'a pas de terme pour
décrire l'esprit de tumulte qui s'emparait du public, m'appelant
sur la scène ".
La critique fut également
impressionnée par la recherche passionnée de l'expressivité,
commençant par les récitatifs, d'ordinaire si pauvres et
ici : " de très belles phrases chantées " et "
une déclamation chantée bien conçue " (I
Teatri).
On remarqua également la tendance à l'utilisation fréquente
du mineur afin de rendre plus étroitement le texte du livret.
C'est le cas du premier air de Gualtiero " Nel furor delle tempeste
" passant de l'invective du pirate, sur son curieux rythme de boléro,
à l'effusion du tendre amoureux parlant de son " angelo celeste
" en mineur précisément, et noté scrupuleusement
: con molta espressione e più lento par Bellini, qui écrira
à son ami Florimo : " le chant était d'un effet surprenant
par sa grande simplicité dans l'épanchement de l'âme
". Cette sorte d'abandon puis de reprise du thème principal,
permet d'exprimer plus de sentiments et donc de " coller " au
texte, au lieu de voguer autour d'une idée musicale unique - chose
que Bellini utilisera encore comme dans l'air de la folie d'Imogene).
Cette nouveauté mise en place par des romantiques sera reprise
par Verdi et sera à la base de la mélodie continue de Wagner,
avec cette fois, une musique pas à pas subordonnée au texte.
Nous aurons l'occasion, à propos de La Straniera, d'approfondir
la nouveauté du style de Bellini mais pour l'heure, laissons-nous
charmer par cette histoire de pirates, où les passions régissent
toute action !
L'intrigue
et la musique de Il Pirata
La source littéraire
du livret est Bertram ou Le Pirate, mélodrame de Charles
Nodier et du baron Taylor (1826), tiré du drame Bertram or the
castel of Saint-Aldobrand (1816) de Charles Robert Maturin. Ce dernier
est plus connu pour son Melmoth ou l'homme errant (1820), relevant
du " Roman noir " nommé aussi " Roman gothique anglais
", représenté par Horace Walpole, Ann Radcliffe et
Matthew Gregory Lewis. La grande vogue que connut le genre à l'époque
romantique devait aussi influencer l'opéra qui allait peu à
peu -il était temps!- abandonner les sujets tirés de l'Antiquité
et de la mythologie. Adieu vestales et empereurs plus ou moins cléments
dans leurs palais glacés, salut ô comtesses angoissées
dans leurs sombres châteaux médiévaux, et nobles bandits
déchirés entre le bien et le mal !... Voici Gualtiero, comte
de Montalto devenu pirate !
"
Avvertimento "
Sous ce titre un peu
solennel, Felice Romani présente un utile résumé
des faits ayant précédé l'action proprement dite.
Le duc Ernesto di Caldora, puissant seigneur sicilien, était éperdument
amoureux de la belle Imogene qui lui préférait pourtant
le comte Gualtiero di Montalto. Le duc se vengea en embrassant le parti
de Carlo d'Angiò (Charles d'Anjou), adversaire du roi Manfredi
auquel Gualtiero et le père d'Imogene étaient fidèles.
Le parti angevin remporta la victoire et Gualtiero, vaincu, fut proscrit.
Il fuit en terre aragonaise dont le roi espérait mettre la main
sur la Sicile mais Gualtiero n'en reçut pas l'aide qu'il escomptait
et à l'aide de pirates aragonais, il se contenta de combattre les
Angevins, espérant reprendre son Imogene bien-aimée... C'était
peine perdue car le duc di Caldora avait fait prisonnier le vieux père
d'Imogene, en " contraignant la malheureuse à racheter sa
vie par le don de sa main ", note clairement Felice Romani, établissant
d'emblée la vilenie du personage. La hardiesse des pirates conduisit
Carlo d'Angiò à rassembler toutes les forces de la Sicile,
placées (évidemment) sous les ordres de Ernesto di Caldora.
Après un long combat, Gualtiero fut battu dans les eaux de Messine,
et contraint à fuir sur un seul vaisseau mais une forte tempête
le jeta sur les côtes de Sicile, (et comme par hasard) non loin
de Caldora !...
En guise de conclusion, on ne résiste pas au plaisir de reporter
l'habituelle et charmante phrase d'excuse, avec laquelle les librettistes
de l'époque concluaient leurs "avvertimenti" !
" L'auteur a cherché à être le plus clair qu'il
le pouvait ; s'il n'y a pas réussi, il faut en donner la faute
à la nécessité d'être bref. ".
* * *
*
(Les durées
indiquées sont celles de l'enregistrement studio dirigé
par le Maestro Gianandrea Gavazzeni)
Sinfonia
[7mn.]
Cette belle ouverture
commence par un curieux Staccato, inhabituel dans la Sinfonia
italienne de l'époque, mais s'alanguissant bien vite dans un mélancolique
Largo . Un bel Adagio agité et inquiet survient alors,
se transformant en un Allegro passionné et conduisant bientôt
au Crescendo qui dominera la Stretta finale du premier acte.
Acte
premier [1h.10mn.]
Premier tableau
[30mn.] : Une plage avec l'ermitage où vit le " Solitario
" (l'ermite), une violente tempête met un vaisseau en grave
péril. Au moment culminant de la tempête, les gens accourent
et emplissent la scène.
Introduzione. L'orchestre image la tempête et le choeur exprime
son désarroi pour les malheureux, mais le " Solitario "
(basse), tente de les rassurer car il y a un Dieu protecteur du malheur.
Bellini signe alors sa partition par la délicieuse prière
générale introduite par la flûte. Un vigoureux crescendo
accompagne la renaissance de l'espoir : l'esquif résite à
la tempête !
Le choeur s'en va prévenir la duchesse qui recueillera certainement
les naufragés. Ceux-ci arrivent sur la plage, aidés par
les pêcheurs.
Scena ed Aria Gualtiero. a) Scena.Gualtiero s'avance, soutenu par
son fidèle Itulbo (ténors). Gualtiero reconnaît en
le Solitario, Goffredo, son précepteur tant aimé, son "
secondo padre ". Celui-ci explique son retrait de la vie, dicté
par la déchéance de Gualtiero et la nouvelle répandue
de sa mort ! Gualtiero parle de son injuste bannissement puis demande
si Imogene lui est encore fidèle (!) Sans attendre la réponse,
il se lance dans son Aria, commençant par ce curieux boléro
décrit plus haut [b) Cavatina] " Nel furor delle tempeste
" : dans la fureur des tempêtes, se présentait toujours
l'image de sa bien-aimée, dispersant les ténèbres
de sa vie aventureuse... un aigu lumineux termine la Cavatina dans l'apaisement
inattendu.
c) Scena : le choeur revient et annonce que la Signora di Caldora vient
elle-même accueillir les naufragés. Goffredo sent le danger
et presse Gualtiero de se retirer, lui disant seulement qu'il est ici
parmi ses ennemis...
d) Cabaletta : amer de devoir fuir, il explique ce qui le fait vivre :
l'espérance d'être uni à Imogène et s'il devait
perdre " ce réconfort de tant de peines ", il n'aurait
plus qu'à mourir ! La mélodie est tempérée,
et non vive et enjouée comme la plupart des Cabalette de
l'époque. La musique en est superbe, toute teintée de mélancolie,
délicieuse d'abandon et gracieuse dans l'amertume !
Itulbo et Goffredo tentent de calmer Gualtiero, tandis que le choeur se
demande quels tourments l'agitent à ce point. Goffredo conduit
Gualtiero à son habitation puis revient.
Scena ed Aria Imogene. La Duchesse Imogene (sop.) déclare
que Caldora a toujours donné l'hospitalité aux naufragés
puis elle interroge Itulbo sur leur provenance... Apprenant qu'ils viennent
de la bataille, elle leur demande des nouvelles des pirates... et de leur
chef (!) ...Itulbo répond qu'il est peut-être prisonnier
ou mort !... Imogene ne cache pas son angoisse mais Adele (mezzo-sop.)
sa suivante l'éloigne des pirates. Imogene prend Adele à
part - la flûte plaintive donne le thème du début
de la Cavatina (qui comporte plusieurs passages différents, selon
la nouvelle méthode bellinienne visant à adhérer
au texte) : Imogene fait le récit horrifié du cauchemar
montrant son Gualtiero tout couvert de sang, puis elle se trouve face
à son époux Ernesto qui triomphe... (la Cavatina prend alors
un rythme de Cabaletta !) ...elle croit encore entendre son soupir...
à ce moment Gualtiero, sort de l'ermitage et la reconnaît.
Elle est frappée par l'exclamation qu'il laisse échapper
et Itulbo explique qu'il s'agit d'un naufragé que ses malheurs
ont rendu dément. La Cabaletta est posée comme celle de
Gualtiero, à peine suggérée par la flûte, thème
doux et mélancolique, évanescent mais élégiaque
au possible ! Imogene déclare qu'elle délire aussi, la pensée
sans cesse préoccupée par un sentiment vain, car ce tourment
de son coeur, elle l'identifie à chaque chose qu'elle voit :
"
Sventurata, anch'io deliro,
Tutta assorta in vano affetto :
Io ti vedo in ogni oggetto,
O tormento del mio cor ! "
Goffredo, Adele et
le choeur tentent de l'apaiser en lui disant que la situation des naufragés
l'afflige par trop : ils recevront au château l'aide dont ils ont
besoin. Le rideau tombe sur la perplexité d'Imogene et les soupçons
d'Itulbo, qu'elle a éveillés. Cette Aria est vraiment intéressante
dans l'inversion, en quelque sorte, des valeurs habituelles : la Cavatina
est fort diversifiée et dramatique -Imogene revit son rêve
terrible- tandis que la Cabaletta est rêveuse et planante, Imogene
est éperdue, obnubilée par la pensée de Gualtiero.
Les vocalises et cadences avec choeurs cristallisent ses sentiments, sans
alourdir le morceau.
Deuxième
tableau [20mn.] : Une galerie dans le château de Caldora
s'ouvrant vers les jardins ; il fait nuit.
Coro. Les pirates s'adonnent joyeusement à leurs libations
et s'amusent à écouter l'écho répéter
leurs chants. Bellini s'avouait fort satisfait de l'effet d'écho,
obtenu en plaçant quelques instruments au loin. Itulbo survient
et leur recommande la prudence et la discrétion car la duchesse
va entrer bientôt. Ils s'éloignent ensemble.
Scena. On comprend qu'Imogene avait chargé Adele de convoquer
un mystérieux personnage, que cette dernière nous décrit
ainsi : " plongé dans de profondes pensées (..) muet,
perplexe, (...) me suivant à pas lents " : bref, tout le portrait
romantique de l'ombrageux Gualtiero.
Scena et Duetto Imogene-Gualtiero. a) Scena : Imogene se demande
pourquoi elle éprouve tant de pitié pour un étranger...
Il entre, enveloppé dans un grand manteau et sans la regarder.
Elle comprend qu'elle ne peut le consoler, tout comme elle-même
est inconsolable... b) " Se un giorno " : si un jour ses pas
le mènent devant un autel, qu'il prie alors pour elle ! Faisant
d'abord mine de partir, il lui dit qu'elle ne peut lui échapper
et se découvre !
c) Arioso. Horrifiée, elle le supplie de fuir car c'est la mort
qui l'attend, et plus grave que la mort, est le doute qu'elle dissipe
en expliquant sa présence à la cour d'Ernesto ! Elle narre
l'histoire du chantage à la vie de son père mais Gualtiero
est amer, le piquant Arioso alarmé se change en un mélancolique
Andante sostenuto [d)] " Pietosa al padre " : elle eut
de la pitié pour son père mais non pour Gualtiero ne vivant
que pour elle !
Elle répond sur la même sublime musique qu'il ne sait ce
que veut dire trembler pour un père âgé... le duo
s'achemine alors dans une longue phrase progressive qui, en deux montées,
-délicieusement soutenues par le violoncelles mélancoliques-
atteint un aigu vertigineux et fort périlleux, (au point que cette
montée est souvent honteusement coupée !).
Scena. Les suivantes de la duchesse surviennent avec son fils ; Gualtiero
l'observe et reconnaît en lui les traits d'Ernesto ! Il se saisit
du petit garçon et sa main s'arrête sur son poignard... Imogene
pousse un cri de désespoir, suivi de pizzicati dramatiques car
ils suspendent l'action... et c'est la belle Stretta finale e) : "
Bagnato dalle lagrime " : " baigné des larmes / d'un
coeur déchiré par toi ", il lui rend donc son fils,
mais qu'il soit le reproche vivant de la trahison de son amour ! Imogene
est émue de voir les larmes de Gualtiero : " ta belle âme
n'est pas changée ", elle lui demande donc de lui pardonner.
Il s'éloigne d'elle rapidement.
Scena. Imogene rend son fils aux suivantes, quand survient Adele annonçant
le retour vainqueur de Ernesto ! (on entend une marche au loin). Dans
les représentations, on coupe souvent cette Scena pour faire tomber
le rideau sur le vibrant Duetto précédent.
Troisième
tableau [20mn.] : Extérieur du château de Caldora,
tout illuminé.
Marcia e Coro. On entend d'abord une marche que l'orchestre joue seul,
puis le choeur en reprend le thème : c'est le triomphe du Duca
Ernesto, salué par ses hommes.
Scena ed Aria. [Cavatina] Ernesto veut partager sa gloire avec
ses hommes comme il a partagé les dangers. La Cabaletta est très
martiale et sonnante mais elle reprend curieusement deux vers de la brève
Scena précédent la Cavatina, ainsi que tous les vers de
cette dernière ! On a souvent parlé de faiblesse (dans le
texte comme dans la musique) pour cette présentation un peu fruste
d'Ernesto. La Cavatina est intéressante, la Cabaletta fonctionnelle,
avec ce côté un peu clinquant mais gentillet typique du romantisme
italien ; mais utiliser le même texte pour deux morceaux est singulier...
d'autant que font suite huit vers non mis en musique par Bellini et dans
lesquel Ernesto regrette amèrement de n'avoir pas versé
le sang de Gualtiero... de la matière idéale, donc, pour
une Cabaletta qui se respecte !
Scena. Ernesto remarque l'affliction de son épouse... qu'il sait
triste, mais à présent qu'il est libéré des
pirates, il se fait fort de passer du temps auprès d'elle et de
changer cette humeur... Il parle des naufragés qu'elle a accueilli
un peu vite... mais il fallait d'abord les secourir avant de les interroger,
répond Imogene. Ernesto appelle alors leur chef et le Solitario
qui fut témoin de leur infortune. Les pirates s'arrêtent
au fond de la scène, l'orchestre traduit plaintivement l'angoisse
d'Imogene...
Finale primo. Gualtiero s'avance mais Itulbo le devance ! Ernesto
note aux vêtements, aux armes et à l'accent de Itulbo qu'il
n'est pas de cette région et quand Itulbo déclare venir
de Ligurie, Ernesto répond que cette terre a donné asile
" au vil Gualtiero "... Le Solitario freine Gualtiero et Itulbo
s'en tire bien en déclarant que la terre ligurienne accueille tout
étranger... Ernesto n'en demeure pas moins soupçonneux et
les consigne en tant que " prisonniers respectés ". Consterné,
Itulbo prie la duchesse d'intercéder et le duc accepte de les laisser
partir le lendemain. Alors que les pirates s'inclinent devant la duchesse,
Gualtiero lui demande de lui parler... l'ensemble concertant Largo
agitato du Finale commence. On parle de Quintetto malgré la
présence de six personnages solistes car le Solitario s'aligne
à la partie de basse du choeur. Gualtiero lance l'ensemble en convoquant
Imogene à un entretien, si elle refuse, cette nuit sera la dernière...
pour tous ! Imogene le supplie d'avoir pitié de sa terreur, née
du danger qu'il encourt ; en contrepoint, Ernesto exprime des soupçons
qu'il ne s'explique pas ; Itulbo et le Solitario tremblent pour Gualtiero
et Adele et les suivantes tentent de cacher leur effroi.
Superbe conjugaison de sentiments différents, cet admirable "
concertato " est un digne représentant de cette spécialité
de l'opéra italien. Une brève Scena nous montre Gualtiero
s'élancer vers Ernesto, puisque Imogene ne semble pas consentir...
desespérée, " elle s'abandonne dans les bras de ses
suivantes ", selon la didascalie consacrée !... mais Itulbo
et le Solitario réussissent à arrêter Gualtiero. La
douleur subite de Imogene augmente les soupçons d'Ernesto qui veut
la faire reconduire à ses appartements. Quasi délirante,
Imogene lance la Stretta finale : " Ah! partiamo ", "
Ah ! partons, que mes tourments / soient cachés à tout regard.
/ Je tremble, je me consume... je suis glacée et brûlante...
/ Mon coeur gonflé éclate dans ma poitrine ". Le duc
est stupéfait et parle de " délire " ! ce n'est
pas de l'angoisse ni de la douleur mais des transports de fureur ! Gualtiero
s'enferme dans son amertume et les autres sont consternés...
Si l'invective d'Imogene traduit bien son état d'âme, on
a critiqué la suite de la Stretta qui reprend simplement le crescendo
de l'ouverture. C'est peut-être dommage car Bellini nous a proposé
bien des nouveautés dans cet acte ; d'un autre côté,
il faut reconnaître que ce crescendo est plus que " fonctionnel
", il exprime avec force le désespoir des personnages principaux
et la confusion découlant du fait d'être " à
bout ". Imogene est emmenée par ses suivantes, Gualtiero est
entraîné par Itulbo et le Solitario, tandis que Ernesto demeure
avec ses hommes, absorbé dans de profondes pensées. Le rideau
tombe.
Acte
second [1h.04mn.]
Premier tableau
[18mn.] : Une salle conduisant aux appartements d'Imogene.
Coro. Ce choeur au charme tout bellinien nous montre les suivantes
de la duchesse constatant que Imogene semble apaisée. Scena.
Adele et Imogene s'apprêtent à se rendre auprès de
Gualtiero qui, sinon, ne s'en ira pas... mais survient le duc Ernesto
!
Scena e Duetto Ernesto-Imogene. Le temps des explications est venu,
Imogene ne peut plus fuir Ernesto. Il sait que seul son coeur est malade,
malade d'un amour encore vivant pour Gualtiero ! (Arioso) Il lui
reproche cet amour mais elle réplique qu'avant d'avoir été
arrachée à son père, cet amour n'était pas
caché : " Tu voulais ma main / tu ne t'es pas préoccupé
d'avoir mon coeur. ". Dans un passage à l'abandon mélancolique
elle reconnaît aimer Gualtiero, " mais comme on aime un homme
défunt ". Cela conduit à un Larghetto rêveur,
unissant à merveille les voix de deux personnages pourtant désunis,
c'est cela l'opéra ! Ernesto comprend qu'il ne connaîtra
jamais ce " tendre sentiment ", tandis que Imogene commence
à penser que le ciel lui concèdera enfin un repos que la
vie sur terre lui refuse. (Reprise Arioso) Un messager apporte
un document apprenant à Ernesto la présence de Gualtiero
à sa cour... et le fait que la duchesse lui a parlé !...
Stretta. Imogene le presse de fuir la " rencontre fatale ",
et voyant déjà Ernesto terrassé par Gualtiero, tandis
que Ernesto frémit de colère : " Col vile suo sangue
/ il tuo scorrera. " (" Avec son vil sang, le tien coulera ").
Il se sépare furieusement d'Imogene qui le suit, éperdue.
Deuxième
tableau [15mn.] : Galerie du château comme à l'acte
I ; l'aube est proche.
Scena. Gualtiero est déterminé à exercer sa
vengeance au cas où Imogene refuserait de l'entendre, les tempérences
de Itulbo n'y font rien. Imogene arrive enfin, Gualtiero explique qu'il
peut combattre, deux de ses navires étant en vue, mais il préfère
fuir avec elle et infliger ainsi cette souffrance au " cruel "
Ernesto. Imogene refuse et Gualtiero se déclare donc enchaîné
ici par le destin : ou la vengeance ou la mort. Imogene veut répondre
mais seules les larmes surviennent, Gualtiero alors s'attendrit (Duettino.)
et il a cette belle phrase " Vieni..., Viens : cherchons par les
mers / un réconfort à notre souffrance. / Pour nous, l'immense
océan / aura un port tranquille ", avec un le jeu de mots
sur le " port ", pris aussi dans le sens métaphorique
de havre de paix . Imogene a une réponse tout aussi poétique
: " Des remords amers / nous suivraient sur l'onde : / l'immense
mer n'a pas de rivage / qui puisse nous cacher d'eux. ". Il doit
donc vivre et pardonner, prononce-t-elle, avant de lui dire adieu.
Terzetto. A ce moment Ernesto paraît au fond et reste à
part, tout ne participant au trio -convention du genre !-. Chacun va chanter
la superbe phrase Larghetto : Gualtiero dit céder au destin, admettant
de tout perdre, mais il ne peut accepter que Imogene lui demande de vivre
! Elle répond que " Tout est possible à un coeur /
lorsque l'honneur le guide : / la vertu te rendra / supérieur à
ton destin. ". Ernesto ne pense qu'à étendre sur eux
la menace de sa fureur. Imogene presse Gualtiero de partir et lui, demande
avec émotion : " Ah ! un addio. " Ernesto surgit alors,
annonçant, terrible : " Qu'il soit le dernier. ". Il
ajoute que Gualtiero tente en vain de fuir sa colère, à
ces mots, Gualtiero ente dans une fureur terrible à son tour :
fuir ! fuir, alors qu'il le cherche depuis dix années qui n'ont
pas affaibli la soif de son sang ! La Stretta finale du trio traduit
bien la frénésie qui s'empare d'eux : Ernesto et Gualtiero
sortent pour se livrer un combat sans merci, alors que la malheureuse
Imogene se désespère, demandant qu'on la frappe, elle ;
que le soleil disparaisse, refusant la lumière du jour à
tant d'horreur !
Scena. Adele tente de réconforter Imogene mais reste frappée
de son état : " Elle ne m'entend pas ; / pâle, froide
muette. ". On entend un bruit de bataille au dehors rappelant Imogene
à soi ; elle veut courir séparer les deux hommes. Cette
Scena est dramatique non seulement par l'emploi du style déclamé
mais grace à un orchestre tourmenté et vigoureux. D'autre
part, elle est utile car elle éclaire l'état mental dans
lequel Imogene fera son ultime apparition dans l'opéra...
Troisième
tableau [31mn.] : Atrium du château ; de grande arcades découvrent,
à l'extérieur, une cascade et le pont qui l'enjambe pour
conduire au château. Au son d'une marche funèbre, les soldats
de Ernesto entrent avec ses armes dont ils font un trophée. Les
nobles suivent, affligés et pensifs, puis Adele et les demoiselles
de compagnie.
Coro generale. L'atmosphère est lourde, on sent que le choeur,
en tant que morceau conventionnel, s'installe et en a pour un bon moment.
De fait, se mêlent la consternation générale et le
désir de vengeance, car leur seigneur a été tué,
" Sur la fleur des années / et par qui donc ? par qui ? /
Par la main d'un traître, / d'un vil pirate ! ". La lourde
marche funèbre s'éteint peu à peu.
Scena ed Aria Gualtiero.
Il s'avance, enveloppé dans son grand manteau, sombre et pensif
(sinon, il ne serait pas personnage romantique !). A présent qu'il
a favorisé la fuite des siens, il se livre et jette son épée,
à la surprise des autres. Il dit attendre la mort mais le choeur
suggère que se réunisse d'abord le " consiglio dei
Cavalieri ", ou conseil des nobles. Vite, alors, souligne Gualtiero,
sinon la victime pourrait encore leur échapper des mains !... Tournant
le regard, il aperçoit Adele et s'approche d'elle : Cavatina.
Sublime de dépouillement, car sans introduction de la flûte
ou de la clarinette, l'air Larghetto maestoso commence, tout doucement
et à peine soutenu par les accords romantiques typiques des violons
: " Tu vedrai la sventurata ".
"
Tu verras la malheureuse
Que j'ai consacrée aux larmes ;
Tu lui diras que si je l'ai offensée,
J'ai su également la venger.
Un jour, peut-être,
Élévera-t-elle une prière,
Et viendra le soir, compatissante
Pleurer sur ma tombe. "
Scena. On entend
les trompettes annonçant la réunion du conseil et le choeur
lui dit de penser à se disculper mais Gualtiero a cette réponse
sublime, forçant l'admiration des autres ! " Condamné
par moi-même, / je ne pense qu'à mourir ". A sublime
Cavatina, Bellini répond par une sublime Cabaletta : dès
l'introduction du thème par la flûte, on est touché
par toute la mélancolie, l'abandon du désabusement mais
qui reste gracieux et chaleureux ! L'opéra romantique italien abonde
de ces airs que l'on pourrait nommer des " Airs d'adieu du ténor
" et, pour ne citer que les plus beaux : l'air de Faone dans la délicieuse
Saffo de Giovanni Pacini, et, chez Donizetti, celui de Lord Percy
dans Anna Bolena, de Crispo dans Fausta, de Ugo d'Este dans
Parisina, de Roberto dans Roberto Devereux, celui de Raoul
di Coucy dans Gabriella di Vergy, celui du comte Oliviero dans
Adelia... Tous ces airs allient panache romantique mais désabusement
mélancolique, ce qui explique leur rythme parfois guilleret mais
ne devant pas tromper l'auditeur, c'est le moule romantique de la passion
chaleureuse mais élégante !
La Cabaletta " Ma non fia sempre odiata / la mia memoria "
de Gualtiero est belle " d'espoir désespéré
", pour ainsi dire, ce qui rejoint tout à fait la conception
de l'adieu désabusé mais avec panache, exposée plus
haut.
"
Mais que ma mémoire ne soit pas haïe
Pour toujours, j'espère ;
Si je fus impitoyable et fier,
Je fus malheureux également.
Et la tombe parlera
Aux gens compatissants
De mes longs tourments,
De mon amour trahi. "
Scena. Gualtiero
part avec les nobles, Adele et les suivantes ne peuvent que pleurer pour
lui : " Un magnanimo cuor degenerato / Per averso destin... "
! (point n'est besoin de traduction) mais voici que s'approche Imogene...
Aria Finale Imogene.
Preludio. D'abord sombre et tragique, le prélude fait ensuite
entendre une mélodie plaintive pour le hautbois soliste, cantilène
toute bellinienne de mélancolie pure. Les accords tragiques et
menaçants reviennent à la fin mais qui s'apaisent ensuite,
pour laisser la place au chant. Durant ce prélude, " Imogene,
tenant son fils par la main, s'avance à pas lent, regardant autour
d'elle, éperdue. Elle est délirante ", précise
la didascalie originale de Felice Romani.
Scena. " Oh ! s'io potessi " (Si je pouvais dissiper
les nuages / qui pèsent sur mon front !... / Suis-je dans mes appartements,
ou suis-je ensevelie ?). Adele s'aperçoit de l'état d'Imogene
! La malheureuse se demande si c'est le jour ou la nuit... prenant Adele
à part, elle lui parle d'un guerrier gisant à terre... mais
ce n'est pas Gualtiero, c'est Ernesto qui appelle son fils... -l'orchestre
fait entendre la cantilène du prélude- son fils qu'elle
a sauvé des malfaiteurs... Qu'il embrasse son fils avant de mourir
et qu'il lui pardonne à elle... Que son fils innocent l'implore
pour elle !
Cavatina " Col sorriso d'innocenza ". La flûte
présente le thème rêveur : c'est la chair de poule
assurée, le divin Bellini atteint au sublime, on le suit, sans
prendre garde aux paroles ! ...Éthérée, élégiaque,
la longue mélodie se déploie, lunaire, radieuse, dans ce
miracle presque infini, concédé par la création bellinienne....
" Avec le sourire de l'innocence ", que son fils parle de pardon,
de clémence à son père... qu'il lui dise qu'elle
l'a sauvé... On notera que le fond des paroles d'Imogene est vrai
: son fils se plaçait entre Gualtiero et elle, et a compté
dans son refus de suivre son "pirate" bien-aimé.
Scena. On entend des rumeurs venant de la salle du conseil, le
choeur annonce la condamnation de Gualtiero. Imogene s'agite : il est
prisonnier ! il faut le délivrer... quoi ? on prépare l'échafaud
?!!... En vain ses suivantes veulent l'emmener dans un lieu où
elle trouvera plus de quiétude.
Cabaletta finale. " Oh, sole ! ti vela / di tenebre oscure...
".
"
Oh ! soleil voile-toi
de ténèbres profondes
dérobe à ma vue
la hache barbare !
Mais le sang déjà s'écoule ;
me recouvre tout entière...
d'angoisse, de douleur,
d'horreur je mourrai. "
Cette fois la Cabaletta
comporte ce rythme vif qui fit la réputation de ce type d'air,
et c'est fort justifié pour décrire son furieux désespoir
! In modo lacerante, précise Bellini à l'interprète
! car la malheureuse Imogene ne délire plus... elle a parfaitement
conscience de la catastrophe finale !
Le choeur des suivantes conclut à juste titre qu'elle ne supporte
plus sa douleur, et la folie en est l'exutoire désespéré
et magnifié par l'opéra romantique italien qui abusera de
ce genre de finales mais laisse tant de chef-d'oeuvre dans le genre !
(Une curieuse variante existe (peut-être vaudrait-il mieux parler
de coupure, si ce n'est pas de Bellini) adoptée parfois par certains
théâtres et concerne la suppression frustrante des cadences
finales d'Imogene et des interventions du choeur, faisant déboucher
la fin de la Cabaletta sur un aigu final brusque et semblant "liquider"
les choses !)
* *
*
Discographie
et enregistrements divers
de
Il
PIRATA
La liste des enregistrements
de l'opéra est chronologique ; les enregistrements officiels studios
et les " live " devenus officiels par une publication courante
en LP ou CD sont signalés pas des astérisques **.
Gualtiero : Mirto
Picchi
Imogene : Anna De Cavalieri
Il Duca Ernesto : Walter Monachesi
Goffredo : John Thomas O'Leary
Orchestra Sinfonica della R.A.I. / Direttore : Mario Rossi
[Torino ?] 1957
The Golden Age of Opera E.J.S. 160 (2) (L.P.)
Gualtiero : Pier Miranda
Ferraro
Imogene : Maria Callas
Il Duca Ernesto : Costantino Ego
Goffredo : Chester Watson
Orchestre de l'American Opera Society / Direction : Nicola Rescigno
New York, Carnegie Hall, 27-01-1959 **
Gualtiero : Bernabé
Marti
Imogene : Montserrat Caballé
Il Duca Ernesto : Licinio Montefusco
Goffredo : Laurence Davidson
Orchestre? / Direction : Gianfranco Rivoli
New york, Carnegie Hall, 25-04-1966
M.R.F. (L.P.)
Gualtiero : Flaviano
Labò
Imogene : Montserrat Caballé
Il Duca Ernesto : Piero Cappuccilli
Goffredo : Ugo Trama
Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino / Direttore : Franco Capuana
Firenze [Florence], Teatro Comunale,14-06-1967
Nuova Era 2207/8 **
Gualtiero : Flaviano
Labò
Imogene : Montserrat Caballé
Il Duca Ernesto : Piero Cappuccilli
Goffredo : Ugo Trama
Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino / Direttore : Erasmo Ghiglia
Firenze [Florence], Teatro Comunale,15-06-1967
Melodram (CD) 270 15 **
Opera D`Oro OPD-1179 CD**
Un mystère entoure les enregistrements de ce
Pirata florentin : les deux dates, d'abord, de deux jours successifs !
Puis le chef, changeant brusquement ; une chose est sûre, la soirée
diffusée à l'époque par la RAI radio italienne, est
celle du 15 juin et l'on entend clairement la présentatrice énoncer
le nom du chef d'orchestre ERASMO GHIGLIA.
Gualtiero : Bernabé
Marti
Imogene : Montserrat Caballé
Il Duca Ernesto : Piero Cappuccilli
Goffredo : Ruggero Raimondi
Orchestra sinfonica di Roma, della Radiotelevisone italiana /
Direttore : Gianandrea Gavazzeni
Roma, Auditorium della R.A.I., 1971
E.M.I. CD **
Gualtiero : Stuart Neill
Imogene : Lucia Aliberti
Il Duca Ernesto : Roberto Frontali
Goffredo : kelly Anderson
Orchestra della Deutsche Oper Berlin / Direttore : Marcello Viotti
Berlin BCL 1115 2 CD **
Quelques "
bandes privées " intéressantes :
Gualtiero : Rockwell
Blake
Imogene : Maria Dragoni
Il Duca Ernesto : Franco Sioli
Goffredo : Gabriele Monici
Orchestra Filarmonica Marchigiana ? / Direttore : Filippo Zigante
Jesi, Teatro Pergolesi, 06-10-1984
Gualtiero : Salvatore
Fisichella
Imogene : Maria Dragoni
Il Duca Ernesto : Luigi De Corato
Goffredo : Gabriele Monici
Orchestra del Teatro Massimo di Palermo / Direttore : Karl Martin
Parlermo, Teatro Politeama Garibaldi, 09-03-1986
Gualtiero : Rockwell
Blake
Imogene : Jenny Drivala
Il Duca Ernesto : Lorenzo Saccomani
Goffredo : Renato? Cazzaniga
Orchestra del Teatro Massimo Bellini / Direttore : Tiziano Severini
Catania, Teatro Bellini, 23-09-1987
Gualtiero : Giuseppe
Morino
Imogene : Lucia Aliberti
Il Duca Ernesto : Giorgio Surjan
Goffredo : Pietro Spagnoli
Coro del Teatro Petruzzelli di Bari
Orchestra Internazionale d'Italia - Opera / Direttore : Alberto Zedda
Martina Franca, Cortile di palazzo Ducale, 23-07-1987
Festival della Valle d'Itria
Vidéo enregistrée par la RAI (Radiotelevisione italiana)
Gualtiero : Vincenzo
Bello
Imogene : Mara Zampieri
Il Duca Ernesto : Vicente Sardinero
Goffredo : Jurij Zinovenko
Orchestre de l' "Alte Oper" de Francfort ? / Direction : Imre
Pallò
Frankfurt, Alte Oper ?, 31-03-1990
Gualtiero : Octavio
Arévalo
Imogene : Felicia Filip
Il Duca Ernesto : Richard Cowan
Goffredo : Philippe Kahn
Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy / Direction : Jérôme
Kaltenbach
Nancy, Opéra de Nancy et de Lorraine, 11-06-1995
+ Aria Finale : Felicia Filip (Imogene), Yoshinori Kikuchi (Direction),
Théâtre Royal de Liège, 23 Février 1993.
Gualtiero : Barry
Banks
Imogene : Nelly Miricioiu
Il Duca Ernesto : Brian Banatyne-Scott
Goffredo : Piero Spagnoli
Chelsea Opera Group Orchestra and Chorus / Conductor : Brad Cohen
London, Queen Elizabeth Hall, 20-05-2001.
.......Et dans
d'autres catalogues privés....
Gualtiero : Bernabé
Marti
Imogene : Montserrat Caballé
Il Duca Ernesto : ? Reardon
Goffredo : ? Salerno
Orchestre? / Direction : Anton Guadagno
Philadelphia, 08-03-1968.
Gualtiero : Bernabé
Marti
Imogene : Montserrat Caballé
Il Duca Ernesto : ? Nabokov
Goffredo : ? ?
Orchestre? / Direction : Anton Guadagno
Cincinnati, 05-07-1969.
Gualtiero : Salvatore
Fisichella
Imogene : Mara Zampieri
Il Duca Ernesto : ? Gilfry
Goffredo : Boris ? Martinovic
Orchestre ? / Direction : Nello santi
Zürich, 26-09-1992.
Gualtiero : Rockwell
Blake
Imogene : Lucia Aliberti
Il Duca Ernesto : Marcel Vanaud
Goffredo : François Loup
Orchestre ? / Direction : Patrick Fournillier
Saint-Étienne, 16-05-1993.
* *
Une fois passée
l'agréable impression de la découverte du timbre chaleureux
de Bernabé Marti, on ne peut que remarquer son style haché
et fruste qui attriste, sans parler de son accent espagnol, durcissant
certaines consonnes douces de l'italien. Rockwell Blake a le style et
la délicatesse mais peu de charme dans le timbre, Salvatore Fisichella
est plus éclatant et brillant mais pour trouver l'abandon permis
par une morbidezza (souplesse) exemplaire, il faut se tourner vers
Flaviano Labò, qui hélas ne chante pas tout !
Vincenzo Bello est un Gualtiero séduisant, alliant la noblesse
d'un Blake à la sensibilité d'un Flaviano Labò.
Outre son intégrale de 1971 et ses divers " pirates "
(!), Caballé a enregistré le Finale dès 1965 pour
la RCA. Son timbre est plus angélique que jamais, mais elle réussit
pourtant à impressionner dans la Cabaletta de désespoir.
On croit plus à sa folie-rêveuse qu'à celle de Callas...
qui est plutôt l'expression d'une douleur intense, comme c'est toujours
le cas avec les " folies " de la grande tragédienne de
l'opéra. Dans Il Pirata, la douleur exacerbée est
surtout déployée dans la Cabaletta finale, le reste est
assez intériorisé ou rêveur et Caballé semble
sans égale dans ces passages.
La grande bellinienne du XXe siècle : RENATA SCOTTO, a chanté
le Finale, à New York en 1979, sous la direction de Lorin Maazel,
et une fois encore son art du phrasé fait merveille !
Mara Zampieri est rêveuse, nuancée et appliquée mais
aussi impressionnante dans l'hallucination.
Maria Dragoni offre un compromis entre un timbre " accrochant "
à la Callas et une rondeur plus égale et unie : sa vibrante
Imogene mérite l'attention.
Felicia Filip est fort impressionnante : même si le timbre semble
fluet, il ne manque pas de projection, avec des graves plutôt sonores,
et les vocalises sont assumées.
Exemplaires de style, Lucia Aliberti et Giuseppe Morino distillent avec
intelligence leur chant raffiné ; l'impressionnante technique de
Giuseppe Morino lui permet aussi bien des variations dans les Da Capi
que des aigus a tutta forza qui coupent le souffle ! Le Maestro
Alberto Zedda donne à l'orchestre la juste pulsation romantique
mais surtout pas " casse-tout-on-liquide " et brûlant
les ailes de la musique, de bien des chefs d'aujourdhui...
* *
*
" LE " rendez-vous
manqué pour les micros officiels (...ou " pirates "!!)
Gualtiero : Franco
Corelli
Imogene : Maria Callas
Duca Ernesto : Ettore Bastianini
Orchestra e Coro del Teatro alla Scala di Milano
Maestro Concertatore e Direttore : Antonino Votto
Milano, Teatro alla Scala, 1958.
Bande-fantôme dont on a dit qu'elle n'existait pas sinon, elle aurait
déjà reparu, comme les autres enregistrements " pirates
" de Callas ; mais on a dit aussi qu'elle était jalousement
conservée par Franco Corelli, non décidé à
la " lâcher "....
Bref, à placer
aux rêves des regrets, avec la fameuse Fedora des mêmes
Callas-Corelli-Teatro alla Scala, ou encore le Don Carlo milanais
de Callas !
"
Quel palco funesto ! "
Sachant que "
palco " signifie échafaud mais aussi " loge de théâtre
", on comprend le geste dramatique de Callas qui, en désaccord
avec le surintendant Ghiringhelli de la Scala, lançait un doigt
plus accusateur qu'halluciné vers sa loge, au moment d'attaquer
la Cabaletta finale de Il Pirata !
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